Ce n’est pas le
capitalisme qui s’effondre, mais
l’Etat providence
La semaine a été marquée par deux (non) événements : l'annonce,
le 10 février, d'un plan massif de deux trillions de dollars pour la
stabilité financière par le secrétaire au Trésor Timothy Geithner et le vote
sans surprise, le 13 février, par le sénat américain du plan de relance
keynésien de 780 milliards de dollars concocté par le conseil économique de
la Maison Blanche.
La baisse concomitante des Bourses
Dans les minutes qui ont suivi le discours du secrétaire au Trésor,
l'indice vedette Dow Jones Industrial Average (DJIA) a dégringolé. L'indice
qui avait commencé la semaine à 8235 points, l'a clôturée à 7896 : cela
représente une perte sèche de 4 %. C'est un vote de défiance du marché à
l'encontre de la nationalisation rampante du secteur bancaire.
En France, une autre nouvelle a provoqué son lot de mécontentement. Les
bénéfices des quarante sociétés de l'indice vedette de la place de Paris CAC
40 (cotation assistée en continue) se sont élevés à 54 milliards d'euros
pour l'année 2008. Ne parlons même pas du profit record de Total. Aussi
réjouissante que soit la nouvelle pour l'avenir de nos entreprises (les
profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois
d'après-demain selon l'adage du chancelier Helmut Schmidt, pourtant
social-démocrate), elle a été accueillie comme une indécence par la presse.
Eût-il été meilleur pour calmer les esprits qu'elles affichent une perte
égale ? On se perd en conjectures sur cette nation affligée de la jalousie
inhérente au socialisme. Ces entreprises ont réussi cette prouesse malgré
les entraves du Minotaure. Faut-il rappeler qu'une entreprise publique comme
la SNCF enregistre une perte abyssale ? La presse a le culot de raconter que
cette entreprise réalise des profits alors qu'elle reçoit une dotation
annuelle de dix milliards d'euros ! L'économie mixte ne survit que dans le
mensonge.
Ces réactions épidermiques traduisent un profond malaise à l'égard des
initiatives des gouvernements
Le plan de stabilisation financière est une autre grande échelle pour
éteindre l'incendie qui fait rage. Alors que la Fed approche du seuil
d'insolvabilité (confer mon article du 6 février 2009), le Trésor prend le
relais. Ce plan comporte deux volets.
Le nouveau plan de sauvetage s'adresse uniquement aux banques ayant
plus de 100 milliards de dollars d'actifs.
Comme les caisses de l'Etat américain sont aussi vides que les nôtres, il
est prévu un fonds mixte de capitaux publics et privés. Initialement doté de
500 milliards de dollars, ce fonds pourrait atteindre 1 000 milliards de
dollars. Sous le nom de "capital assistance programm", il s'agit encore de
ressusciter le marché interbancaire. Les banques échangeront leurs produits
toxiques contre des actions convertibles du Trésor américain. Après avoir
accepté ce troc dans la première phase de la crise en octobre, Henry Paulson
y avait renoncé, deux mois plus tard, en raison de la marée inexorable de
ces produits toxiques qui menaçait d'engloutir les 700 milliards de dollars
que lui avait accordés le Congrès. Il a préféré geler 350 milliards de
dollars du plan portant son nom et laissé cet argent disponible à son
successeur. La cigale n'a pas eu cette sagesse. Elle croit pouvoir sauver le
système bancaire américain. Pourquoi ce qui n'était pas possible hier le
serait-il aujourd'hui ? Le marché a salué la nouvelle comme il se doit.
Un prêt colossal d'un trillion de dollars en faveur des ménages
surendettés
Il s'agit de la grande lance des pompiers de la Fed (Term Asset-Backed
Securities Loan) qui va être allongée avec l'aide du Trésor. Sa capacité
d'arrosage va passer de 200 milliards de dollars à un trillion de dollars.
Les bénéficiaires seront très nombreux. Il s'agit, sous une apparence
généreuse, de sauver l'industrie automobile américaine à travers une aide
ciblée des cartes de crédit. Les ménages surendettés vont pouvoir s'endetter
davantage à condition qu'ils achètent des automobiles "made in Detroit."
Qu'est-ce qui va changer avec l'administration Obama ? Sous l'ère Bush, le
drogué du surendettement pouvait s'approvisionner où bon lui semblait,
maintenant il ne pourra le faire que si l'herbe provient du terroir. Cela
pourrait se résumer par la formule suivante : "Continuons à vivre au-dessus
de nos moyens à condition que cela profite à nos entreprises !"
A la fin de son discours, Geithner s'est plu à rajouter que
l'administration va déployer, la semaine prochaine, une autre grande échelle
en faveur des petites entreprises et des banques régionales. Fallait-il en
rajouter ? Les Keynésiens ne vivent que dans l'illusion dangereuse que pour
sortir de la crise de l'endettement, il faudrait s'endetter davantage.
Le marché obligataire sera le juge de paix en 2009
Quelles que soient les velléités des Keynésiens, c'est le marché
obligataire qui aura le dernier mot. Pour honorer l'intérêt de sa dette, le
Trésor américain a payé 451 milliards de dollars en 2008. Certains pensent
qu'une dette n'est pas un handicap tant qu'un État est capable de l'honorer.
Ainsi en est-il du Japon dont la dette publique représente 140 % de son
Produit National Brut (PNB). Pour mémoire, la dette publique américaine ne
représente que 74 % de son PNB.
Dans son rapport du troisième trimestre de 2008, la Banque des Règlements
Internationaux (B.R.I) a publié des statistiques inquiétantes. Alors qu'il y
a eu pour un montant net de 1086 milliards de dollars de dettes émises par
les États à travers le monde au cours du second trimestre 2008, il n'y en a
eu plus que pour 247 milliards de dollars au troisième trimestre alors que
la crise ne s'est emballée qu'à partir du 15 septembre. Cette contraction
est sans précédent. On imagine sans peine que le pire est devant nous.
L'effondrement prévisible de l'euro n'augure pas des jours heureux en
Europe
Les communistes ont toujours rêvé d'un effondrement du monde capitaliste.
Les Besancenot et consorts pensent que ce jour est imminent. Ils ont raison
sur un point (l'échéance fatale du système international), mais ils se
trompent d'époque et de sujet. Le système qui est en train de s'effondrer
sous nos yeux n'est pas celui du capitalisme qui
existait avant 1913, l'année de la création de la Fed par le président
démocrate Woodrow Wilson. Le système actuel est celui qui a été mis en place
lors de la conférence de Bretton Woods en 1944. Il fut dénoncé par Henry
Hazlitt, le grand vulgarisateur de l'école autrichienne, qui fut viré par
Arthur Sulzberger, le patron du New York Times. Nous assistons à
l'effondrement de l'économie mixte, de l'État providence, de l'école
keynésienne, des utopies socialistes, bref de tous ceux qui ont longtemps
cru que l'on pouvait vivre éternellement au-dessus de nos moyens en
monétisant la dette.
Les gogos européens rêvent d'avoir un président comme Barack Obama, ils
risquent fort d’avoir un Adolf Hitler à la place. C'est tout ce que ces doux
rêveurs méritent à l'aune de leur stupidité et de leur paresse
intellectuelle.
Bernard Martoïa
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