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15/3/25 | Claude Reichman |
L’Europe avait oublié l’essentiel ! « Il faut que tout change pour que rien ne change ». L’aphorisme fameux du Guépard a trouvé une nouvelle illustration. Tout l’hémisphère nord est en panique. Les Etats européens ne savent plus où ils en sont. L’Amérique de Trump multiplie les injonctions. Le Russe plisse les yeux en signe de malice, tandis que le Chinois reste impénétrable. Et de l’est à l’ouest on se demande comment tout cela va finir. Mais au fond rien n’a vraiment changé. La puissance des armes reste le maître mot des relations internationales. C’est ce que vient de comprendre l’Europe, qui sait qu’elle doit se réarmer alors que sa politique sociale la prive de ressources. En construisant l’Union européenne, les Etats du vieux continent avaient tout simplement oublié qu’ils n’étaient pas seuls au monde. La paix règne en Europe, mais elle est menacée à l’Est et n’est plus protégée à l’Ouest. Alors les chefs d’état major des pays de l’Otan, sans l’Amérique, se sont réunis à Paris de toute urgence à l’appel du président Macron, tout heureux d’avoir retrouvé un rôle. Dans leurs beaux uniformes, avec leurs beaux galons, ils ont donné une impression de force qui ne demande plus qu’à se concrétiser. Décidément, la planète est en émoi. Nous avons le choix entre la troisième guerre mondiale et l’abandon de nos principes au détriment de l’Ukraine. Telle est l’alternative qu’on nous présente. Gageons que nous n’aurons ni l’une ni l’autre. Car au fond personne n’a envie de quitter ce monde où le confort règne dans les maisons et dans les rues, sauf quand on n’a pas su préserver celles-ci des intrusions allogènes. La guerre, c’est quand des peuples se jettent les uns sur les autres. On n’en est manifestement pas là. Mais on sait qu’un incident mal interprété peut tout déclencher. Il faut de toute urgence refroidir l’eau du bain si l’on ne veut pas s’ébouillanter. Tout le monde s’y emploie, sauf quelques seconds couteaux avides de notoriété. La seule certitude, c’est que le choix existentiel européen de privilégier la protection sociale a vécu. Le plus navrant est que l’Europe avait fait le bon choix en 1986, en signant le traité de l’Acte unique qui créait le Marché intérieur, où la concurrence était généralisée. L’aveuglement de l’Etat français a fait capoter cette réforme éminente, qui ne s’est appliquée que par des dissidents et va devenir maintenant le maître mot des réformes en Occident. La lucidité est une qualité qui n’a pas de valeur dans un monde dominé par les médias. Mais qui finit par triompher quand les réalités s’imposent. La grande difficulté pour un peuple est de parvenir à dire ce qu’il veut. Les dirigeants de toutes tendances n’ont qu’un souci : l’en empêcher. Non parce qu’ils savent mieux que le peuple ce qui est bon pour lui, mais parce que le droit d’en décider leur confère le pouvoir. Or en bons anthropopithèques que nous sommes, dans nos sociétés seul compte le pouvoir. Le tyran domestique et le grand dictateur sont animés du même sentiment, et la paix des familles comme celle des peuples dépend des institutions. Certaines font régner le calme, d’autres rendent les gens furieux. A nous de choisir les bonnes. A cet égard, la démocratie moderne, avec des outils de pouvoir qui s’atténuent les uns les autres, est à ce jour la meilleure solution. Son problème est qu’elle donne au peuple l’impression qu’il peut décider de tout, ce qui fait qu’il en abuse. Israël a donné un exemple accablant à cet égard en faisant défiler d’immenses cortèges de citoyens pour soumettre les politiques aux juges, dans le temps où les terroristes de Gaza se préparaient à commettre leurs crimes. L’aveuglement est la tare de la démocratie. L’information, en France, est une catastrophe. Les principaux journaux évitent soigneusement tout débat vraiment important, tandis que les radios et télévisions ont constitué de petites équipes de chroniqueurs qui se partagent l’antenne et disent sans cesse la même chose. Quant aux réseaux sociaux, certains se les attribuent sans vergogne et vous imposent leur présence permanente. Il ne reste même plus les bistros, car ils n’attirent que les jeunes gens qui viennent joyeusement y boire des bières tandis que tout le monde regarde la télévision. Pourtant l’opinion publique existe. C’est dire à quel point elle est puissante pour parvenir à s’infiltrer dans le peu d’espace qu’on lui concède. Elle finit toujours par triompher, mais il y faut le plus souvent des décennies ou des drames. Que de patience il faut aux gens éclairés pour supporter les divagations des politiciens, qui sont le lot commun dans les temps ordinaires. Les familles ne se réunissent plus guère et les enfants sont livrés à des flux d’opinions contradictoires et souvent farfelues. Heureusement ils bâtissent leurs petites sociétés qui finissent par former leur conscience. Ainsi avançon-nous cahin-caha vers notre destin, en ne sachant pas si l’humanité est là pour rester ou si elle disparaîtra dans les abymes de l’évolution, comme de vulgaires dinosaures ou de stupides dodos trop gros pour voler. L’attachement à la vie reste néanmoins une constante de l’être humain. Un journaliste demandait à l’écrivain Kléber Haedens « Qu’aimez-vous dans la vie ? » Il répondit simplement « Vivre. » C’est probablement la meilleure réponse qui soit. Mais il y a un souci qui s’ajoute dans l’esprit de l’homme, celui de sa dignité. Traiter le peuple dignement devrait être un impératif pour les puissants. Alors, quand ils ne le font pas, le peuple se révolte. Le mépris de Poutine aura beaucoup fait pour la résistance de l’Ukraine. Claude Reichman
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