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La France en crise

31/7/03 Jean-Christophe Mounicq

Les structures économiques et sociales françaises sont inadaptées au monde moderne et nous enfoncent dans la crise et le déclin. Ce déclin se constate de manière relative et absolue. Notre système politique verrouillé par les politico-fonctionnaires n'offre aucune chance de réforme fondamentale. Un krach économique mondial, tout à fait envisageable, serait le choc externe violent qui nous précipiterait dans la tourmente.

Baisse de la production industrielle en mai 2003 pour le 4e mois consécutif, hausse quasi-ininterrompue du chômage depuis juillet 2001, réduction des perspectives de croissance en dessous de 1%, déficits publics supérieurs à la limite tolérée par l'Union Européenne, destruction de 60 000 emplois au 2e semestre 2002 : en France, les mauvaises nouvelles sociales succèdent aux mauvaises nouvelles économiques. Croissance américaine divisée par deux, Japon au bord du gouffre, Allemagne au bord de la déflation : l'environnement international n'incite pas non plus à l'optimisme. Où va l'économie française ? Répondre à une telle question relève de la gageure et confine à la vision. Un économiste libre, qui ne dépend financièrement d'aucun organisme ayant un intérêt à adopter un point de vue particulier, s'acquittera de cet exercice en fonction de ses études, de sa culture et de son expérience mais sans pouvoir faire abstraction de sa personnalité et de son intuition. Ce cocktail lui fera juger certains critères plus déterminants que d'autres.
La liberté permet de ne pas orienter sa réflexion vers l'optimisme fonctionnel des organismes officiels, publics ou privés. La confiance étant indispensable au développement économique, gouvernants et chefs d'entreprises ont logiquement un objectif commun : convaincre le plus grand nombre que l'économie se portera bien ou tout au moins se portera mieux. Ils y ont un intérêt matériel : il en va de leur réélection pour les politiques donc des rémunérations attenantes à leurs mandats électoraux, de leurs chiffres d'affaires pour les entrepreneurs, donc de leurs salaires et primes. Les médias et la population ont eux aussi intérêt à souhaiter davantage de croissance et d'emploi. Tous sont naturellement portés à croire les bonnes nouvelles et prévisions. Envisager la vie en rose est une tendance humaine normale.
Pour l'économiste libre, les difficultés demeurent. Il y a d'abord les difficultés liées à l'interprétation des évolutions des différents paramètres. Les évolutions ne sont pas toujours nettes. Il est en général possible de dégager des tendances. Mais le choix des références et des comparaisons, à partir desquelles on extrapole, n'est pas neutre. L'étendue des informations disponibles pose des problèmes encore plus grands. Les éléments matériels et psychologiques qui influent sur l'activité économique sont innombrables. Lesquels privilégier? La politique monétaire pèse-t-elle davantage sur la conjoncture que la fiscalité? La personnalité de l'économiste jouera.
Autre difficulté : comment les éléments retenus agissent-ils les uns sur les autres ? Quelle est l'influence de la conjoncture internationale sur l'économie d'une nation ? Comment réagissent les consommateurs face à la courbe du chômage, les industriels par rapport à leurs carnets de commande, les contribuables par rapport aux taux d'imposition ? Des modèles, basés sur des constatations passées, tentent de mettre en équation ces données. Ils demeurent approximatifs et seront donc soumis à subjectivité. L'économie n'est pas une science au sens de la mathématique ou de la physique : elle ne peut pas donner de résultats chiffrables. La prévision est toujours aléatoire et personnelle.

L'optimisme des officiels et le pessimisme des réalités.

Les considérations précédentes expliquent le hiatus entre les faits passés constatés et les prévisions futures annoncées : l'inquiétude et l'espoir. Inquiétude des faits : baisses de l'investissement et chutes des taux de croissance en France, en Europe, en Asie, aux Etats-Unis, hausses corrélatives des taux de chômage et des déficits publics. Espoir des mots : améliorations en vue, promesses de redémarrage. Que croire ? Son instinct, hélas ! que l'on tente d'étayer aussi rationnellement que possible.
Quand, fin mai, Jean-Pierre Raffarin juge " satisfaisant " les +0,3% de croissance du 1er trimestre, il est dans son rôle. Les statistiques françaises, révèlent, elles, une situation dégradée. La hausse du chômage, malgré la pause en avril et mai, est forte et continue depuis juillet 2001. L'activité économique s'est contractée de 0,1% au quatrième trimestre 2002, alors qu'on attendait + 0,2%. Le pouvoir d'achat n'a augmenté que de 1,5%, en 2002 (contre + 3,7% en 2001). La consommation est atone : +1% en 2002. L'investissement des entreprises recule, pour la première fois depuis 1997 (-2% par rapport à 2001). Des emplois ont été détruits en France au second semestre 2003 (60 000), pour la première fois depuis 1996.
Le chef du gouvernement avait également fait remarquer qu'à côté de " ce relativement bon chiffre constaté, il y avait deux indicateurs également encourageants ". Il s'agissait de l'investissement (+ 0,5 %), et de la consommation (+ 0,6 %). Le côté " encourageant " semblait très relatif. Concernant l'investissement, la France se situait sur une pente de +9% par an entre 1997 et 2001. Peut-on se satisfaire de +0,5% alors que ce chiffre permet à peine de remplacer le matériel existant ? Peut-on se satisfaire du faible chiffre de la consommation dont la progression se réduit parallèlement à la hausse du chômage et à l'éloignement des perspectives de reprise ?
Sur le front des déficits la situation n'est pas plus brillante : la France est " rappelée à l'ordre par Bruxelles ". On annonce 3,7% de déficit du budget de l'Etat. Et 15 milliards d'euros de déficit en cumul sur 2 années pour la seule branche maladie de la sécurité sociale. 100 milliards de francs : le chiffre est énorme. Dans un article intitulé " France Universal " pour faire le parallèle avec la gestion de Vivendi Universal, publié dans Le Point, l'économiste Nicolas Baverez rappelait que l'on oubliait de mentionner les déficits des entreprises publiques qu'il estimait à environ 20 milliards d'euros. L'addition des comptes des entreprises publiques, de la sécurité sociale, des collectivités locales et de l'Etat dépasserait de beaucoup les 3,7%. Le chiffre des déficits publics français serait plus proche de 5 % du PIB.

