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15/12/11 Martin Feldstein
                 Le double échec de la zone euro !

Le récent sommet de la zone euro a été un double échec. Il a échoué à accroître l'intégration politique européenne qui a été le principal objectif de la chancelière allemande Angela Merkel et des autres dirigeants politiques européens. Et il a échoué à améliorer les perspectives pour la zone euro des obligations souveraines, car ces politiciens ont continué à affirmer que seules une union fiscale et une intégration politique pourraient limiter les taux d'intérêt sur la dette souveraine.

L'après-communiqué du sommet a proclamé que chaque pays de la zone euro va édicter une règle constitutionnelle pour équilibrer son budget (1), va prendre des mesures correctives si son déficit «structurel» dépasse 0,5% de son produit intérieur brut, et sera passible de sanctions si son déficit réel dépasse 3% de son P.I.B. La chancelière Angela Merkel avait espéré que ces règles seraient incluses dans une version révisée de l'actuel traité de l’U.E., et donc exécutoire par la Commission européenne et par la Cour européenne de justice. Pourtant, la réticence britannique à modifier le traité existant, sans garanties supplémentaires pour l'économie britannique, signifie que les nouvelles règles s'appliquent seulement aux 17 pays de la zone euro et à d'autres qui souhaitent se joindre à eux, mais qu'elles ne constituent pas un traité officiel de l'U.E. et ne peuvent donc pas être appliquées par la Commission et les autres institutions de l'U.E.

Donc, il n’existe aucun mécanisme d'application des règles budgétaires nouvelles, même si tous les gouvernements de la zone euro acceptent de signer un nouvel accord. Le résultat ressemble à une rediffusion du fameux pacte de stabilité et de croissance, qui avait les mêmes objectifs et les mêmes pénalités, mais qui fut violé par l'Allemagne et la France, et ensuite édulcoré pour être totalement inefficace.

Bien que la chancelière Merkel, le président français Nicolas Sarkozy et le président de l'U.E. Herman Van Rompuy aient essayé d'utiliser la crise actuelle pour faire avancer leur projet politique d’une plus grande intégration européenne, leur échec à atteindre cet objectif ne doit pas empêcher un abaissement des taux d'intérêt sur les obligations souveraines de l'Italie, de l'Espagne et des autres. Ces taux d'intérêt peuvent être réduits par des politiques de chaque pays pour faire baisser les déficits budgétaires actuels et futurs.

L'Italie a une bonne chance de persuader les investisseurs qu'elle a un budget et des perspectives favorables à long terme. Son déficit budgétaire est désormais inférieur à 4% du P.I.B. Même avant le serrage du budget par le nouveau gouvernement de Mario Monti, le Fonds monétaire international prévoyait que l'Italie aurait un budget équilibré en 2013. Bien que le récent resserrement fiscal puisse déprimer l'Italie jusqu’en 2013 et augmenter temporairement son déficit, le changement proposé dans les règles de pensions va diminuer les déficits futurs et mettre le ratio de la dette sur une trajectoire descendante. Si le nouveau gouvernement peut adopter des modifications des règles du travail et des incitations à l'investissement qui améliorent la croissance du P.I.B. à un taux annuel de 2%, le ratio de la dette de l'Italie par rapport au P.I.B. pourrait tomber à 60% en moins de 15 ans !

Il est faux de mettre la Grèce et l'Italie dans le même panier, comme l’ont fait les politiciens de la zone euro quand ils ont insisté pour que la Grèce soit secourue afin d’éviter un défaut de paiement de l'Italie. Cela mine la confiance à l’égard de l’Italie. La Grèce a un déficit budgétaire de 9%, un déficit de sa balance commerciale de 8%, et un P.I.B. qui s'effondre à un rythme annuel de plus de 5%. La Grèce ne peut pas espérer obtenir que son déficit budgétaire soit sous contrôle rapidement pour stabiliser sa dette et attirer des investisseurs privés. Au lieu de rester sous la tutelle permanente de l'Allemagne et du F.M.I., la Grèce devrait faire défaut sur sa dette, quitter la zone euro, et revenir à une drachme plus compétitive. (2)

