www.claudereichman.com |
A la une |
12/4/15 | Henri Dumas |
Voici venu le temps des bourreaux ! Stefan Zweig et Jean Améry (Hans Mayer de son vrai nom), tous deux autrichiens, ont des points communs. Ce sont des intellectuels, des écrivains, des raisonneurs cartésiens non croyants, tous deux se sont suicidés. Zweig est né en 1881 de parents juifs, non pratiquants. Améry est né en 1912, d’un père juif, d’une mère catholique, il a été élevé selon les coutumes catholiques, mais il est laïc. En 1935, l’un a 54 ans, l’autre en a 36. Bien que non attachés au judaïsme, ils sont de plein fouet touchés par les lois racistes de Nuremberg en 1935. Ces lois sont l’aboutissement d’une pensée prédominante dont nous allons parler un peu plus loin. Elles font suite aux troubles racistes qui sévissent en Allemagne depuis 1933, elles sont le phare et le socle des dix années racistes et meurtrières qui suivront. Face à cette situation, Zweig quitte son pays en 1934, il s’expatrie au Brésil. Améry fait front, il résiste en Belgique. Il sera arrêté, torturé, puis interné à Auschwitz. Tous les deux partagent un anéantissement de leur vie, de leurs repères, jusqu’au plus profond de leur culture, et définitivement. Leur perte de confiance en la vie, en les autres, sera d’une telle intensité qu’ils n’y résisteront pas, ils se suicideront. Dans son ouvrage « Par-delà le crime et le châtiment », Jean Améry décrit avec précision le mal qui le ronge. Les dégâts qui lui ont été faits sont irréparables. Sa lucidité lui fera prendre conscience de l’énormité du fait que le souhait de pardon et d’oubli est instinctivement davantage dirigé vers les bourreaux que vers les victimes. Il vit mal l’ambition allemande, partagée par le reste du monde, de tout effacer. Ce qu’il théorise de la façon suivante : « Manifestement l’avenir est une valeur sûre : ce qui arrivera demain a plus de prix que ce qui est arrivé hier. C’est le sentiment naturel du temps qui le veut. » Il est conscient que ce qui lui a été pris, sa confiance en la vie, donc sa vie, non seulement ne peut pas lui être rendu, mais ne doit pas lui être rendu. Il reste infirme, jusqu’à la mort, du mal qu’il a subi : « Finalement, la seule chose qui me distingue des gens parmi lesquels mes jours s’écoulent, c’est une inquiétude qui oscille, tantôt plus forte, tantôt moins forte. Mais en tout cas c’est une inquiétude sociale, et non métaphysique. Ce qui m’accable, ce n’est pas l’Etre ou le Néant, ou Dieu, ou l’absence de Dieu, c’est uniquement la société : car c’est elle, et elle seule, qui est cause de mon déséquilibre existentiel auquel je tente d’opposer ma marche droite. Elle et elle seule m’a dérobé ma confiance dans le monde. » On ne sort pas indemne de l’histoire de ces deux hommes qui symbolise celles de milliers d’hommes, hier, aujourd’hui et demain. La bêtise, la haine et le capital : les pensées prédominantes. Le capital, cette évanescence indispensable à l’économie, ne peut naître que de l’homme. Le capital n’existe pas dans la nature. Les objets rares peuvent laisser supposer aux esprits simples qu’ils sont le capital. Rien n’est moins vrai. La Norvège transforme son pétrole en capital, le Venezuela en est incapable. Le pétrole n’est pas un capital. Le capital est une construction humaine, intellectuelle, éphémère et insaisissable. Il n’a pas vocation à être partagé. Le partage le voit disparaître. Il n’est pas une quantité ou une émotion sécable, il n’est pas une barrique de vin, un bon repas, une joie ou un malheur. Le capital n’apparaît qu’à ceux qui ont une culture personnelle particulière. Ils se reconnaissent entre eux et ont tendance à se regrouper. L’apparence du capital est trompeuse pour ceux qui n’y ont pas accès. Il peut être confondu avec la félicité et, de ce fait, désiré plus que de raison par ceux qui n’en connaissent pas ou n’en comprennent pas les règles. La bêtise, cette détresse largement partagée, occulte la réalité du capital pour n’en laisser paraître que le fantasme ou, éventuellement, l’impression de nécessité pour les impécunieux volontaires ou accidentels. Elle a aussi le pouvoir, la bêtise, aiguisée par des manipulateurs sans scrupule, de déclencher épisodiquement la haine qui va permette le transfert du capital par le pillage, à l’issue duquel, évidemment, le capital disparaîtra inévitablement. La bêtise et la haine associées oublient que ce n’est pas par hasard que l’imaginaire populaire situe le capital au pied de l’arc en ciel. Les juifs, pour des raisons culturelles et pratiques, respectent particulièrement le capital et entretiennent une tradition et une compétence à son sujet. C’est donc sur eux que haine et bêtise se sont cristallisées dans les années 1920 et 1930. Eux qui ont été d’abord pillés, puis éliminés. Zweig et Améry ont payé de leur vie les conséquences de cette folie inutile. Leur histoire terrasse l’anonymat confortable espéré par les bourreaux. Le but de cet article n’est pas de refaire l’histoire mais de mesurer, sur ce point particulier du capital, les dégâts humains irréversibles que peuvent engendrer la bêtise et la haine, attisées par d’ambitieux manipulateurs inconséquents. Hollande, Sapin, les socialistes en général. Hollande l’a affirmé, il hait le capital et les riches. Il est le penseur, ou, plus modestement, le réceptacle d’une pensée commune. Sapin en est l’exécutant, ordinaire et zélé. Aujourd’hui, pour tout un tas de raisons, le capital ne peut plus être symbolisé par les juifs. Hollande et sa clique, qui brandissent la cape rouge du capital pour exciter la fureur de la foule à leur bénéfice, ont pris pour symbole le « fraudeur fiscal ». Ils ont pris à son encontre une série de lois liberticides et aveugles qui n’ont rien à envier en stupidité à celles de Nuremberg. Ils lâchent dans la nature des bourreaux, fonctionnaires ordinaires voués à cette sinistre tâche, et dont la clairvoyance n’est pas la première vertu. Le résultat, solution finale physique en moins pour l’instant, est tout à fait semblable aux symptômes qui ont emporté Zweig et Améry. Bercy, tous les jours, anéantit des hommes et des femmes dont le seul tort est d’avoir su créer du capital, à leur niveau. Bercy, alors, va non seulement leur voler ce capital, mais les désocialiser, intégralement. En faire des zombies sociaux. D’abord, le regard suspicieux des autres, leurs commentaires méprisants, seront destructeurs pour eux et pour leur entreprise. Puis, l’indifférence de la justice, voire sa complicité active dans 95% des cas, va les laisser incrédules, hébétés, désorientés. Ils vont perdre toute confiance en les autres, en la société dont ils font partie, donc aussi en eux. Enfin, la ruine va les anéantir totalement, eux qui pensaient que leur travail, les risques pris, leur intelligence, justifiaient le capital qu’ils constituaient. Eux qui pensaient aussi que ce capital, même entre leurs seules mains, était utile à tous. Quelle déconvenue, quel effondrement, quelle désespérance, quel anéantissement, de se constater ainsi, exclu de sa société ! Personne ne ressort intact des agressions fiscales portées par la bêtise et la haine. Qui plus est, les initiateurs n’en tirent aucun bénéfice, les pauvres bougres, les pauvres cons, ils tuent et détruisent pour rien. Ce capital qu’ils jalousent, qu’ils convoitent, n’est pas accessible par la force. Henri Dumas
|