La croissance artificielle par la hausse du PIB non-marchand.

Lors d'un récent Conseil des ministres, Jean-Pierre Raffarin a jugé que la croissance positive (+ 0,3 %) au premier trimestre 2003 en France était " en pleine cohérence avec l'objectif fixé de 1,2 %, 1,3 % pour la croissance annuelle ". Le budget 2003 ayant été calculé sur une hypothèse initiale de 2,5%, il faut relativiser la " cohérence " de la réalisation par rapport à l'objectif. D'autant que cette hausse n'est due, comme le rappelait Jean-Pierre Robin (Cf. Jean Pierre Robin : " Les experts enjolivent la conjoncture " in Le Figaro du 21 mai 2003), qu'à la hausse des dépenses de santé. Croissant au rythme de 7% l'an et pesant 10% du PIB, les seules dépenses de santé ont mécaniquement fait croître le PIB de 0,7%.
C'est là une réalité fondamentale méconnue, sous-estimée sinon masquée: la croissance française est artificielle. Le secteur marchand, véritable créateur de richesses, est en récession. Seul le secteur non-marchand, composé des dépenses publiques, progresse. Représentant grosso modo la moitié du PIB (53,6% en 2002 contre 52,6% en 2001), ces dépenses publiques, en progressant de 5% ont, en 2002, entraîné 2,5% de hausse de PIB. La croissance française n'ayant été que de 1,2%, cela signifie que le secteur privé a abaissé le PIB de 1,3%. Le secteur marchand représentant l'autre moitié du PIB, a donc connu une récession de 2,6%.

Sans les déficits, la récession serait catastrophique.

Imaginons que la France soit gérée dans une optique " de bon père de famille " c'est-à-dire avec des comptes à l'équilibre. Cette hypothèse n'aurait rien d'excessif car on pourrait envisager un excédent budgétaire pour rembourser la dette et alléger le poids du passif laissé aux jeunes générations. A l'équilibre, nous serions à 0, au lieu d'un déficit de 3,7% de PIB. Les dépenses publiques seraient réduites de 7,4%. La récession serait alors de 5% (-1,3% pour le privé - 3,7% pour le public). Les qualificatifs de la croissance seraient plus proches de " catastrophique " que de " satisfaisant ".

Pour mieux comprendre la situation de l'Etat français, il est possible de raisonner par analogie avec un particulier. Considérons un individu qui a gagné 10 000 euros net en 2002. L'année suivante, il prévoit d'augmenter ses revenus de 0,8%, soit 80 euros. Mais il aura fait un emprunt supplémentaire à hauteur de 5% de ses revenus soit 500 euros. Considérerait-on que cet individu aura accru ou diminué ses revenus ? Le bon sens indique que ses revenus auront diminué de 420 euros. Ce raisonnement devrait s'appliquer pour un pays. Quand les revenus supplémentaires liés à la croissance sont inférieurs aux revenus issus de l'accroissement de la dette, un pays est virtuellement en situation de récession.

La France l'est. Aujourd'hui, elle augmente artificiellement sa croissance par des dépenses publiques, des déficits et de la dette. Demain, il faudra rembourser ces dettes supplémentaires par des impôts supplémentaires qui freineront immanquablement la croissance future. Le Premier ministre poursuivait la justification de sa politique en faisant valoir que " les principaux pays qui avaient quant à eux fait le choix d'augmenter leurs prélèvements obligatoires, impôts et charges sociales, connaissaient pour la même période une croissance négative ". Oui, la France aurait effectivement eu une récession si son gouvernement n'avait choisi de laisser filer les déficits. Non, Monsieur Raffarin ne diminue pas les impôts. Il faudra rembourser la dette. Cette politique revient à faire davantage d'impôts demain. Faut-il se réjouir d'une politique qui améliore notre situation actuelle mais compromet notre futur ? Celui qui achète à crédit ne paye pas moins cher. Au contraire.

Baisse de la recherche, fuite des cerveaux, explosion des faillites, désindustrialisation.

