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14/6/12 Gilles Dryancour

C’est en baissant les impôts que Reagan a relancé la croissance !

Lorsque Ronald Reagan est élu fin novembre 1980, il hérite d’une situation comparable à celle que nous connaissons aujourd’hui en France. La croissance n’est plus soutenue que par des artifices monétaires. Les gouvernements précédents ont massivement eu recours à la planche à billets – chez nous à la dette publique. Malgré plusieurs plans de relance keynésiens, la croissance de la décennie 1971-1980 est inférieure de plus de moitié à celle de la décennie 1961-1970. Elle stagne autour de 1,9% en moyenne.

Chaque nouveau plan de relance produit de moins en moins d’effets. C’est un signe que les agents économiques anticipent de mieux en mieux les manipulations monétaires de leurs gouvernants et ne se laissent plus dicter leur choix économiques par de faux stimuli.
Ainsi, entre 1978 et 1979, le taux de croissance chute brusquement de 5,3% à 2,5%. Puis il devient négatif à - 0,5% en 1980. Cela malgré une politique monétaire de plus en plus laxiste.

Sans doute, le second choc pétrolier de 1979 joue un rôle dans la récession de 1980. Cependant, beaucoup moins qu’on ne le croit. L’évolution du taux de chômage aux Etats-Unis le montre clairement, le niveau d’emploi n’est pas corrélé par les variations des prix du pétrole. Ainsi, le taux de chômage était de 6,1% en 1978 alors que la crise pétrolière n’avait pas réellement débuté – elle commence en octobre de cette année. Ce taux était de 5,9% en 1979, alors que la crise pétrolière atteignait son paroxysme au mois de juin. De même, les taux de chômage des années 1979 (5,9%) et 1980 (7,2%) sont inférieurs à ceux des années1975-1976 (8,5 et 7,7%) tandis que le premier choc pétrolier était déjà résorbé.

Incontestablement, dans la décennie 1970, un autre facteur que le prix du pétrole a gravement perturbé l’économie américaine. Ce facteur, c’est le triptyque keynésien de la relance monétaire, de la taxation des hauts-revenus et de l’inflation. Triptyque censé garantir le plein emploi mais qui, dans la réalité, assèche les sources de la prospérité. Preuve en est donnée par la concomitance, dans la décennie 1971-1980, d’une forte inflation et d’un taux de chômage élevé aux Etats-Unis. Ce que la théorie keynésienne tenait pour impossible et qu’il fallut désigner par le nouveau concept de stagflation.
 

Lorsque Ronald Reagan arrive au pouvoir, il doit faire face à un taux d’inflation record de 13,5%, à un taux de chômage de 7,2%, à un revenu médian des ménages en chute libre et à des taux marginaux d’imposition du revenu qui atteignent 75%.

Tous les ressorts de la croissance semblent brisés. La situation budgétaire est apparemment désespérée. Pour surmonter tous ces défis, la vision de Reagan est simple. Elle consiste à rendre aux Américains la liberté de jouir des fruits de leur travail en baissant les impôts. Il part du principe que c’est de leurs initiatives individuelles que naîtront les futures richesses de la nation.

Avant de se lancer dans cette politique, Ronald Reagan et Paul Volker, président de la FED, sont résolus à assainir la politique monétaire héritée de leurs prédécesseurs. Ils veulent briser l’inflation qui sape la confiance des agents économiques. Pour cela, ils décident de remonter considérablement le taux directeur de la FED. En juin 1981, celui-ci s’élève à 20%. Tous les crédits sont gelés. La cure monétaire est sévère. Elle entraîne une forte récession en 1982. Conséquemment, le taux de chômage passe à 9,7%.

Les médias, en majorité démocrates, se déchaînent contre Reagan. Ils l’accusent d’être un cow-boy d’Hollywood ignorant des lois de l’économie. Tous les keynésiens annoncent l’apocalypse économique. Les passions se déchaînent, jusqu’en Europe.

Heureusement pour ses concitoyens, Ronald Reagan ne cède pas aux pressions de la sphère médiatique. Il n’abandonne pas sa vision d’une Amérique libérée du fardeau de la social-démocratie. En 1982, il lance sa première grande réforme fiscale. Des mesures vigoureuses de baisse d’impôts sont adoptées. Les effets sont immédiats. Après la récession à - 2% de 1982, la croissance revient dès 1983. Elle dépasse 3%. En 1984, elle atteint 6%.

Le « miracle » libéral se met en place. Entre 1982 et 1986, le taux marginal d’imposition passe de 75% à 28%. La croissance atteint 3,4% en moyenne annuelle.

Pendant les années Reagan, le taux de chômage est divisé par deux. Il passe de 10% à 5,3%.

Mise en application, la théorie de l’offre réalise ses promesses. La baisse des taux d’imposition libère les classes moyennes des charges d’un Etat devenu spoliateur. Les plus bas revenus en profitent également. L’ascenseur social se remet à fonctionner.

86% des ménages appartenant à la catégorie des revenus les plus pauvres rejoignent la tranche de revenus suivante. Des dizaines de millions d’Américains sortent de la pauvreté.

Fait remarquable, la baisse des tranches d’impôts amène le doublement de la contribution des revenus les plus élevés aux recettes de l’Etat. Toutes les prédictions keynésiennes sont invalidées.

Devant de tels succès, on peut se demander quelles furent les faiblesses du programme de réformes adopté sous la présidence Reagan.

