Assez de dinosaures, assez d’énarques !
La faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, a déclenché une
véritable explosion nucléaire du système financier international dit de
Bretton Woods. Ce système fut mis en place, en juillet 1944, par les Alliés
qui se réunirent dans cet hôtel victorien qui ressemble à un paquebot échoué
au pied de la chaîne présidentielle dans le New Hampshire.
Même si nous ne savons pas le montant des déchets toxiques que cachent les
banques dans leur hors-bilan, il y a une leçon que le G20 doit tirer lors de
sa prochaine réunion : "Une banque ne devra
plus jamais mettre en péril le système financier international."
Comme le revendique l’extrême gauche, il est scandaleux que les banquiers
fautifs soient secourus par les gouvernements alors que tant de gens sont
victimes de la crise qu’ils ont déclenchée. Voilà pour le constat.
Besancenot et ses épigones proposent le renversement du capitalisme pour on
ne sait quoi à la place. Il n’y a d’ailleurs qu’en France où l’on songe
sérieusement à remplacer, à moraliser ou à réformer le capitalisme. Cette
cacophonie est la conséquence de notre inculture économique.
L’école autrichienne a toujours milité en faveur de l’aléa moral.
C’est la seule façon de responsabiliser les banquiers. Depuis le début
de la crise, beaucoup de commentateurs ont réfléchi à ce dilemme : «
Pouvait-on laisser tomber Lehman Brothers ? » Le non fait l’unanimité. Il
fallait l’aider pour éviter l’accident nucléaire que nous déplorons. Le
contexte actuel ne permet pas de rétablir l’aléa moral en raison de la
taille gigantesque des banques. Le troisième sauvetage de l’assureur A.I.G
était inévitable en raison de sa position dominante sur le marché des
credit defaut swaps. Dans un article du 7 mars 2009, le Wall Street
Journal a dévoilé que sur les 173 milliards de dollars que le
gouvernement américain lui a perfusés en trois fois, 50 ont servi à payer
une douzaine de banques internationales dont la Société Générale…
Small is beautiful
Pour rétablir l’aléa moral, il faut réaliser que les banques ne doivent
plus atteindre une masse critique qui mette en péril tout le système
financier. Au lieu de s’occuper des paradis fiscaux qui sont très utiles
pour neutraliser l’appétit insatiable des enfers fiscaux comme celui de la
France, le G20 ferait mieux de casser ces mastodontes. Selon l’adage de
l’économiste Ernst Friedrich Schumacher, small is beautiful. Cet
économiste allemand trouva refuge en Angleterre avant le déclenchement de la
Seconde Guerre mondiale. Il fut aidé par Keynes qui lui trouva un poste à
l’université d’Oxford. Il se détacha rapidement de son protecteur pour
suivre une voie originale. Il eut la tâche délicate
de préparer l’eulogie de son protecteur bien avant sa mort…
C’est tout le contraire de la politique de grandeur suivie par la France.
Nous nous glorifions de nos champions nationaux sans réaliser qu’un jour
nous en serons les victimes. Le mariage du gorille Paribas avec le chimpanzé
Fortis va, évidemment, dans le sens contraire de l’histoire.
La société en commandite pour se débarrasser des énarques
Pourquoi y a-t-il eu autant de banques naufragées en France ? Parce que
les énarques sont irresponsables sur un plan juridique. Même s’ils font
perdre des milliards d’euros aux contribuables français, ils ont l’assurance
de réintégrer leur sésame de l’inspection des finances. Il est normal qu’il
en soit ainsi puisque ce sont eux qui fixent les règles du jeu. La solution
est simple pour y remédier. Il faut demander au parlement que toutes les
banques fonctionnent sur le principe de la société en commandite.
La société en commandite est composée de deux catégories d'associés : les
commandités et les commanditaires. Les commandités (énarques) sont les
seules personnes autorisées à administrer et à représenter la société. En
tant qu'administrateurs, ils ont une responsabilité illimitée à l'égard des
dettes et des obligations de la société de personnes envers les créanciers.
L'apport de capital dans la société en commandite revient aux commanditaires
(capitalistes et actionnaires); ils fournissent le capital et ne sont
responsables des dettes de la société que jusqu'à concurrence de leur mise
de fonds.
Dans ce cadre juridique réformé, nul doute que les impétrants de Bercy ne se
bousculeraient plus pour briguer la présidence d’une banque.
John Naisbitt disait que les grandes fusions d’entreprises ressemblent aux
périodes nuptiales des dinosaures. Ces mastodontes ne purent pas s’adapter
au brutal changement de climat infligé par l’impact d’un astéroïde sur la
péninsule du Yucatan il y a soixante millions d’années. C’est exactement ce
qui est en train de se produire avec les grandes banques internationales
depuis l’explosion nucléaire du 15 septembre 2008. Il est temps de changer
non pas de modèle mais d’échelle dans le capitalisme.
Bernard Martoïa
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