Dans un entretien au Figaro intitulé " Nous avons un gouvernement schizophrène " (Le Figaro, 10 mai 2003), l'économiste Nicolas Baverez rappelle quelques éléments fondamentaux qui éclaire l'avenir de la France d'une lumière sombre.
Sur la recherche : " l'effort de recherche régresse de 1,25% par an depuis 1995 pour s'établir à 2,1% du PIB contre 2,5% en Allemagne ou 3% au Japon ". Cette contraction de notre recherche pousse nos cerveaux à l'exode : " 15% de nos ingénieurs et de nos chercheurs partent chaque année aux Etats-Unis et au Royaume-Uni ". Nos dépôts de brevets ont chuté. Ils représentaient 8,8% de l'ensemble des dépôts de brevet dans le monde en 1985 contre seulement 6,3% en 2000. Sur les entreprises : " On crée en France 25 000 entreprises de moins qu'en 1990 ". Par contre le nombre des faillites explose : 43 000 en 2002 (contre 40 000 aux Etats-Unis, pays 5 fois plus peuplé). Et nos gains de productivité sont très faibles : de l'ordre de 1,1% par an.

Ces vérités inquiétantes autorisent Nicolas Baverez à considérer qu'il : " Il y a un mouvement dramatique de désindustrialisation dû à la concurrence technologique des Etats-Unis, la concurrence par les prix qui nous vient de la Chine et d'Asie et aussi la concurrence des nouvelles démocraties d'Europe de l'Est. Le territoire français se transforme en désert industriel et entrepreneurial ". " Désert industriel et entrepreneurial " : l'expression est forte. Pourtant il convient de s'interroger sur le phénomène de désindustrialisation de la France qui remonte loin. Les chiffres montrent que depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la France a créé un nombre d'emplois très faible dans le secteur privé. Et si, à force de tangenter le zéro, nous étions passés en dessous c'est à dire dans un cycle inverse de destruction d'emplois marchands ?

Excès d'impôts, excès d'Etat-providence et point de rupture.

La masse des prélèvements obligatoires et la quantité de lois sociales peuvent avoir poussé l'économie française jusqu'à son point de rupture. A force de pénaliser l'activité économique, on finit par la dissuader. La loi sur les 35 heures a changé les mentalités, notamment des cadres. Leurs priorités semblent désormais souvent leurs week-ends et vacances. Ne serions nous pas passés d'une société de travail à une société de loisir ? Ce choix est respectable. Mais il s'accompagne inévitablement d'une baisse du niveau de vie.

Or on peut constater que de nombreux prix ne cessent de monter, des biens alimentaires à ceux de la restauration en passant par les tarifs publics et l'immobilier. Et ce contrairement à ce qu'indiquent les chiffres de l'inflation calculés par l'Insee qui peuvent étonner. L'Insee ne prend pas en compte le progrès technique. L'institut estimera ainsi par exemple que le prix d'un ordinateur a été divisé pas deux parce que l'année précédente l'ordinateur équivalent par ses capacités de rapidité et de mémorisation était un haut de gamme deux fois plus cher. Mais le prix de cet ordinateur dans la gamme n'aura pas varié. De plus, l'Insee change souvent le panier type des produits entrant dans l'indice, sans fournir d'explication. Sans ces deux éléments, on pourrait probablement constater une baisse du niveau de vie des Français.

Augmentation du coût de la vie et baisse du niveau de vie: ne peut-on parler de déclin français? Ou est-ce un thème récurrent et fantasmatique ? Nicolas Baverez apporte un élément de réponse : " La France a aujourd'hui un PIB de 1520 MM €. Le Royaume-Uni de 1659. Notre richesse nationale est donc inférieure de 9% à celle des Britanniques alors qu'elle était supérieure de 25% à la leur dans les années 70. ". D'autres statistiques de l'Union Européenne fournies par l'agence Eurostat confirment notre décrochage par rapport à nos voisins. La comparaison des PIB par habitant, corrigé en parité pouvoir d'achat, est éclairante. Entre 1990 et 2000, au sein des quinze pays de l'Union Européenne, la France est passée de la 3e à la 12e place! Au sein de l'Union européenne, seuls les Grecs, les Portugais et les Espagnols ont un niveau de vie inférieur au nôtre. L'exemple le plus frappant est celui de l'Irlande. En 1980, un Irlandais avait un pouvoir d'achat égal à 40% de celui d'un Français. En 2000, seulement 20 ans plus tard, le même Irlandais a 120% du niveau de vie d'un Français. En une génération, les Irlandais ont fait plus que multiplier par trois leur niveau de vie par rapport aux Français. Il devient difficile de contester le déclin de la France au sein des pays développés.

Japon au bord du gouffre, Etats-Unis en convalescence

Croissance, chômage, investissements, recherche, dettes, déficits, niveau de vie : les faits indiquent que la France est sur la mauvaise pente. La conjoncture internationale pourrait-elle nous aider à redresser la situation ?

