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25/11/11 | Stephen Fidler |
La zone euro incapable d’enrayer la crise !
La grande question en Europe n'est plus ce qu'elle était encore il y a quelques semaines. Il ne s'agit plus seulement de savoir si l'un des dix-sept gouvernements de la zone euro fera défaut sur ses dettes. Elle est de savoir si la zone euro va survivre dans sa forme actuelle. Ce jeudi, il est apparu que la Banque centrale européenne envisage une extension spectaculaire de sa couverture aux prêts des banques commerciales, pour éviter un effondrement potentiel du système bancaire du bloc de la zone euro. Pendant ce temps, les dirigeants des trois plus grandes économies du continent poursuivent leurs rencontres (1) et s'engagent à travailler à l'approfondissement de l'intégration politique et économique que la plupart des analystes jugent nécessaire, mais sans fournir de détails, ce qui signifie en clair que le rythme de leurs efforts reste toujours à la traîne par rapport à l’attente des marchés. (2) L’incapacité de l'Allemagne à vendre près de 40% de son emprunt obligataire de 6 milliards d’euros lors de l’adjudication de mercredi est, pour de nombreux analystes, symptomatique de cette nouvelle phase de la crise dans laquelle l’Europe s’enfonce. Les investisseurs commencent à s'interroger sur la valeur de la signature du noyau de l’Europe, qui était jugée sûre auparavant. Certains experts pensent que le résultat de cette adjudication est trop commenté. Ils notent que les rendements allemands restent à des niveaux historiquement bas et que l’appétit des investisseurs peut être momentanément affaibli par le récent envol des obligations plus risquées de leurs voisins du sud. Mais jeudi, l'inquiétude concernant les obligations allemandes a conduit leurs rendements à une quasi-convergence avec celles de la dette souveraine du Royaume-Uni qui n'a pas d'avantage évident en dehors du fait que ce pays ne fait pas partie de la zone euro. Ces dernières semaines, les coûts d'emprunt pour des pays autrement plus solides comme les Pays-Bas ou la Finlande ont augmenté également. D’autres grandes obligations bien notées, telles que celles du Fonds européen de stabilité financière, ont du mal à trouver des acheteurs. Si dans la première phase de la crise, les investisseurs ont fui la périphérie de la zone euro, dans la seconde phase qui vient de commencer, ils fuient toute la zone euro ! « Cela ressemble à un problème plus large que celui de l'Allemagne. Nous pensons que le marché est en train d’évaluer le prix d'un éclatement de l'euro », écrivent Stéphane Deo et Matteo Cominetta, deux analystes de la banque UBS, dans leur note de conjoncture. Les investisseurs qu’ils ont visités cette semaine en Asie s'interrogent sur la volonté des gouvernements européens de maintenir la zone euro. «En conséquence de quoi, les investisseurs chercheraient à se désinvestir à tout prix de l'Europe. » Il y a moins d'un mois les dirigeants de la zone euro, la chancelière allemande Angela Merkel en tête, ont été contraints de spéculer ouvertement sur la sortie de la Grèce de la zone euro lorsque l’ex-Premier ministre George Papandreou les a menacés d'un référendum concernant le plan de sauvetage de son pays. Cela a mis dans la tête du grand public la possibilité que l'union monétaire n’est peut être pas éternelle. Mais la difficulté et le coût de sortie de la Grèce (3) de la zone euro ont provisoirement apaisé les craintes du marché concernant une telle hypothèse. "Il ne s’agit plus de savoir si la Grèce peut sortir. Mais si l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Espagne auront la même monnaie demain," vient de déclarer Andrew Balls, le chef de la gestion du portefeuille européen de Pimco, qui est le plus grand fonds mondial d’obligations. Les investisseurs ont acheté des obligations du gouvernement français en sachant qu'ils seraient confrontés à des risques de taux. Sauf s'ils sont couverts par des C.D.S., ils perdront de l'argent si les taux d'intérêt augmentent. Mais ce n'est que récemment qu'ils ont réalisé que les obligations françaises les exposent à un autre type de risque que les investisseurs conservateurs tentent d'éviter à tout prix : le risque de défaut avec la perspective qu'ils ne seront peut être pas remboursés en totalité et en temps. La raison de l’émergence de ce risque avec la France, et non pas avec le Royaume-Uni, provient de l'incertitude au sujet du rôle de la B.C.E. La banque centrale résiste à assumer le rôle de prêteur en dernier ressort pour les gouvernements de la zone euro. (4) Mme Merkel, en présence des dirigeants de la France et de l'Italie, a réitéré à Strasbourg son opposition habituelle. Mais sans la promesse que la banque centrale joue le rôle de prêteur en dernier ressort, une crise de liquidité d’un gouvernement risque de se transformer rapidement en une crise de solvabilité. Au Royaume-Uni, la Banque d'Angleterre peut racheter des obligations pour