La Pologne a toujours
survécu grâce au
nationalisme des Polonais !
La Pologne n’a vraiment pas de chance. Toute son histoire a été marquée par
des drames épouvantables, des dépeçages à répétition, des massacres
horribles. Et voilà qu’un accident d’avion décapite l’Etat. Cruelle ironie
du sort, c’est en se rendant aux cérémonies de Katyn –
là même où, en 1940, les Soviétiques massacrèrent d’une balle dans la
tête des milliers de Polonais, toute l’élite du pays- que le président Lech
Kaczynski et tout son entourage ont trouvé la mort.
Naturellement, comme le veut la tradition, dès la nouvelle de l’accident,
la terre entière a rendu hommage au président polonais. C’était à qui en
rajouterait le plus. On a eu soudain l’impression qu’il s’agissait d’une
perte irréparable pour l’humanité toute entière.
Or, la veille encore, Kaczynski était traité de tous les noms d’oiseaux
dans la plupart des capitales. On nous le présentait comme « un
nationaliste fou furieux », « un abominable réactionnaire », à la
limite du fascisme et de l’antisémitisme (même s’il se disait « un ami
d’Israël »), « à la solde de l’église la plus conservatrice du monde
» (on oubliait qu’il s’agissait de celle de Jean-Paul II), une sorte
d’hurluberlu à moitié dingue et en tous les cas redoutablement dangereux.
Et dans les capitales européennes, à Paris notamment, pour mieux
l’achever, on l’accusait d’être, en plus, « un eurosceptique avéré »,
voire même « un europhobe indécrottable ».
Il faut bien reconnaître que tout cela était - un peu- vrai. Il était d’un
nationalisme exacerbé, comme tous les Polonais, il était viscéralement
attaché à l’église catholique et un brin antisémite, comme la plupart des
Polonais, il était farouchement hostile à l’avortement et à l’homosexualité
comme beaucoup de Polonais et, pour lui, l’Europe n’était rien d’autre
qu’une vache à lait dont il fallait tirer le maximum d’avantages financiers,
comme pour tous les Polonais de sa génération qui n’ont jamais pardonné à
l’Europe occidentale d’avoir abandonné la Pologne sous le joug des
Soviétiques pendant si longtemps.
Mais, hier, dans son message de condoléances, Sarkozy rendait un vibrant
hommage à la mémoire de ce même président Kaczynski, affirmant qu’il «
avait toujours été animé par un patriotisme ardent » et que « sa
carrière avait été vouée à la cause de la Pologne ». Fillon n’était pas
en reste : « Animé de fortes convictions, le président Kaczynski était
pleinement engagé à servir et à promouvoir les intérêts et le rayonnement de
son pays sur la scène européenne et internationale ». Et Kouchner
ajoutait : « C’était un homme aux grandes qualités morales au service du
peuple polonais ».
Bien sûr, il faut faire la part des obligations protocolaires et des usages
diplomatiques dans de telles circonstances. Mais il est tout de même
frappant de voir qu’il a suffi à Kaczynski de mourir dans un accident
d’avion pour que son « nationalisme fou » devienne, en l’espace d’un
crash, un « patriotisme ardent » et que cet « affreux
réactionnaire » soit, à titre posthume, couvert d’éloges à propos de «
ses fortes convictions » et surtout de « ses grandes qualités
morales ».
Il serait peut-être bon que nos dirigeants profitent du silence qu’impose,
un instant, ce drame pour se demander si, après tout, Kaczynski n’avait pas
un peu raison avec son « patriotisme ardent » et son « engagement à
servir les intérêts de son pays ».
Certes, il était ridicule avec sa petite taille, sa face toute ronde, son
jumeau (qui avait été, un temps, son premier ministre) et ses sorties
souvent à l’emporte-pièce, mais, sur le fond, pouvait-on vraiment lui
reprocher d’être ce « nationaliste intransigeant» qui « consacrait
sa vie à la cause de la Pologne » ?
En France, on apprécie le nationalisme à condition qu’il soit kossovar,
palestinien, algérien, tibétain, voire même corse. S’il est français, le
nationalisme est immédiatement voué aux gémonies, considéré comme étant la
marque du pire extrémisme de droite et la résurgence du pétainisme (ce qui
est un comble quand on se souvient que le pétainisme prônait la
collaboration avec l’ennemi).
Chez nous, on parle de l’Europe ou éventuellement des régions. La Nation
est depuis longtemps passée à la trappe. La patrie aussi. Et d’ailleurs le
gouvernement en est arrivé à vouloir organiser une vaste enquête (nationale)
pour essayer de savoir ce que c’est qu’être français.
Kaczynski, lui, n’avait pas besoin de faire procéder à des sondages pour
apprendre ce que c’était qu’être polonais. Il est vrai que la Pologne est un
pays un peu particulier. Envahie, dévorée tout au cours des siècles par tous
ses voisins, Prussiens, Russes ou Autrichiens, puis Allemands ou
Soviétiques, elle a « la susceptibilité nationale » à fleur de peau. La
Pologne a toujours survécu grâce au nationalisme des Polonais
Alors qu’ils étaient sans doute, avant guerre, l’un des peuples de l’Est les
plus tournés vers l’Ouest, les Polonais, ayant oublié que la France et la
Grande-Bretagne avaient, en 1939, déclaré la guerre à Hitler quand les
troupes nazies avaient envahi leur pays, et se croyant abandonnés de tous,
se sont, pendant plus d’un demi siècle, blottis, une fois de plus, autour de
leur drapeau, de leur culture et de leur église pour survivre. Il n’est donc
pas étonnant qu’ils soient aujourd’hui encore eurosceptiques.
Mais, plus généralement, est-il vraiment scandaleux qu’un homme politique,
même devenu chef d’Etat, soit « nationaliste » (ou « patriote », si on
préfère) et, tout en tentant d’incarner son peuple, veuille défendre bec et
ongle les intérêts de son pays ?
En France, la chose devient, bien sûr, difficile. Nous n’avons plus de
frontières, c’est l’Europe, plus de monnaie, c’est l’euro, plus de justice,
c’est la Cour européenne, plus guère de parlement, les lois de Bruxelles
l’emportent sur les nôtres, et même plus de peuple puisqu’au lieu
d’assimiler, comme autrefois, nos immigrés pour en faire des Français « à
part entière », nous entendons désormais respecter leurs différences et nous
en faisons des Français « à part ».
Il est évident que le mal français, le malaise des Français vient de cette
dilution de la Nation et de ce travail de sape de certains qui ont réussi à
faire passer le nationalisme pour un crime de l’esprit.
Juste une question. Si demain Nicolas Sarkozy disparaissait, est-ce que
le monde entier aurait l’idée d’affirmer qu’« il avait été animé d’un
patriotisme ardent » ? Rien n’est moins sûr.
« Vive la Pologne ! » comme s’était écrié, le 3 juin 1867, au palais
de Justice de Paris, un jeune avocat du nom de Charles Floquet, devant le
tsar Alexandre ll.
Thierry Desjardins
https://www.thierry-desjardins.fr/
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