Le Japon est " un champ de mines " écrit David Barrou dans Les Echos (22 mai 2003) : " Le système financier de la deuxième puissance économique de la planète se noie depuis douze ans dans un océan de pertes et de créances douteuses, mais politiques et bureaucrates nippons se contentent de colmater les brèches ". Ces derniers tentent de repousser " une crise inévitable ". Le système bancaire japonais n'a pas été
purgé : " le montant total des " crédits pourris " n'a pas baissé. Il serait aujourd'hui d'un minimum de 50.000 milliards de yens (soit 360 milliards d'euros) ". Depuis une douzaine d'années, le Japon a une croissance quasi-nulle. Et encore celle-ci est le fruit de relances par des dépenses publiques aussi stériles que risquées. L'ampleur de ses déficits publics, de l'ordre de 10% du PIB par an, a fait grimper sa dette à un niveau dangereux. Une deuxième correction sur la dette semble de plus en plus inévitable. Les effets d'une correction sur la dette sont potentiellement supérieurs à ceux de la purge bancaire. Le décrochage de la deuxième économie planétaire peut-il se faire en douceur pour le reste de l'économie mondiale ? D'autant que la communauté financière découvre que la Chine a, elle aussi, un système bancaire grevé de créances douteuses. Un effet en chaîne régional serait catastrophique.

Le salut pourrait-il venir de l'Amérique ? Les Etats-Unis, première économie de la planète, sont passés d'un rythme de 5% de croissance par an dans la décennie 1990, lié aux formidables progrès des nouvelles technologies de l'information et de la communication, à 2,5%. Ce chiffre reste correct. Mais il ne leur permet plus de jouer le rôle de locomotive de l'économie mondiale. La situation économique américaine n'est pas stabilisée. La marge de relance par la baisse des taux d'intérêts s'est réduite. Subsistent l'arme de la dévaluation monétaire et celle de la relance par les baisses d'impôts. Ces deux politiques sont en cours. Elles n'ont pas encore eu le temps de produire tous leurs effets.

Les Etats-Unis sont une société entrepreneuriale où les incitations au travail et à l'investissement sont fortes. La capacité de rebond de l'économie américaine est importante. D'autant que les institutions américaines, monétaires ou gouvernementales, sont dirigées par des hommes d'action. La rapidité et l'ampleur des baisses de taux décidées par le gouverneur de la Réserve fédérale américaine, Alan Greenspan, tranchent sur celles de son homologue de la Banque Centrale Européenne, Wim Duisemberg. Les baisses d'impôts voulues par Georges W. Bush et autorisées par le Congrès américain - 350 milliards de dollars sur dix ans - sont sans commune mesure avec celles décidées par Jean-Pierre Raffarin : en 2003, le dérisoire pourcent de réduction de l'impôt sur le revenu représente un effort de moins de 500 millions d'euros. Et encore cette baisse d'impôt sera-t-elle largement compensée par les hausses de tarifs publics et d'impôts locaux.

Une reprise américaine pourrait-elle améliorer la situation française? Oui s'il n'y avait le problème du gigantesque déficit commercial. Les avis des économistes sont partagés. Certains croient qu'il ne constitue pas un problème. Un grand nombre s'accorde à penser qu'un tel déséquilibre n'est pas sain sur le long terme. La prudence commande de le réduire. Il est probable que le gouvernement américain est déjà en train de s'y employer. Cette politique entraînera une réduction des importations américaines. Qui abaissera encore un peu plus la croissance européenne. Notons, en passant, que le continent sud-Américain s'enfonce dans le marasme. La plupart des pays sont dirigés par des socialo-populistes financièrement coincés parce que politiquement obligés de distribuer des prébendes à ceux qui les ont fait élire. Avec les élections de Chavez au Venezuela et de Lula au Brésil, deux amis politiques de Castro, les Etats-Unis ont perdu une partie de leur influence sur le sous-continent. Leur capacité à y imposer une relative orthodoxie économique et financière s'est réduite d'autant. L'incertitude sud-américaine peut freiner le redémarrage nord-américain.

Rien n'est gagné. Les finances publiques américaines se dégradent très rapidement. Les marchés des actions restent surévalués. " L'exubérance irrationnelle " que dénonçait Alan Greenspan est loin d'avoir été totalement résorbée. Olivier de Ducla dans son
livre " Le krach programmé " (ed° Jean-Cyrille Godefroy) pense que le Dow Jones devrait redescendre à son niveau de 1974 soit 570 points contre 9000 aujourd'hui. Un tel effondrement loin d'être impensable assommerait l'économie planétaire pour de longues années. Même sans ce krach, l'économie américaine, si elle a des ressources, est fragile.

L'Europe pénalisée par l'Allemagne faible et l'euro fort.

Le Japon en sursis, les Etats-Unis en convalescence : l'Europe pourrait-elle être notre planche de salut? On peut en douter tant l'environnement européen est morose. L'industrie européenne est asphyxiée par la remontée de l'euro et freinée par l'Allemagne qui glisse vers une déflation à la japonaise. La croissance de la zone euro pourrait être seulement de 0,7% en 2003 selon les récentes déclarations du Commissaire européen Pedro Solbes : " Le PIB a stagné au 1er trimestre, est resté anémié au 2e et a peu de chance de rebondir au 3e ". Une partie des pays européens est en récession dont l'Allemagne, 3e puissance économique planétaire, 1ère européenne et 1er partenaire de la France. L'Allemagne paye le coût de sa réunification et celui de son Etat Providence. Son salut passe par des réformes fortes. Gerhardt Schröder a prévu un plan fort de diminution d'impôts en parallèle à des diminutions d'aides sociales. N'ayant pas été élu pour un tel programme, pourra-t-il les mettre en oeuvre ? Ce n'est pas impossible, car il n'a plus rien à perdre et de plus les sociaux-démocrates allemands sont moins idéologues et plus pragmatiques que leurs voisins socialistes latins. Mais ces mesures seront douloureuses.