se porter au secours du gouvernement britannique. Comme l’a dit M. Balls, la plupart des investisseurs sont convaincus que la B.C.E. joue une stratégie d’évitement en attendant jusqu'à la dernière minute pour intervenir de manière décisive. La banque centrale voudrait un engagement en béton concernant une discipline budgétaire stricte de la part des gouvernements européens et une véritable intégration des politiques fiscales, y compris peut-être une proposition commune d'euro-obligations présentée par la Commission européenne cette semaine. Mais de nombreux gouvernements de la zone euro se dirigent à pleine vitesse dans la direction opposée. «Il est douteux que le régime intrusif fiscal proposé par l'Allemagne et la Commission européenne soit acceptable pour l'Italie et de nombreux autres pays pour sauver la zone euro du naufrage », a déclaré Nicolas Spiro, un consultant à Londres en matière de dette souveraine. Beaucoup espèrent que la B.C.E. va céder, leur permettant ainsi d'éviter des engagements qui seraient très impopulaires parmi leurs électeurs. (5) Les événements de la semaine passée ont montré que le temps ne joue pas en faveur de la B.C.E. Elle est peut être déjà incapable d'enrayer la crise si les investisseurs fuient la zone euro. Dans ce jeu d’évitement, un ou deux pilotes peuvent tenter une embardée pour éviter la collision. Mais cela ne change pas la donne si les investisseurs ont décidé de quitter définitivement la zone euro. (6) Stephen Fidler Notes du traducteur : (2) Le jeu dangereux du duo franco - allemand a été expliqué sur ce même site par Walter Russell Mead, professeur de relations internationales au Barnard College, une annexe de l’université de Columbia à New York. Paris sous-estime toujours la volonté inébranlable de Berlin dans cette partie de poker menteur. On s’achemine vraisemblablement vers un scénario conté par notre grand auteur Jean de la Fontaine dans sa fable du pot de terre (Paris) contre le pot de fer (Berlin). Chaque nouvelle secousse de la zone euro fissure davantage le pot de terre (triple AAA de la France). Selon les dernières rumeurs qui circulent à Wall Street, la perte de ce triple AAA sonnera la fin des illusions des « constructivistes », avec la disparition du Fonds européen de stabilité financière, prélude à l’éclatement de la zone euro. (3) Relire l’article du même auteur du 14 novembre sur ce site. (4) Les « collectivistes » renâclent à faire jouer l’aléa moral, mais celui-ci ne disparaît pas pour autant. Il est simplement reporté à un échelon supérieur. La faillite inévitable d’un État comme la Grèce est ainsi reportée à l’ensemble de la zone euro. J’avais exposé sur mon blog, le 8 mai 2010, ce problème d’aléa moral qui est toujours mal compris, en prenant pour exemple un sous-marin allemand traqué en mer Égée par un convoi britannique en 1943. Une voie d’eau est déclarée après l’éclatement d’une mine près de sa coque. Que faire ? (Il faut préciser que dans ce sous-marin d’attaque, il y a deux commandants : un Français et un Allemand.) La raison voudrait que l’on ferme immédiatement les sas d’étanchéité pour sauver le bâtiment en condamnant les sous-mariniers grecs qui se trouvent dans le compartiment inondé. Mais le commandant français est farouchement opposé à cette option pour une raison inavouable au reste de l’équipage. Il a planqué son butin de guerre dans le compartiment inondé. (Les obligations pourries des PIGS sont détenues en grande partie par les méga-banques françaises). Ainsi toute la zone euro est prise en otage par le commandant français qui ne pense qu’à sauver ses bijoux de famille. (Les Français sont convaincus que ce sont les Allemands qui sont égoïstes dans cette affaire, alors que c’est le contraire). Quant au commandant allemand, qui est lent d’esprit et incapable de mentir ou de ruser comme le matois Français, il espère toujours s’en sortir pour remonter seul, un jour, à la surface. Nous verrons bien. (5) Les dirigeants socialistes français, qui étaient prêts hier à abandonner notre dernier arpent de souveraineté (le budget) pour sauver l’euro, semblent se rendre compte que cela est invendable à leurs électeurs. Un ministre européen du budget pourrait ordonner dès demain la suppression de 500 000 emplois dans la fonction publique française pour réduire notre endettement. C’est pourtant ce qu’a fait, en dehors de la zone euro, le Premier ministre David Cameron dès qu’il a été élu. (6) Jusqu’à la semaine dernière, les marchés pensaient que la décision de sauver l’euro reviendrait à Berlin et non pas à Paris, jugé trop faible pour cette énorme charge. Maintenant, ils ne le pensent plus et retirent leurs avoirs de la zone euro. A Wall Street, la CLS Bank International, qui opère une compensation entre les trading de devises des banques, est en train de mener un « stress test » en vue d’une dissolution de la zone euro. 63 banques internationales sont concernées.
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