Selon un cliché convenu, le grand échec de la politique économique suivie par Ronald Reagan aurait été de conduire à un déficit budgétaire chronique, par la réduction des recettes fiscales. Rétrospectivement, cette critique est singulière de la part de keynésiens qui prônent la relance par la dépense publique et ont conduit la plupart des Etats de l’Euroland à des niveaux records de déficit budgétaire en 2011 : 13% en Irlande, 9,1% en Grèce, 8,5% en Espagne, 8,3% au Royaume Uni (10)…

Jamais dans les années Reagan, le déficit budgétaire n’a connu de tels niveaux. Entre 1983 et 1985, il atteint un pic à 6,5% du PIB. Ensuite, le déficit chute rapidement. Il se stabilise à 2,5% du PIB, entre 1986 et 1989. Un chiffre qui ferait rêver nombre de nos dirigeants européens.

A ce sujet, il faut savoir que le déficit du budget fédéral, sous Ronald Reagan, n’est pas dû à une diminution brutale des recettes ou à un démantèlement de l’Etat. Il résulte d’une augmentation trop rapide des dépenses publiques par rapport à la croissance des recettes. Effectivement, entre 1981 et 1989, les dépenses fédérales ont augmenté de 69%. Tandis que les recettes augmentaient de 65%.

Ronald Reagan avait, d’ailleurs, pour ambition de revenir à l’équilibre budgétaire. Toutefois, ses projets de coupes budgétaires se sont heurtés à une opposition farouche des membres du Congrès. Ces derniers n’ont pu résister à la tentation de puiser dans les recettes supplémentaires, générées par le retour de la croissance, pour conserver leurs clientèles électorales et en acheter de nouvelles.

De toute évidence, si le Congrès avait été moins prodigue de la manne reaganienne, la réforme aurait été un succès sur tous les plans.

Aussi, ce qui nous est encore aujourd’hui présenté comme le grand échec de l’ère Reagan (le déficit budgétaire et l’augmentation de la dette) se révèle, à l’étude des données, être un succès partiel, uniquement limité dans son ampleur par les travers du marché politique.

Pourtant, aussi bien conçu que fût le programme de réformes de la présidence Reagan, il comportait une erreur technique qui allait se révéler préjudiciable à sa dynamique générale.

Cette erreur fut de concéder au Congrès la suppression de toutes les niches fiscales en contrepartie de la réduction des impôts. Plus particulièrement, la niche qui faisait des valeurs mobilières (le marché actions) un placement particulièrement attractif.

En effet, sous la présidence Carter (1977-1981), les plus-values mobilières étaient taxées à 30%, tandis que les revenus l’étaient à 75%, au taux marginal. Le différentiel entre les deux taux faisait de l’investissement dans les entreprises le meilleur moyen d’échapper à l’impôt.

En 1986, le taux de taxation des plus-values a été aligné sur celui de l’impôt sur le revenu à 28%. Par cette décision, l’équipe Reagan a supprimé l’incitation fiscale en faveur du financement et de la création d’entreprises. Les effets ont été quasi-instantanés. La création d’entreprises qui, depuis plus d’une décennie, était en constante augmentation s’est brusquement mise à chuter. De 1986 à 1989, 750.000 entreprises de moins ont été créées qu’entre 1983 et 1986. Soit une contraction de 25%, en moyenne annuelle. Les conséquences sur l’emploi se sont fait sentir dès 1990. Le chômage qui avait considérablement baissé, dans les années précédentes, est remonté à 7%.

Cette erreur technique coûtera sa réélection à George Bush senior. Le successeur de Reagan n’avait pas perçu l’effet déprimant de cette mesure d’égalisation fiscale.

Etonnamment, le démocrate Bill Clinton comprendra mieux ce qui se tramait dans les tréfonds de l’économie américaine. Il abaissera à 14% l’impôt des plus-values réalisées sur les investissements dans les petites entreprises, mais fera remonter le taux de l’impôt sur le revenu à 34%. Le différentiel était recréé. Sans surprise, la création d’entreprises est immédiatement repartie à la hausse. Elle dépassait bientôt un million par an, surtout dans les start-up qui développaient les nouvelles technologies informatiques et Internet.

Quelles leçons peut-on tirer de ces variations des taux d’imposition sur les plus- values aux Etats-Unis ? La principale est que l’égalisation du taux marginal de l’impôt sur les revenus du travail et celui des plus-values détourne les agents économiques de l’investissement dans les entreprises. Cela tient à la structure des coûts d’opportunité entre plusieurs formes d’investissements. Sans avoir recours à des calculs mathématiques laborieux, on peut retenir que plus le taux d’imposition sur les plus-values est bas, par rapport au taux de l’impôt marginal sur les autres formes de revenus, plus les agents peuvent prendre le risque d’investir dans le marché actions. Car, plus la probabilité sera élevée que le retour de leur investissement sera supérieur à celui de placements moins risqués.

Aligner la fiscalité des plus-values sur celle de l’impôt sur le revenu, c’est partir du principe que toutes les sources de revenus présentent un risque équivalent. C’est un oxymore économique.

Pratiquement, l’égalisation des taux subventionne les investissements les moins risqués. Elle a un effet anesthésiant pour toute l’économie, puisque ce sont dans les nouvelles entreprises, par définition les plus risquées, que se concentre le plus grand potentiel de croissance.

Pour cette raison, Ronald Reagan aurait dû abaisser le taux sur les plus-values mobilières bien en deçà de celui sur l’I.R., par exemple à 14% comme le fit Bill Clinton. Mais, il redoutait sans doute de perdre le soutien de son électorat qui venait du parti démocrate et qui y était hostile.

Quoi qu’il en soit, les réformes conduites par Ronald Reagan nous donnent des repères solides pour évaluer l’impact prévisible, sur la croissance française, qu’auront les mesures fiscales, annoncées par François Hollande.

Gilles Dryancour


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