Le deuxième frein à la reprise européenne est la remontée de l'euro. Il pénalise nos exportations et favorise nos importations. Sur les marchés extérieurs et intérieurs l'évolution de l'euro joue contre la production européenne. Pourtant aujourd'hui l'euro ne peut être qualifié de " fort " puisqu'il est toujours en dessous de son cours de lancement (1 euro pour 1,18 dollar). Le pire pourrait donc être à venir. Sous la pression de la conjoncture, les banques allemandes sont obligées de vendre leurs actifs aux Etats-Unis pour reconstituer leurs fonds propres. Cela fait monter la monnaie européenne. La matérialisation de l'euro, qui se trouve depuis le 1er janvier 2002 physiquement dans les porte-monnaie des Européens, est un autre facteur technique de soutien à la monnaie. Comme l'est la courbe euro-dollar: si l'euro a atteint un point bas à 0,8 dollar avec un cours central aux alentours de 1,10 (valeur de parité de pouvoir d'achat), il pourrait toucher son symétrique soit 1,40. Et les Américains ont intérêt à une baisse de leur monnaie pour réduire leur déficit. Certes la mollesse de la conjoncture européenne pourrait dissuader les achats d'euros sur le moyen ou long terme. Il n'empêche : l'euro pourrait encore s'apprécier à court terme.

La conjoncture peut-elle précipiter le décrochage d'une Europe aux structures
inadaptées ?

On peut se demander si, dans les dernières années, les social-démocraties de l'Europe vieillissante ne se sont pas maintenues principalement en raison de la conjoncture internationale porteuse et de la dévaluation de l'euro. Les fiscalités européennes dissuadent entrepreneurs et travailleurs, les dépenses sociales encouragent les comportements irresponsables d'assistés, les Etats sont peu efficaces, les lois sociales freinent les embauches. Or les dépenses sociales ne peuvent que croître sous le poids du " papy boom européen" qui augmente à la fois les dépenses vieillesse et de santé. Aujourd'hui, le soutien de la conjoncture comme celui de la dévaluation de l'euro n'existent plus et l'Europe décroche.

Au sein d'une Europe qui souffre, la France pourrait souffrir davantage. Parce qu'elle a la fiscalité la plus lourde, la fonction publique la plus pléthorique et la mieux rémunérée, le plus faible taux d'emploi des moins de vingt-cinq ans et des plus de cinquante ans. Et parce qu'elle a encore trouvé le moyen de charger la barque durant les années Jospin avec des réformes sociales financièrement inassumables sur le long terme : 35 heures, emplois-jeunes, couverture maladie universelle, augmentation du nombre des fonctionnaires, et loi dite " de modernisation sociale " qui en alourdissant les coûts de licenciement a gelé les embauches. Même dans une conjoncture exceptionnellement porteuse la France a été incapable d'équilibrer ses comptes publics et sociaux. Rien d'étonnant à ce qu'ils plongent aujourd'hui. Une mauvaise conjoncture ne pourrait-elle pas envoyer une économie française aux structures inadaptées par le fond?

Une pente à la japonaise

Il est étonnant qu'une telle question ne soit pas davantage posée. Il existe des politiques conjoncturelles qui peuvent aider à redresser la situation : une baisse des taux d'intérêts dont on pourrait espérer, sans certitude aucune, une diminution de l'euro ; une baisse des impôts qui creuserait en contrepartie les déficits. Et si, à l'instar de ce qui se passe au Japon, les problèmes de structure étaient tels qu'ils rendent inefficaces toute politique conjoncturelle ?

Le Japon vieillissant a abaissé au maximum ses taux d'intérêts, s'est lancé dans une frénésie de dépenses publiques, a creusé des déficits fantastiques et a accumulé une dette colossale sans que cela ne produise aucun résultat. Pourquoi en irait-il différemment dans cette Europe vieillissante? Certains expliquent que ce mixe de politique monétaire et keynésienne a échoué au Japon parce que le gouvernement a attendu d'être en déflation pour les entreprendre. Il était alors trop tard pour sortir de la spirale déflationniste. Mais l'Allemagne comme la France sont déjà en déflation dans leurs secteurs marchands. Leurs productions industrielles et leurs prix industriels baissent, leur chômage monte.

Une récente étude de l'OCDE constate le décrochage européen. L'OCDE ne s'interroge pas sur les résultats récents sans grande surprise mais sur les écarts durables qui se creusent entre les Etats-Unis et l'Europe. Ils existent. En 2003, la croissance moyenne des 30 pays membres de l'OCDE devrait être de 1,9%. En 2004, une " reprise graduelle mais peu spectaculaire de l'activité " entraînerait 3% de croissance. Mais les écarts se creusent entre les Etats-Unis et l'Europe. En 2002, la croissance a été de 2,4% aux Etats-Unis, contre 0,9% seulement pour la zone euro. L'Allemagne est très touchée, avec une croissance de 0,2%. La France se porte un peu mieux, avec un taux de 1,2%. Le Japon n'est pas plus brillant : 0,3% de croissance en 2002.

