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21/5/09 | Claude Reichman |
Le drapeau noir flotte sur la marmite ! « Cela n'a aucun sens de parler d'éducation, d'infrastructures, d'eau, de réforme du système de protection santé et de ce genre de sujets alors que nous sommes face à un énorme déficit budgétaire. La réalité, c'est que notre Etat sera handicapé tant que nous n'aurons pas résolu la crise budgétaire. La vérité, c'est que la Californie est en état d'urgence. » Ces propos ont été tenus par le gouverneur Arnold Schwarzenegger, le 15 janvier 2009, dans son discours annuel sur l’état de l’État devant le Parlement californien. Remplacez "Californie" par "France" et vous aurez le discours que Nicolas Sarkozy se refuse à tenir aux Français mais qu’il devra bientôt prononcer, tant la situation de notre pays est grave. En Californie, cela ne s’arrange pas, puisqu’un référendum visant à approuver des mesures d’austérité de nature à ramener à 15 milliards de dollars le déficit prévu de 21 milliards vient d’être rejeté par une majorité de 70 % des électeurs. Les Californiens ne veulent ni hausses d’impôts ni baisses de prestations ! Ils sont en somme d’excellents Français. Mais qu’on se rassure : même si l’Etat fédéral leur vient en aide par le biais du plan Obama, qui pourrait leur apporter environ 13 milliards de dollars, ils ne pourront éviter le choc des réalités. Ni eux, ni personne dans le monde, alors qu’une crise financière et économique d’une violence inouïe s’est abattue sur lui. La Californie n’est certes pas un Etat souverain, mais avec ses 37 millions d’habitants et son PIB de 1800 milliards de dollars, elle serait la huitième puissance économique mondiale si elle était indépendante. Autrement dit, ce qui s’y passe n’est pas une anomalie exotique, mais bien un évènement politique majeur qui a valeur d’avertissement pour tous les Etats gravement déficitaires, dont évidemment la France. Car ce que le gouverneur Schwarzenegger avait annoncé aux Californiens en cas d’échec du référendum devra, d’une manière ou d’une autre, être fait. Il ne s’agit de rien de moins que de licencier 50 000 professeurs, de libérer, faute de gardiens, 42 000 prisonniers, de diminuer de 10 % le financement des pompiers, de réduire le budget des écoles et des universités, de raccourcir l'année scolaire, de tailler dans les dépenses sociales, etc. Il va donc inévitablement s’agir d’une très forte contraction de l’Etat et des divers secteurs sur lesquels il règne. Tous les citoyens vont devoir se priver de nombreux services collectifs ou les payer de leur poche, et verront se réduire les aides sociales. Pour apprécier le déficit de 21 milliards de l’Etat californien, les médias se concentrent à juste titre sur ce qu’il représente par rapport au budget (104 milliards de dollars) : 20 %. Pourtant, si on le rapporte au PIB, il paraît dérisoire : 1,16 % ! Or en France, on ne parle que du rapport du déficit au PIB. En 2009, notre déficit budgétaire représentera un peu plus de 5 % du PIB. 5 % : le chiffre paraît bénin à beaucoup, moins que rien en quelque sorte, et, comme le disait Raymond Devos, « moins que rien, ce n’est pas grand-chose ». Oui, mais si l’on rapporte ces 104 milliards de déficit au budget prévu de 370 milliards d’euros, le pourcentage passe à 28 %, c’est-à-dire 8 points de plus que dans l’Etat en faillite qu’est la Californie ! La conclusion est fort simple. Quels que soient l’aveuglement volontaire et les contorsions des politiciens français nous allons connaître dans les prochains mois un choc financier dont la violence va stupéfier nos compatriotes, qui ne veulent pas croire que la situation est dramatique à un tel point. C’est quand ils se verront confrontés, comme les Californiens vont l’être, à la chute brutale des services et des prestations publiques, qu’ils comprendront enfin qu’ils ont élu des irresponsables. Comment qualifier autrement l’attitude de M. Sarkozy et de son équipe de l’Elysée, dont un membre éminent, le conseiller social Raymond Soubie, vient, le 14 mai dernier, de déclarer au Monde : "Nous allons poursuivre la bonne gestion des finances publiques, mais on ne va pas annoncer de la sueur, des larmes et des hausses d’impôts. Ce n’est pas la politique et ce n’est pas le sujet." Avec un déficit de 28 % du budget, ce n’est pas le sujet ? Alors quel est le sujet ? Nous emprunterons notre conclusion à Jean-Michel Aphatie : « Rupture ou pas rupture, changement de président ou pas, de premier ministre ou pas, de majorité ou pas, les vieilles recettes qui consistent à mettre la poussière sous le tapis perdurent. La dette, l’endettement, est devenue notre drogue » Et l’excellent éditorialiste de prévenir tout un chacun : « Comme toute drogue, elle est un mensonge. Un jour, la réalité rattrape le drogué, et la douleur alors est immense, la détresse aussi. Par ailleurs, deuxième leçon, nous laissons tous faire cela sans nous soucier de rien. Nous aurons mauvaise grâce, au jour du désastre, à dire que l’on ne nous a rien dit, que l’on nous a caché la vérité. » A quoi nous ajouterons une autre citation, cette fois de Michel Audiard : « Monsieur, quand il est question d’argent, à partir d’un certain
montant, tout le monde écoute. » Peut-être, mais pas en France ! |