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19/4/13 Simeon Djankov
      L’austérité ne peut réussir sans la réforme des
                         secteurs improductifs !

L'austérité budgétaire est blâmée pour tous les maux dont souffrirait l’Europe. « Si seulement nous pouvions desserrer un peu la ceinture, tout le monde se porterait mieux. » Ce refrain est répété par les présidents François Hollande et Barack Obama, les bureaucrates du FMI (1) et de la Commission européenne à Bruxelles, ainsi que par les travailleurs en grève à travers l'Europe. « Plus d'argent public, » disent-ils, « signifie une plus forte croissance et de meilleures perspectives d'emploi… »

Il est prouvé que c’est tout le contraire. Les économies de l’Union européenne qui ont connu la plus forte croissance au cours des trois dernières années sont l'Allemagne, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Suède, qui prennent au sérieux l’austérité budgétaire. Les prévisions de la Commission européenne pour l’année 2013 montrent une tendance similaire. Les cinq économies qui devraient être les plus dynamiques en Europe cette année sont la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Roumanie, toutes des faucons en matière fiscale. (2)

En 2009, le déficit budgétaire de la Bulgarie a été de 4,4% du PIB, au-dessus de la limite de Maastricht de 3%. Suite à des coupes dans les dépenses publiques et à une réforme des retraites qui a augmenté l'âge de départ de deux ans, le déficit budgétaire est tombé à moins de 1% l'an dernier. Pourtant, l'économie de la Bulgarie a enregistré douze trimestres consécutifs de croissance positive, et elle est l'une des quatre économies en Europe à avoir réalisé cette prouesse.

L’austérité signifie simplement que les gouvernements dépensent ce qu'ils gagnent, ou à peu près. Les gens sont d'accord avec ce principe lorsqu'il est appliqué au budget des ménages. Un récent sondage en Bulgarie estime que seulement 17% des personnes interrogées souhaitent que leur famille vive à crédit. Pourtant, quand vous posez la même question pour la nation, 58% veulent un budget plus souple. Quelqu'un d'autre doit donc payer la facture du gouvernement. (3)

Beaucoup d'analystes disent que le gouvernement du Premier ministre Boyko Borisov, dans lequel j'ai servi comme vice-premier ministre et ministre des Finances, est tombé, le mois dernier, en raison de sa cure d'austérité. Mais la vraie raison a été notre incapacité à réformer des secteurs tels que ceux de l'énergie et de la santé, et à leur imposer à eux aussi une cure d'austérité.

Les grèves qui ont conduit à la démission du gouvernement ont commencé, en février, en raison de la hausse des prix de l'électricité. Ceux-ci sont dus à l'inefficacité croissante du secteur de l'énergie. Les producteurs d'électricité à coûts élevés sont reliés en permanence au réseau électrique, et la compagnie de distribution nationale d’électricité a été contrainte de couvrir les pertes qui en résultent. Le choix était entre une augmentation des prix pour sauver ces entreprises de la faillite ou une réforme toujours repoussée aux calendes grecques. Le régulateur a choisi la première option.

La santé est un autre secteur qui n’a pas été réformé. Les gouvernements successifs ont cédé à la pression des laboratoires pharmaceutiques, des associations médicales et des syndicats pour augmenter les dépenses publiques de santé. Pourtant, la perception de la qualité du service s'est dégradée. 93% des Bulgares considèrent que les services de santé ne sont pas adéquats. Chaque tentative de réforme de notre gouvernement a suscité un tollé et un appel à la démission du ministre de la Santé. Quatre ministres se sont succédé sans parvenir à accomplir quoique que ce soit. (4)

L'Europe a besoin d'austérité, sinon les services publics inefficaces perdureront. En outre, les dépenses publiques sont une incitation permanente à la corruption : une autre raison pour la persistance des grèves, comme en République tchèque, en Slovénie ou en Espagne. La patience est à bout ! Non seulement il y a moins d'argent pour tout le monde, mais les politiques le gaspillent et en accaparent une partie à leur profit exclusif. (5)

L'Europe doit également ouvrir une discussion franche sur la compétitivité. La principale faiblesse sur le continent, c'est que de nombreux pays produisent et exportent trop peu et à un coût trop élevé. Cela se voit dans les données du commerce extérieur. En 2012, la France a enregistré un déficit de 82 milliards d’euros de sa balance commerciale, l’Espagne de 32 milliards, la Grèce de 20 milliards, le Portugal de 11 milliards et Chypre de 4,3 milliards.

Certains blâment l'euro. Le raisonnement est le suivant : les pays du Sud ont rejoint la monnaie unique à un taux de change surévalué, en conséquence de quoi leurs perspectives de croissance tirées par les exportations sont minimes. En revanche, l'Allemagne a sous-évalué sa monnaie à l'entrée et a continué à gagner en productivité, en partie grâce aux réformes du marché du travail de Gerhard Schröder. D'où son excédent commercial de près de 200 milliards d’euros.