En 2003, les Etats-Unis devraient rester sur le même rythme de croissance avec 2,5%. La zone euro resterait, elle aussi, à son niveau antérieur avec 1% de croissance seulement : l'écart persiste. La France se maintiendrait à 1,2%, l'Allemagne à 0,3% et le Japon à 1%. En 2004, les Etats-Unis connaîtraient une croissance soutenue, avec une prévision de hausse du PIB de 4%. L'Europe resterait à la traîne, avec 2,4%, et plus encore le Japon, avec 1,1%. Sur une plus longue période (horizon 2008), l'OCDE fait pour la France des prévisions pessimistes. Les comptes publics resteraient dans le rouge en 2008, avec 3,3% de déficit par rapport au PIB, la dette publique continuerait à progresser et à dépasser les normes européennes avec 67% du PIB. Quant au chômage, les perspectives sont aussi les plus sombres en France avec un taux de 8,8% de la population active.

Les structures françaises du déclin.

La situation française est médiocre. Dans l'entretien cité plus haut, Nicolas Baverez donne quatre éléments qui manquent à la France pour espérer rebondir: 1° un Etat en ordre de marche ; 2° des créations d'entreprises ; 3° la capacité de fixer les capitaux et les talents ; 4° la possibilité de remettre les gens au travail. Ces quatre éléments inquiètent. On peut préciser ces quatre tares françaises par sept spécificités :
1° La France a la plus forte fiscalité de tous les pays de l'OCDE. Le dernier classement de Forbes Global est une bonne indication. D'après l'indice publié par le magazine américain, la France reste championne, loin devant ses principaux concurrents. L'indice (le " tax misery index ") est calculé à partir de l'ensemble des éléments constitutifs de la fiscalité (Impôts sur les sociétés, sur les revenus, sur la fortune, ...). L'indice français (179,4 en 2003) est très supérieur à ceux de la Belgique (153,1), de la Suède (149,8), de l'Italie ou de la Chine (145).
2° La France compte la plus grande proportion de fonctionnaires des pays de l'OCDE. 25% de la population active dit-on. En réalité on compte un peu plus de 7 millions de fonctionnaires pris au sens large (Etat, collectivités territoriales, fonction publique hospitalière et employés des entreprises publiques) et seulement 13 millions d'employés dans le privé. Si l'on excluait les chômeurs du nombre des actifs du privé, le taux serait d'un tiers.
3° La France a un chômage de masse. L'étude officielle de référence demeure le Rapport Guaino du Commissariat général du Plan. Elle montrait que le chiffre de l'époque n'était pas de trois millions de chômeurs mais en réalité de sept millions. Il fallait réintégrer tous les sans-emplois sortis des statistiques par le traitement social du chômage : RMIstes, préretraités, contrats-emploi-solidarité etc...
4° La France est le pays qui a la plus faible proportion de gens au travail entre 15 et 25 ans et entre 55 et 65 ans. Seuls 37% des Français travaillent au delà de 55 ans.
5° La France est le pays où le financement des retraites est le plus problématique car faisant le moins appel à la capitalisation. L'effondrement du système des retraites français est envisageable. Jean-Pierre Raffarin a ouvertement utilisé cet argument pour justifier sa réforme. Mais sa réforme ne résoud pas fondamentalement le problème. Elle maintient un système par répartition d'inspiration socialiste. Le fossé entre le montant des retraites du privé et celles des fonctionnaires s'accroîtra à l'avantage des fonctionnaires. Cette réforme tente de repousser la date de l'effondrement. Mais en faisant explicitement référence à une future augmentation des cotisations retraites, elle porte en germe un accroissement de la fuite des capitaux, des cerveaux et des emplois.
6° La France à une dette préoccupante. Elle est officiellement passée à 63%. Mais ce chiffre ne tient pas compte des dettes des entreprises publiques françaises ni des engagements de retraites promis par l'Etat français à ses fonctionnaires. Rémi Godeau, dans le Figaro du 22 mai, rappelle qu' " en l'absence de mesures radicales, la Commission estime que la dette française représenterait en réalité 248% du PIB ! Bruxelles qualifie d'"urgente" la réforme du système des retraites "afin d'assurer sa viabilité financière". ". La dette française serait donc du quadruple du chiffre officiel et atteindrait 3 750 milliards d'euros. Rappelons que l'Argentine avec une population moitié moindre s'est effondrée parce que sa dette était de 140 milliards de dollars soit plus de 25 fois inférieure...
7° La France a le système politique le plus bloqué. Longtemps, on a expliqué la croissance économique et la prospérité à l'aide des facteurs de production traditionnels : le travail et le capital. Cela a valu aux pays du tiers-monde de calamiteuses politiques de développement, consistant à injecter, en pure perte, de l'argent public, pour stimuler l'économie. Le FMI a récemment montré que l'influence des facteurs de production est relative : le travail existe dans ces pays et le capital, avec la mondialisation, va là où il y a des perspectives de gains. Par contre les institutions jouent un rôle déterminant. Les facteurs géographiques ou climatiques se trouvent relativisés, tout comme le déterminisme de l'histoire. Les experts du FMI, invoquent des raisons institutionnelles pour expliquer les succès très contrastés obtenus par les colonisations européennes. D'un côté l'établissement de colonies d'émigrés, comme les Etats-Unis, l'Australie, la Nouvelle Zélande, avec des institutions défendant l'état de droit et la propriété privée. De l'autre des colonies d'exploitation, en Amérique centrale ou du sud ou dans la majeure partie de l'Afrique sub-saharienne : leur cadre juridique a été conçu pour exploiter des richesses nationales, bien plus que pour le développement d'un pays. Or les systèmes politique, économique et sociaux français sont davantage conçus pour redistribuer les richesses existantes que pour les créer.

