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5/3/09 | Claude Reichman |
Domota 1er, roi de Guadeloupe ! « Je suis chez moi, je viens de dîner, je vais prendre une douche et aller me coucher. » C’est avec une royale simplicité qu’Elie Domota a inauguré son règne en répondant le 5 mars 2009 au matin (il était 3 heures en Guadeloupe) aux questions d’Europe 1. Nul doute n’est permis : le LKP a remporté la bataille et l’autorité du gouvernement français sur ce département antillais est désormais quasi nulle. Tout au plus les autorités locales seront-elles appelées à aider la coordination victorieuse à imposer ses décisions quelles qu’elles soient, même et surtout si elles sont contraires aux lois et aux usages démocratiques. Le leader du LKP a classé au rang des bavures inévitables au cours d’un mouvement syndical les procédés de ses militants contraignant par l’intimidation physique les commerçants récalcitrants à baisser leur rideau et à se joindre ainsi à la grève. Moins grave, selon lui, et pas plus reprochable aux organisateurs que l’action des casseurs à la fin des défilés parisiens. Rien pourtant n’obligeait M. Sarkozy et son gouvernement à capituler en rase campagne et à compromettre non seulement l’avenir de la Guadeloupe et des autres départements d’outre-mer, mais aussi celui de la métropole. Car n’en doutons pas : la contagion des revendications salariales, déjà installée et actée en Martinique, est sur le point de gagner la Réunion, tandis que la Guyane, qui avait d’ailleurs inauguré la contestation en novembre dernier à propos des prix du carburant, ne manquera évidemment pas de s’y associer. Les organisations syndicales françaises ont programmé des manifestations nationales le 19 mars prochain. M. Besancenot leur a déjà mis l’épée aux reins en proclamant son intention d’étendre le mouvement guadeloupéen à la métropole. Il n’aura aucun mal à y parvenir étant donné la crise qui ravage l’économie de notre pays et paupérise les classes moyennes et populaires. Que répondra M. Sarkozy à la rue qui réclamera 200 euros d’augmentation pour les bas salaires ? Qu’il n’appartient pas à l’Etat de se substituer aux employeurs ? C’est ce que son gouvernement avait opposé au LKP jusqu’au moment où il lui a cédé en accordant 100 euros d’augmentation aux salariés gagnant jusqu’à 1,4 smic. Et ce n’est pas la « colossale finesse » consistant à baptiser « revenu supplémentaire temporaire d’activité » (RSTA) cet appoint salarial et à le présenter comme une simple variante anticipée du RSA qui pourra faire croire à quiconque qu’il s’agit d’autre chose que d’une pure et simple hausse des salaires financée sur fonds publics. Formidable novation qui nous fait – d’un coup d’un seul – changer de société. Désormais la course est lancée. C’est à qui saura le mieux – par la manifestation, l’intimidation et la violence – se faire affecter les plus fortes contributions de l’Etat aux salaires de sa corporation. Jusqu’à présent, la méthode ne valait que pour les fonctionnaires, qui pouvaient au moins alléguer le fait que l’Etat est leur employeur. Avec la méthode Domota, tout salarié français a vocation à faire de l’Etat le financier de l’entreprise. Ce qui signifie, demain, son véritable patron. Ce que même l’union de la gauche en 1981 n’avait jamais rêvé de faire, le gouvernement Sarkozy l’a réalisé. Personne n’avait en fait compris ce que le candidat à l’Elysée entendait par « rupture ». Maintenant, on le sait ! Bien entendu, les entreprises guadeloupéennes encore rétives à l’accord salarial qu’on veut leur imposer vont devoir s’y plier. La grève de leurs employés, déjà annoncée par M. Domota, ne leur laissera pas le choix. Pas plus que la dégradation de l’économie de l’île ne permettra à nombre d’entre elles d’éviter la faillite. Mais qu’importe : le progrès social a triomphé … en attendant l’appauvrissement général que ce type de victoire apporte toujours. Et dire que M. Sarkozy n’a capitulé que pour sauver un système social déjà mort ! M. Domota considérait que l’exonération de CSG et de CRDS suffirait à satisfaire l’essentiel des revendications salariales. On la lui a refusée au motif que « cette franchise de cotisations sociales mettrait le système social par terre », comme l’a déclaré le préfet de Guadeloupe, évoquant les « contraintes financières » et les « effets de contagion ». Saluons donc comme il se doit l’avènement de Domota 1er, roi de Guadeloupe, et attendons avec ferveur qu’ici et là, aux Antilles, à la Réunion et dans chacune de nos belles régions de la France métropolitaine, d’autres souverains instituent leur règne et installent dans notre pays le plus grand délabrement qu’il ait connu depuis les grandes invasions et la fin de l’Empire romain. Claude Reichman
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