Mario Draghi, le nouveau chef de la Banque centrale européenne, a clairement et correctement rejeté la suggestion française selon laquelle la B.C.E. devrait annoncer qu'elle va acheter des obligations italiennes et espagnoles pour maintenir leurs taux d'intérêt à des niveaux faibles. Cela violerait les règles de la B.C.E. établies dans le traité de Maastricht et qui interdisent les renflouements des Etats membres de la B.C.E. qui sont insolvables. Cela détruirait la pression sur les politiciens en Italie et en Espagne pour conduire les changements politiquement difficiles qui s’imposent. Et ce serait affaiblir la confiance internationale dans la B.C.E. et donc dans l'euro.

Bien que la B.C.E. puisse occasionnellement acheter des obligations souveraines pour éviter les pics des taux d'intérêt, la priorité de la banque est de faire face à la crise du crédit privé qui menace aujourd'hui les économies européennes. Les prêts interbancaires se tarissent parce que les banques sont incertaines au sujet de la liquidité et de la solvabilité des contreparties potentielles. Cela rappelle le dysfonctionnement du marché interbancaire en 2008 causé par les banques américaines et d'autres exposées à la dette des « subprimes » et des titres hypothécaires. Le problème est exacerbé par l'augmentation des fonds propres qui a été imposée aux banques européennes.

M. Draghi devrait indiquer que la B.C.E. va rendre le crédit privé plus accessible par des prêts aux banques en échange de collatéraux privés solides. Mais il devrait aussi indiquer clairement que ces prêts ne devraient pas être utilisés par les banques commerciales pour acheter des obligations souveraines nouvellement émises. Dans le même esprit, il devrait aussi rejeter la proposition d'utiliser l’argent prêté par le F.M.I. pour acheter des obligations souveraines italiennes ou espagnoles.

Mais que faire si les investisseurs privés mondiaux ne sont pas disposés à acheter les 300 milliards d'obligations italiennes qui sont prévues au cours des douze prochains mois ? Heureusement, seulement 40 milliards d'euros sont nécessaires pour financer le déficit budgétaire prévu, tandis que le reste sera utilisé pour renouveler les obligations arrivant à échéance.

Une option serait de transférer le pouvoir de contrôle au F.M.I. qui suit de près la performance fiscale de l'Italie. Le fonds devrait être prêt à fournir le crédit nécessaire sans exiger un durcissement des conditions financières. Pourtant, si cela ne marche pas, l'Italie pourrait réduire ses dépenses pour éliminer le déficit, et ensuite rembourser la dette venant à échéance avec de nouvelles obligations. Comme l'Italie montre sa détermination et sa capacité à réduire les déficits futurs, elle devrait être accueillie favorablement par les marchés de capitaux.

L'équipe Merkel-Sarkozy devrait reconnaître qu'elle est sur la mauvaise voie. L'Europe a besoin de réformes fiscales, et non pas d’un élan renouvelé pour une union fiscale et une intégration politique.

Martin Feldstein

Notes du traducteur :

1) La règle d’or de l’équilibre budgétaire est devenue l’ alma mater des constructivistes. On a déjà oublié que ces mêmes constructivistes prônaient une relance keynésienne en 2009 par un accroissement des déficits budgétaires. Comment peut-on faire confiance à des gens qui se trompent tout le temps ?

(2) La Grèce est insolvable. Cela ne sert à rien de la maintenir artificiellement dans la zone euro. Dans l’étude menée par les universitaires américains Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, « Ce temps est différent : huit siècles de folie financière », on apprend que ce pays détient le record de durée d’insolvabilité avec une moyenne de 51 ans. Comme ce pays a déjà fait défaut trois fois sur sa dette depuis son indépendance en 1822, cela veut dire qu’elle n’a été dans une situation financière qualifiée de « normale » que pendant 37 ans depuis son indépendance. Mais nos constructivistes ne s’intéressent pas à l’histoire puisqu’ils prétendent toujours bâtir un monde nouveau faisant fi du passé. « La folie consiste à répéter la même opération (sauvetage de la Grèce) en espérant obtenir un résultat différent », disait Albert Einstein. L’antidote à la folie des constructivistes est l’émergence de « tea party » à travers toute l’Europe.





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