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10/5/11 | Thierry Desjardins |
Tonton, ne reviens surtout pas ! La France vient de célébrer le 66ème anniversaire de la victoire du 8 mai 1945. Trois jours auparavant, l’UMP fêtait les quatre ans de l’élection de Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, les socialistes célèbrent le 10 mai 1981. Les gauchistes vont sûrement nous faire un petit quelque chose pour les quarante-trois ans de mai 68. Les chiraquiens ont sans doute fêté les seize ans du succès de Chirac, le 7 mai 1995. Et les derniers vrais gaullistes vont, peut-être, lever leur verre à l’occasion des cinquante-trois ans du 13 mai 1958. On a l’impression qu’en France tout se passe toujours pendant le mois de Marie et, comme nous avons la manie des anniversaires, les devantures des libraires et nos écrans de télévision s’emplissent d’images un peu jaunies qui sont censées nous rappeler « le bon temps ». Il va évidemment être plus facile à la gauche de commémorer les trente ans de la victoire de Mitterrand qu’à la droite de fêter les quatre ans de Sarkozy. On a oublié. On a oublié l’arrogance haineuse des vainqueurs de 81 qui, comme Robespaul Quilès, voulaient « des têtes », les nationalisations rageuses et absurdes que les socialistes eux-mêmes, à commencer par Jospin, ont dû annuler, les dévaluations en cascades, la « chasse aux curés » de l’Ecole libre, la volte-face de la rigueur, les premiers vrais grands scandales politico-financiers, l’ambiance nauséabonde de la cour de « Tonton » où l’on cachait la fille adultérine et faisait écouter les téléphones. On ne se souvient plus que de la joie du « peuple de gauche », le soir, à la Bastille, que de la montée, un brin ridicule, de Mitterrand, une rose à la main, sur les marches du Panthéon, que de l’éclosion des radio-libres et que de la suppression de la peine de mort. Personne n’aurait l’impudence de rappeler que c’est le machiavélisme du Florentin qui a permis l’émergence du Front national quand, pour nuire à la droite, il a agité le drapeau rouge du vote des immigrés et surtout instauré la proportionnelle à la veille des législatives de 1986. Qui se souvient qu’en quatorze ans de règne Mitterrand a dû subir deux cohabitations ? C’est-à-dire qu’à chacun de ses mandats, à mi-parcours, il a été désavoué, déjugé par les Français. Mais qu’importe, c’était « le bon temps », nous avions trente ans de moins. Et si, contrairement à ce qu’avait affirmé Jack Lang nous n’étions pas passés « de l’obscurité à la lumière », la France pouvait alors encore s’offrir les expériences délirantes et idéologiques de ses responsables irresponsables. Comment alors, quand on voit Fillon et ses amis célébrer mai 2007, ne pas se demander quelle sera l’image que les Français de 2037 auront de l’entrée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée ? Le « peuple de droite » a fêté la victoire, non pas à la Bastille mais à la Concorde, le nouvel élu n’a pas remonté la rue Soufflot, il a dîné au Fouquet’s avant de s’embarquer sur le yacht de Bolloré. Et la suite ? Se souviendra-t-on de la crise économique et financière, de la montée du chômage, des déficits et de la dette, des scandales en tous genres ? Sarkozy restera-t-il comme un super flic pourchassant au Kärcher, en les confondant, racaille, délinquants, Roms et immigrés de tout poil ou comme un chef de guerre envoyant ses mercenaires de la Côte d’Ivoire à la Libye ? Difficile à savoir. Dans trente ans, Nicolas Sarkozy sera sans doute un très vieux monsieur, fatigué par la dolce vita qu’il aura menée immodérément après avoir quitté l’Elysée et qui siègera au Conseil constitutionnel. Et il y a bien peu de chance pour qu’on fête alors l’anniversaire de son succès de 2007. Personne n’a célébré l’anniversaire de l’élection de Giscard. Thierry Desjardins
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