La " droite " française réforme moins que les gauches européennes.

Les structures françaises s'opposent à l'efficacité économique. Elles poussent irrésistiblement notre pays sur le déclin. Des réformes en profondeurs sont indispensables. Sont-elles possibles avec des structures politiques verrouillées par les politico-fonctionnaires qui ont intérêt au statu quo.

Il faut revenir aux réflexions fondamentales de Nicolas Baverez : la France " est le seul pays développé où les fonctionnaires gagnent plus que les gens du privé. Le salaire moyen net dans la fonction publique est de 22 188 euros contre 16 520 euros dans le secteur privé avec des gains de pouvoir d'achat de + de 10% dans le secteur public contre à peine 4% dans le secteur privé ". Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a-t-il changé ce système ? En 2002, son gouvernement a dirigé huit mois sur douze. La tendance social-étatiste s'est maintenue : les dépenses publiques ont crû de 5%, le nombre de fonctionnaires a augmenté de 38 000.

La réforme des retraites est d'une grande timidité : les privilèges des statuts spéciaux (EDF, SNCF, RATP etc.) n'ont pas été touchés, la référence demeure les 6 derniers mois pour les fonctionnaires contre les 25 meilleures années pour le privé, seuls les fonctionnaires bénéficient de la capitalisation avec la Préfon, seuls les fonctionnaires peuvent partir en retraite au bout de 15 ans d'activité quand ils ont 3 enfants, et ainsi de suite (cf. Gérard Maudrux " Retraites, le mensonge permanent ", Ed. Les Belles Lettres, 2000 et Pascal Gobry " La grande duperie. La vérité sur vos retraites ", Ed. Plon, 2003). Une réforme authentiquement libérale aurait mis le cap sur un système par capitalisation et laissé une plus grande liberté de choix aux intéressés.

La " droite " française est plus timide que tous les gouvernements socialistes européens d'hier et d'aujourd'hui. En Allemagne, les socialistes du SPD après avoir mis en place depuis longtemps un système de retraite par capitalisation, vont réduire de 14 milliards d'euros leurs impôts en 2004, et alléger fortement leur Etat-providence. En Suède, les socialistes ont mis en place un système d'épargne retraite, ont privatisé ou mis en concurrence et dégraissé la majeure partie de leurs entreprises publiques (eau, électricité, téléphone), ont décentralisé l'éducation nationale qui relève dorénavant des communes. En Italie, l'alliance entre la gauche et les néo-communistes qui a précédé M. Berlusconi avait réduit les dépenses publiques et le nombre des fonctionnaires. Au vu de ses actes la " droite " française se situe très à gauche de l'échiquier politique européen.

La République des fonctionnaires et l'accélération du déclin.

Après les politiques de hausses massives des impôts et d'augmentation des dépenses publiques, pratiquées par les gouvernements Balladur et Juppé, Jean-Pierre Raffarin hésite à faire mentir la maxime Baverezienne : " La république française est un gouvernement des fonctionnaires par les fonctionnaires et pour les
fonctionnaires "
. Le symbole de la captation du pouvoir par les fonctionnaires est l'ENA. Les énarques, Alain Juppé à l'UMP et François Hollande au PS, contrôlent les partis politiques dominants. Les énarques, Chirac, Jospin, Balladur, Chevénement, sont les seuls à avoir eu une chance réelle lors des dernières présidentielles. Les énarques dirigent la plupart des fédérations patronales à commencer par le Medef (d'ailleurs en quasi-faillite, qui licencie ses équipes et est incapable de financer l'acquisition de son nouveau siège). La relève politique de l'UMP, de Jean-François Coppé à Renaud Dutreil en passant par Hervé Gaymard ou Henri Plagnol, demeure marqué du sceau de l'énarchie et de la continuité.

On peut confirmer le penchant pro-fonctionnaire de ce gouvernement en notant qu'en contrepartie de l'alignement très théorique sur les 40 ans du privé (la plupart des fonctionnaires bénéficient de bonifications qui leurs permettent de partir bien avant), le gouvernement Raffarin a octroyé aux fonctionnaires des avantages supplémentaires : le temps partiel d'un fonctionnaire peut désormais être compté comme un temps plein pour le calcul de la retraite, la bonification pour enfant a été portée jusqu'à trois ans au lieu d'un an, une partie de leurs primes ont été intégrées.

