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16/5/10 Thierry Desjardins
    Baisser le salaire des ministres ? Plutôt crever !

Nous nous en doutions depuis quelque temps mais Luc Chatel est vraiment nul. Entre Frédéric Lefebvre et lui, la majorité n’a décidemment pas de chance avec ses porte-parole. Chaque fois que l’un de ces deux-là ouvre la bouche, Sarkozy perd un point dans les sondages. Et ce qui est le plus embêtant avec Chatel, c’est qu’en plus il est ministre de l’Education nationale. Il paraît même qu’il serait premier-ministrable !
Sa toute dernière gaffe mérite d’entrer dans une anthologie. Elle est, en tous les cas, diablement révélatrice à la fois de l’impudeur de ceux qui nous gouvernent et du mépris dans lequel ils nous tiennent.

On sait que, face à la crise épouvantable qui ravage aujourd’hui l’Europe et au milieu de toutes les mesures de rigueur, voire d’austérité, que sont bien obligées de prendre toutes les capitales, un certain nombre de premiers ministres ont décidé de réduire leur propre salaire et celui de leurs ministres.

C’est, évidemment, un peu démagogique mais c’est un symbole fort qui consiste à dire au « brave peuple » : nous devons tous nous serrer la ceinture, nous les premiers. C’est, en tous les cas, une réponse à tous ceux, de plus en plus nombreux, qui pensent, bien souvent à juste titre, que ce sont toujours les mêmes auxquels on demande de faire des efforts alors que les dirigeants, les élus, les vrais responsables de tous nos malheurs continuent à se goberger dans les palais de la République, aux frais de la République et avec la valetaille de la République.

Interrogé pour savoir si le gouvernement français allait prendre les mêmes dispositions et réduire le salaire des membres du gouvernement, Luc Chatel vient de nous déclarer qu’il n’en était pas question une seule seconde et que d’ailleurs c’était totalement impossible car « si on diminuait le salaire des ministres, il faudrait aussi diminuer le salaire de tous les fonctionnaires ». On en tombe à la renverse !

Pour qui nous prend-il ?

Jamais le salaire des fonctionnaires n’a été aligné sur celui des membres du gouvernement, qui sont hors échelle, hors statut, hors tout et souvent même hors du sens commun.

Et d’ailleurs, quand Nicolas Sarkozy, à peine élu, a augmenté, sans pudeur et dans des proportions considérables, son salaire de président de la République, sans même se rendre compte de l’effet déplorable que cela pouvait avoir sur son image, en pleine période « bling-bling », a-t-on pour autant augmenté le salaire de tous les fonctionnaires ? Non, bien sûr.

On peut toujours nous dire que ce n’est pas en réduisant les salaires de nos ministres qu’on arrivera à combler nos déficits publics (150 milliards d’euros au bas mot, cette année). C’est vrai. Tout comme ce n’est pas en supprimant le bouclier fiscal (dont ne bénéficient que 16.500 contribuables et qui ne coûte que 600 millions d’euros par an de manque à gagner pour l’Etat) qu’on pourra boucher le trou de notre dette (1.500 milliards d’euros). C’est encore vrai.

Mais alors, si on néglige les « bouts de ficelle », pourquoi ne pas supprimer l’ISF qui ne rapporte qu’un petit milliard d’euros par an, ce qui est, en effet, insignifiant mais ce qui ferait bien plaisir aux 550.000 redevables de cet impôt fondamentalement discutable.
Le « train de vie » de l’Etat est, évidemment, aujourd’hui au cœur du débat qui nous est imposé par notre « faillite » (pour reprendre le mot, mais il n’y en a pas d’autre, de François Fillon lui-même). Le premier ministre nous a annoncé « un gel des dépenses publiques sur trois ans, une baisse de 10% des dépenses de fonctionnement et 5 milliards d’économie sur les niches fiscales ». Et Sarkozy lui-même nous a laissé entendre qu’il y aurait d’autres mauvaises surprises. Très bien, mais à coup sûr totalement insuffisant.

D’autant plus que le même Fillon a ajouté que ce gel était « hors charges d’intérêt de la dette ». Morceau de phrase qui est passé inaperçu. Or, les intérêts de notre dette vont littéralement exploser cette année et plus encore dans les années à venir, ce qui veut dire que les 10% de baisse des dépenses de fonctionnement, les 5 milliards récupérés dans les niches fiscales et même les autres mauvaises surprises seront totalement insuffisants pour stabiliser nos dépenses publiques qui, malgré le gel, vont continuer à augmenter, à cause de la dette, considérablement.

Une diminution de 5, 10 ou 20% du salaire de nos excellences n’aurait, en effet, rien changé à la situation catastrophique de nos finances publiques mais elle aurait été un signal fort permettant aux Français de croire, un instant, que leurs responsables politiques commençaient à être conscients de l’état d’esprit du pays.

Quand la gauche de la gauche répète que « les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres », elle a, hélas, raison. Elle pourrait même ajouter que les classes moyennes voient chaque jour leur situation se dégrader.

Comment Chatel et ses complices n’ont-ils pas vu que l’affaire des salaires des sportifs, puis celle des parachutes dorés des patrons virés pour incompétence, puis celle du double salaire indécent d’Henri Proglio révélaient l’exaspération des Français devant l’impudeur des privilégiés.

En refusant de faire ce geste symbolique mais qui s’imposait vu les circonstances, nos ministres creusent encore davantage le fossé qui les sépare et des réalités et de l’opinion. En s’accrochant à tous leurs avantages sous prétexte qu’ils se refusent à toute démagogie, ils font le jeu du pire des populismes. Leur attitude est pain bénit pour les extrémistes de droite comme de gauche et la France attend aujourd’hui avec impatience que « Le Canard enchaîné » publie, en détail, les salaires, les primes, les notes de frais, les frais de bouche, frais de voyage, frais de représentation et autres petites douceurs de tous les membres du gouvernement.

Thierry Desjardins

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