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19/5/11 | Thierry Desjardins |
Nos
ténors politiques ne savent plus ce qu’est le bien ou le mal ! Débat étonnant hier à « C dans l’air ». Face à Yves Calvi, j’étais entouré de deux journalistes et d’un universitaire spécialiste des médias. Le sujet était, bien sûr, Strauss-Kahn et… la morale en politique. J’avoue avoir été sidéré par les propos de mes compagnons. Mais ils m’ont paru intéressants car ils reflétaient parfaitement ce qu’on entend depuis trois jours en France. En gros, les trois lascars ont fait mine de battre leur coulpe en avouant qu’ils savaient très bien, « comme tout le monde et depuis bien longtemps », que Dominique Strauss-Kahn était un obsédé sexuel et qu’ils auraient donc dû le faire savoir, ce qui aurait, sans doute, évité qu’il ne soit nommé à la direction générale du FMI et qu’il ne devienne le grandissime favori pour les présidentielles. Mais tout devenait totalement incohérent puisque tous les trois se mirent à défendre avec l’énergie des moralistes le droit au secret de la vie privée des hommes publics. « Nous n’avons pas à entrer dans la chambre à coucher des hommes politiques », s’écria l’un d’entre eux. « Le devoir d’informer n’a pas à entretenir le voyeurisme des foules », renchérissait un autre. Or, de deux choses l’une : ou l’on respecte la vie privée des gens célèbres et on ne rend donc pas publics leurs défauts cachés, leurs tares secrètes, voire leurs vices les plus profonds, ou on étale au grand jour les penchants regrettables qu’ils peuvent avoir, pour les éliminer de la vie publique et les empêcher, avant qu’il ne soit trop tard, de commettre l’irréparable. J’étais doublement minoritaire dans ce débat puisqu’à mes yeux les hommes publics n’ont aucun droit au secret de leur vie privée et qu’en plus je ne considère pas que le goût des femmes qu’avait indiscutablement Dominique Strauss-Kahn laissait entendre qu’il était un violeur en puissance. Tous les experts l’affirment : les violeurs sont des malades (et des criminels, bien sûr) qui ne peuvent pas avoir de vie sexuelle autrement que dans la violence. Les dragueurs invétérés, les don Juan impénitents, comme l’était DSK, ne sont pas des violeurs. Si tant est que DSK soit bien coupable, son passé ne pouvait pas le laisser prévoir. On doit d’ailleurs ajouter que, malgré ce fameux et sacrosaint respect de la vie privée imposé par nos lois liberticides, depuis des années, dans tous les portraits qui lui étaient consacrés, tout le monde insistait sur le charme un peu lourdaud de DSK, sa volonté de séduire à tout prix et son penchant au harcèlement, voire sa fâcheuse habitude de sauter sur tous les jupons qui passaient devant lui. Ce qui, répétons-le, n’en faisait pas un violeur prédestiné. On peut naturellement se demander comment l’incroyable a pu arriver (s’il est arrivé). Les psychiatres parleront sans doute d’un coup de folie. Ils auront raison. Mais j’ajouterai une particularité française qui me semble avoir son importance, ici comme ailleurs. Nos « ténors » politiques vivent dans une bulle qui les sépare de toute réalité. Ils habitent les palais dorés de la République, ils sont entourés de collaborateurs obséquieux qui cèdent à tous leurs caprices, d’une cour d’admirateurs intéressés qui leur donnent toujours raison. Ils finissent donc, au bout de quelques années, par se croire tout permis et par avoir la conviction de bénéficier à tout jamais de la plus totale des impunités. On peut expliquer la plupart de tous les scandales (notamment politico-financiers) qui marquent depuis des années notre vie politique par cette perte complète de conscience des réalités chez nos « ténors » qui, ayant le pouvoir, ne savent plus ce qu’est le bien ou le mal. S’il a bien abusé de cette malheureuse femme de ménage de son palace, Strauss-Kahn ne doit toujours pas comprendre, du fond de sa cellule new-yorkaise, ce qu’on lui reproche. Comme Eric Woerth - et la comparaison est, bien sûr, excessive - ne comprend toujours pas qu’on ait osé lui reprocher d’avoir confondu ses fonctions de ministre du Budget et de trésorier de l’UMP ou d’avoir fait embaucher sa femme par Liliane Bettencourt. Mais on peut aussi se demander si DSK, après avoir violé une femme de ménage du Sofitel de Paris, se retrouverait ce soir à Fleury-Mérogis. Thierry Desjardins
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