Il y a beaucoup de vérité dans cette explication, comme par exemple le rétablissement rapide de l'Islande grâce à sa monnaie. Mais l'autre principal coupable est le fardeau réglementaire. Selon les données de la Banque mondiale, il faut 11 procédures et 9.000 € pour ouvrir une petite entreprise à Athènes. Il faut compter 735 jours et 43 procédures pour régler un simple différend commercial à Larnaca, à Chypre. Et il faut 59 jours et des formalités à accomplir dans huit bureaux différents pour enregistrer un petit bout de propriété dans Paris. Il est moins coûteux et plus rapide de faire tout cela à Berlin. Et beaucoup moins cher et plus rapide de le faire à New York, Singapour, Toronto ou Sydney.

Supposons à présent que les pays de la zone euro qui ont subi diverses opérations de sauvetage réussissent un jour à équilibrer leurs budgets. Supposons également qu'il ne leur faudra que quelques années supplémentaires pour y parvenir. Et supposons enfin qu’ils réduisent les dépenses inutiles et augmentent les impôts. Ces efforts seront-ils suffisants ? Pas du tout. D'ici là, le chômage sera supérieur à 25%, comme il l’est déjà en Grèce et en Espagne. Le mécontentement populaire aura jeté bas ou fait fuir un ou deux gouvernements.

L'Europe, par conséquent, manque cruellement d'un plan de croissance pour relancer son économie. (6) Lors de diverses réunions organisées par l'Ecofin (Conseil des Affaires économiques et financières de l’Union européenne) au cours des quatre dernières années, j'ai soulevé la question de la croissance, de concert avec d'autres ministres de Pologne, de Suède ou du Royaume-Uni, mais elle n'a jamais vraiment fait l’objet d’un débat sérieux. Il y avait toujours trop de sauvetages d'urgence en discussion, trop d'attention accordée à des pactes budgétaires, à l'harmonisation fiscale (7) et à la supervision bancaire.

Peut-être aurions-nous dû parler de « l'austérité dans les charges pour les entreprises » pour attirer l'attention des décideurs en Europe. L'austérité dans les budgets gouvernementaux, combinée à une réduction de la paperasserie et à de vraies réformes structurelles, pourrait sauver l’Europe. Mais ce n’est pas l’agenda des décideurs au sein de l’Union européenne. (8)

Simeon Djankov

Notes du traducteur

1 Olivier Blanchard, de nationalité française, est le chef économiste du F.M.I. Depuis sa création en 1944, cette institution internationale est monopolisée par le clan français. Elle ne sert plus à rien si ce n’est à entretenir une bureaucratie keynésienne qui dispense des conseils coupés des réalités du monde du XXIe siècle, qui n’a plus rien à voir avec celui de la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale.

2 Ces pays ont adopté la « flat tax », l’impôt proportionnel sur le revenu qui est tabou dans notre pays ravagé par le socialisme.

3 La France vit à crédit sur le marché obligataire depuis 1974 avec l’arrivée au pouvoir des énarques Giscard et Chirac. Pour une génération de technocrates qui abhorrent la loi d’airain du marché, c’est une fâcheuse imprudence que de se mettre ainsi dans la gueule du loup. Mais la cohérence n’est pas le fort de notre prétendue élite non plus que des Français qui la reconduisent à chaque élection, depuis quarante ans.

4 Il a manqué à la Bulgarie, comme à la France et à tant d’autres pays en Europe, une Dame de Fer comme Margaret Thatcher (1925-2013) au Royaume-Uni. Nous déplorons vivement sa disparition.

5 A lire sans réserve les chroniques de Michel de Poncins concernant notre « république fromagère » qui n’intéressent malheureusement qu’une poignée de fidèles dans une France acquise à la dépense publique.

6 L’Europe occidentale et la France en particulier ont tout simplement besoin d’un « Tea Party » pour tailler à la hache dans les dépenses et les régulations de l’Etat providence.

7 « L’harmonisation fiscale », qui n’est qu’un miteux paravent pour une hausse généralisée des impôts en Europe, est le Graal de la France. L’influence délétère de notre pays au sein de l’Union européenne perdure et annihile tout sérieux débat concernant l’austérité, comme le prouve le présent article de cet ancien ministre bulgare que vient de publier le Wall Street Journal.

8 Après avoir été proposée par Nicolas Sarkozy à la tête du FMI où elle a été élue le 5 juillet 2011, Christine Lagarde vient opportunément à la rescousse du gouvernement socialiste français en prônant une pause dans la cure d’austérité, pause demandée par ce dernier à la Commission européenne après avoir piteusement échoué dans son plan de réduction du déficit budgétaire malgré une hausse considérable des impôts et des taxes que nous avions dénoncée comme étant suicidaire pour notre économie. Si celle qui a été aux commandes de l’économie française pendant quatre ans (2007-2011) n’a rien fait pour stopper l’endettement, elle poursuit une brillante carrière internationale. « Après moi le déluge ! » disait Louis XV.

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