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7/3/12 | Thierry Desjardins |
Un politicien est cuit quand il n’est pas cru ! (Pierre Dac) Nicolas Sarkozy a-t-il été convainquant, hier soir, au cours de l’émission « Des paroles et des actes » ? Les experts nous disaient qu’il jouait très gros. A moins de deux mois du premier tour de la présidentielle, on est déjà pratiquement entré dans la dernière ligne droite et le président-candidat a un retard considérable à rattraper sur son adversaire du PS. Tout a commencé, bien sûr, par le Fouquet’s, cette marque au fer rouge qui restera comme le symbole de ce quinquennat du « président des riches ». Au lieu d’avouer qu’il avait fait une énorme « connerie » en allant festoyer, ce soir-là, avec ses copains milliardaires dans ce haut lieu des nouveaux riches, et de rappeler que Pompidou, l’ami des Rothschild, arrivait à Matignon au volant de sa Porsche, que Giscard s’offrait des chasses de nababs, que Mitterrand fréquentait les plus grands palaces, en Egypte et ailleurs, et que Chirac s’était payé un château, Sarkozy a évoqué à demi-mots ses malheurs conjugaux de l’époque, ce qui n’était qu’à demi convainquant, et, pire encore, a cru devoir faire l’éloge de ces grands patrons qui l’entouraient au Fouquet’s et qui donnent de l’emploi aux chômeurs. Il semble donc n’avoir toujours pas compris ce qu’on lui reprochait et qu’on lui a reproché pendant tout son quinquennat. Il a plus volontiers reconnu qu’il avait eu tort de traiter de « pauvre con » un type au salon de l’Agriculture et d’essayer d’imposer son fils Jean à la présidence de l’EPAD. Dont acte. En fait, Sarkozy est tombé dans le piège que lui tendent ses adversaires. Il a surtout parlé de son bilan en tentant de le justifier. Or, quelles qu’aient pu être les circonstances, ce bilan est indéfendable. Fabius a eu raison de lui dire que son bilan était son « boulet ». Sarkozy aurait dû, évidemment, parler beaucoup plus de son projet, de sa vision de la France pour demain, en nous racontant que, si ce premier quinquennat avait été raté à cause de la crise, le prochain serait celui de l’espoir, du sursaut, du redémarrage, de la renaissance, de la… rupture. Manquant de souffle, il ne nous a promis que des bricoles, des rustines. Un peu pour chacun. Du saupoudrage électoral. Un nouvel impôt sur les grands groupes, pour faire plaisir à la gauche. Une dose de proportionnelle, pour séduire les centristes. Une restriction de l’immigration et des avantages accordés aux étrangers, pour calmer l’extrême-droite. Or, il ne fera jamais plaisir à la gauche, ne séduira plus jamais les centristes et ne calmera plus jamais les électeurs du Front national, tous étant d’ailleurs convaincus que ce ne sont, là encore, que des promesses de Gascon. Pourquoi, au lieu d’attaquer bille-en-tête le programme de François Hollande qui le devance tout de même aujourd’hui, au premier tour, de 8 points et, au second tour, de 18 points (c’est dire s’il y a péril en la demeure), s’est-il contenté de reprendre à son compte les critiques formulées jadis contre son adversaire par les socialistes (« la fraise de bois » de Fabius lui-même). Sarkozy a reproché à Hollande de ne pas savoir dire « non ». Il aurait mieux fait de l’accuser de vouloir embaucher des fonctionnaires, ouvrir toutes grandes les vannes des dépenses et donc augmenter dans des proportions insupportables les prélèvements obligatoires. Sarkozy avait envoyé Juppé ferrailler avec Hollande. Celui-ci lui a donc rendu la pareille en envoyant Fabius lui porter la contradiction. Même si certains pouvaient regretter que le vrai duel final n’oppose pas Juppé à Fabius, les deux anciens condisciples de la rue d’Ulm qui sont tout de même d’un autre niveau que les protagonistes d’aujourd’hui, ce recours aux anciens combattants de jadis avait un côté un peu pitoyable. Le face-à-face Sarkozy-Fabius fut encore moins bon que ne l’avait été le face-à-face Hollande-Juppé. Trop de haine d’un côté, trop de mépris de l’autre. Ce matin les sarkolâtres (il en reste) ont retrouvé le sourire et sont
convaincus que leur grand homme est bel et bien reparti à la conquête de
l’opinion publique. Les hollandolâtres (il y en a de plus en plus) gardent
leur sourire. Pour eux, le président sortant et candidat peut dire,
raconter, promettre n’importe quoi, c’est trop tard. Il a perdu. On ne se
fait pas pardonner un quinquennat en cinquante jours.
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