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5/11/22 | Claude Reichman |
Les fanatiques sont aux portes du pouvoir !
« Qui eût cru que la tolérance même aurait ses fanatiques ? » Cette remarque désabusée est de Malesherbes, qui eut le courage d’être l’avocat de Louis XVI, avant de finir lui aussi sur l’échafaud. La France était alors sous le régime de la Terreur, un des épisodes les plus honteux de la vie nationale. Même si certains en font porter la responsabilité aux fautes de la monarchie. Quelques années plus tard, Fouché, le ministre de la police de Napoléon, émit cette pensée ô combien précieuse, un véritable sésame : « N’attaquez pas les sots. En période de crise, ils sont tout puissants. » Quiconque a vu à la télévision l’épisode du député de couleur de la France insoumise face à une interjection émanant d’un député du Rassemblement national et visant on ne sait qui, aura pu contempler un spectacle de haine pure sur les bancs des mélenchoniens. Bouches tordues, regards injectés, postures menaçantes, tout y était. Et le plus étonnant était que les haineux faisaient semblant de croire à un propos raciste du député adverse, mais ne faisaient pas semblant du tout d’exprimer de la haine. Formidable leçon de choses, formidable leçon de paléoanthropologie. Les spécialistes de cctte dernière discipline se sont demandés si le lynchage en bande existe chez nos plus proches parents, les chimpanzés. La réponse est oui. Nos liens de parenté sont là et bien là. Et l’espèce a ses lois, que nul ne peut nier. Le fanatisme a du mal à survivre à l’effacement des religions. Alors il s’en crée d’autres. L’écologie est l’une d’elles. « Sauver la planète » est devenu une bondieuserie que l’on place à tout propos dans une conversation pour montrer qu’on est du bon côté de la croyance. L’antiracisme occupe aussi une belle place dans le nouveau panthéon. Il permet d’aimer son prochain en paroles et de s’en dispenser dans les faits. Jean-Jacques Rousseau l’avait dit : « Tel philosophe aime les Tartares pour être dispensé d’aimer ses voisins. » Toute idée est bonne qui permet à l’homme d’exprimer le fanatisme inhérent à sa constitution psychique. Même le football, qui n’est pas une idée mais une occasion de se réunir en foule et d’oublier sa propre personne pour se fondre dans la masse et agir en toute impunité. La politique offre d’aussi belles occasions, comme toute réunion. D’ailleurs le code pénal lui-même utilise l’expression pour qualifier un délit commis « en réunion ». La foule, comme l’a admirablement expliqué Gustave Le Bon, n’est pas l’addition de ses constituants individuels, mais un être nouveau qui a ses caractéristiques propres. Et c’est ce qui rend si difficile le combat contre le fanatisme, car l’homme est habitué à se battre contre des individus, mais pas contre un élément de foule, fût-il même isolé de celle-ci mais lui appartenant par tous les pores de sa peau. La guerre est une des plaies de l’humanité. Même quand on la croit disparue, elle ressurgit, comme on le voit en ce moment en Ukraine. Son déclenchement est typiquement un phénomène de foule, même si la responsabilité d’un seul, le chef suprême, peut être mise en cause. Pendant les périodes de paix, les belliqueux ne cessent jamais de s’agiter. Jusqu’à mettre en péril la domination du chef et le pousser à un conflit qu’il ne souhaite pas. Un belliqueux est un individu doté d’un tempérament agressif et qui cherche à celui-ci une occasion de s’exprimer. Le rôle d’un Etat digne de ce nom est de contenir l’agressivité des belliqueux afin de ne pas avoir à déclencher une guerre à tout propos. Mais quand l’Etat est faible, tout devient possible. La France vit actuellement une de ces périodes à haut risque. La situation économique est à elle seule un facteur de conflit, puisque la moitié du corps électoral est en déshérence, ne parvenant plus à joindre les deux bouts, ses fins de mois commençant le premier. La révolte des gilets jaunes aurait dû pousser le pouvoir à l’action. Elle ne l’a poussé qu’aux discours. L’arrivée de députés de la France insoumise à l’assemblée nationale est un signe de plus de la déstabilisation du pays. Les solutions qu’ils préconisent ne peuvent qu’aggraver la crise, mais ils n’en ont cure, leur véritable but étant la destruction de la société afin de lui substituer une société idéale à leurs yeux, mais qui a le tort de n’avoir jamais pu réunir des êtres humains. En période de crise, Fouché avait raison, les sots sont tout puissants. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille renoncer à l’intelligence, qui est quand même le plus bel attribut de l’homme. Le meilleur espoir qu’on puisse nourrir en France est que se constitue autour de quelques personnalités de valeur un groupe actif qui ne se contente pas d’analyser la situation, mais prenne des initiatives de terrain. Car c’est sur le terrain que se gagnent ou se perdent les conflits. Alors, comme le disaient nos gardes champêtres, avis à la population ! Claude Reichman
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