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15/4/23 Claude Reichman
     
                   Une formidable couillonnade !

A Marseille, il y a un jeu traditionnel qui s’appelle le trompe-couillon. Il consiste à poser sur le trottoir un gros caillou coiffé d’un chapeau. Et d’attendre qu’un passant balance un grand coup de pied dans le chapeau et se torde de douleur. On s’amuse comme on peut.
Nous vivons en ce moment en France un gigantesque jeu de trompe-couillon. Toute la population, toutes les institutions, tous les médias ont semé des chapeaux dans les rues. Avec un gros caillou dessous appelé « retraite par répartition ». Et tout le monde de shooter dans les chapeaux au nom des grands principes, quand ce n’était pas pour sauver la République.

Même quand on ne veut pas exagérer, on est bien obligé de se dire que les Français sont devenus fous. A commencer par ceux qui ne pensent aucun bien de la retraite par répartition et qui se gardent de le dire. On a rarement vu une nation entière verser dans une sorte de folie collective. Le dernier exemple fut celui de l’Allemagne nazie. Une tragédie. En France on n’y est pas encore, mais on y va avec entrain.

En fait on n’est pas vraiment dans la psychiatrie, mais plutôt dans la dynamique des foules. Gustave Le Bon l’avait bien compris, une foule n’est pas l’addition de ses composants. C’est un être distinct, qui a ses propres sentiments et ses propres réactions. Et qui réagit de façon identique qu’elle soit composée de quarante analphabètes ou de quarante académiciens.

Donc la France, d’un seul souffle, d’un seul pas, s’est mobilisée sous les couleurs de la retraite par répartition pour prôner ou refuser de travailler deux ans de plus. Etant entendu que tout le monde ne travaillerait pas davantage, en vertu du principe orwellien qui veut que si tous sont égaux, certains sont plus égaux que les autres.

A l’issue de cette formidable parade de coups de pieds dans des chapeaux, il n’y a que des boiteux en France. Le président de la République croit qu’il a gagné parce qu’il a promulgué sa loi dans la nuit après le nihil obstat du Conseil constitutionnel, mais il a les deux tiers du pays contre lui et ne pourra plus gouverner que par la force, ce qui finit toujours mal. Les syndicats ont magnifiquement démontré que la déambulation paisible ne sert strictement à rien. Les partis politiques ont démontré eux aussi qu’ils ne servaient à rien sous la Ve République. Et les citoyens ont tous été invités à rentrer chez eux pour soigner leurs orteils endoloris.

Que reste-t-il de la démocratie française à l’issue de ces mois d’affrontement ? Un champ de ruines. Le pays vit dans l’amertume, la colère et la rumination. Il ne s’agit plus de relancer l’économie et de redresser les finances publiques, mais de savoir, pour les uns, comment on pourra continuer d’imposer aux Français un sort qu’ils refusent, ou bien, pour les autres, de trouver le moyen d’en finir avec Macron. Le résultat ne peut être que la poursuite des affrontements avec à chaque fois plus de violence.

Or toute cette couillonnade est à la fois stupide et inutile. La retraite par répartition ne peut fonctionner qu’avec au moins quatre actifs pour un retraité. On n’y parviendra plus jamais en France à vue d’homme. Vouloir la sauver est mission impossible. Et c’est de l’acharnement thérapeutique. Au-delà, vouloir à tout prix une retraite d’Etat n’a pas de sens au 21e siècle. Il faut une retraite individuelle et libre, où chacun épargne comme il l’entend, dans le cadre d’une fiscalité équitable, et prend sa retraite quand il le peut et le veut. Il reste beaucoup de moyens de mettre en œuvre la solidarité, à commencer par l’impôt proportionnel tel que l’ordonne la Déclaration des droits de l’homme.

La volonté acharnée de Macron de sauver la répartition quel qu’en soit le prix est insensée. On a peine à utiliser ce mot s’agissant du chef de l’Etat, mais il n’en est pas d’autre. Le prix à payer pour la paix civile est immense. Il y a longtemps que la France n’a pas été aussi divisée. Elle se retrouve en outre sans solution politique. Des élections législatives laisseraient les trois blocs actuels à peine modifiés. Un référendum ne pourrait avoir de sens que si Macron mettait sa présidence en jeu. Et on en connaît le résultat. Il ne le fera donc pas
.
Reste la démission du président. A mon avis elle s’impose. Seul un nouveau président peut reconstituer sous son égide une force majoritaire. C’est l’alchimie de la Ve République. Elle l’a prouvé à plusieurs reprises. Mon pronostic est que Macron ira jusqu’au bout de son aventure personnelle. Et donc que le pire peut arriver. J’espère me tromper.

Claude Reichman



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