Raffarin, le Gorbatchev français.

Jean-Pierre Raffarin est-il au système socialiste français ce que Mikhaïl Gorbatchev était au système soviétique russe ? Il tenterait, avec une intelligence supérieure à celle de ses prédécesseurs, de le réformer pour le sauver. Mais le système est-il adapté au monde globalisé tel qu'il existe aujourd'hui ? Comment maintenir les impôts les plus élevés des pays de l'OCDE alors qu'il n'y a plus de moyens de retenir les capitaux et les talents ? Comment payer les montagnes de dettes du capitalisme-étatique à la française qui a mené toutes nos entreprises publiques - SNCF, EDF-GDF, France Télécom - à des situations catastrophiques? Est-il sain de conserver un système social mis en place au sortir de la Deuxième Guerre mondiale par les ministres communistes Thorez, Billoux et Croizat avec les ordonnances du 4 et du 19 octobre 1945? Comment empêcher son effondrement alors que le déficit de la seule branche maladie sera supérieur à 10 milliards d'euros pour 2003 ?

L'inefficacité économique de ce système n'est pas compensée par une efficacité démocratique supérieure. Nicolas Baverez pense qu' " il faut dénoncer le caractère incestueux du condominium constitué par la classe politique, la haute fonction publique et les syndicats. Ce système est un système clos. Que vous preniez la gauche ou la droite, ce système fonctionne dans les deux camps. Il faut donc le casser. " Quel libéral ne partage pas son jugement ? Cette réflexion renvoie au pamphlet de Claude Reichman : " Le secret de la droite " (Ed. François Xavier de Guibert) qui explique de manière très argumentée pourquoi la droite française met en oeuvre des politiques de gauche, et comment les politico-fonctionnaires ont verrouillé le système.

Il est légitime de penser que tant que les Français n'auront pas cassé ce système, tant que leurs partis politiques de gouvernement seront dirigés par des énarques, tant que la richesse sera dans une telle proportion prise à ceux qui la crée pour être redistribuée, le déclin français se poursuivra. Il peut s'accélérer, tant la conjoncture internationale est défavorable et tant la structure de l'économie française dissuade aujourd'hui la création de richesse. Si le déclin s'accélérait, cela prouverait que la France a besoin d'une révolution politique pour retrouver le chemin de la prospérité. Les Français la veulent-ils ou préfèrent-ils regarder leur niveau de vie baisser ?

Attention au krach majeur

Notre pays est sur le déclin. Pour l'instant ce déclin est encore relativement lent. Il s'accentuera en raison du papy boom et des structures de la société française totalement inadaptées au monde moderne et global. Il s'accentuerait de manière dramatique si nous sommes à la veille de bouleversements majeurs. Si Olivier de Ducla a raison, si un krach majeur symétrique à celui de 1929 devait se produire en raison de l'accumulation de montagnes de dettes par les Etats de la planète, alors la France dévissera littéralement. Nous avons déjà dit que notre dette réelle est immense (de l'ordre de 250% de notre PIB selon l'Union Européenne) et notre chômage réel catastrophique (supérieur à 6,5 millions de sans emploi selon le rapport du Commissariat général au plan). Une économie aussi délabrée ne survivrait pas à un choc majeur. Songeons qu'à la veille de la crise de 1929, la France était prospère. En 1928 et 1929, le budget de l'Etat était excédentaire de 1% du PIB, la balance des paiements courants était excédentaire, la production s'accroissait de 9% l'an, les salaires progressaient de 8% l'an etc. Songeons qu'au plus fort de la crise des années trente, la France n'a compté que 300 000 chômeurs !

J'avoue avoir personnellement toujours cru à une correction majeure annoncée par notre prix Nobel d'économie Maurice Allais. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec un autre prix Nobel d'économie, le professeur James Buchanan à la Georges Mason University. Il ne m'a pas démenti et partageait la majeure partie de mes craintes. J'ai lu récemment le livre de Charles Gave et celui d'Olivier de Ducla qui tous deux prévoient un effondrement avec des démonstrations fort convaincantes. Le livre de Nicolas Baverez, " La France qui tombe ", qui paraîtra en septembre, ne rassurera pas. Il n'y a pas jusqu'au très réservé rédacteur-en-chef du Figaro Jean de Belot qui ose écrire : " La France, elle, est au total la plus mal placée (...) C'est une révolution que doit mener notre pays. Il ne faut pas tarder. Sans quoi la vraie crise est pour demain. " (cf. " Le défi d'une révolution copernicienne " in Le Figaro du 30 juillet 2003). Cela fait beaucoup de signes.

Les structures économiques et sociales françaises sont inadaptées au monde moderne et nous enfoncent dans la crise et le déclin. Notre système politique verrouillé par les politico-fonctionnaires ne nous offre aucune chance de réforme et encore moins de révolution. Un choc externe violent, un krach économique mondial qui se dessine, nous précipiterait inéluctablement dans la tourmente et nous obligerait à revoir de fond en comble l'ensemble de notre organisation sociétale.

Jean-Christophe Mounicq

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