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1/4/13 Charles Gave
 J’abjure ! Je n’ai cessé de me tromper ! Seul l’Etat
                       peut créer de la richesse !

L’une des choses les plus difficiles, pour un intellectuel, a toujours été de reconnaître ses erreurs. Mais quand il le faut, il le faut, c’est une question de principe. Ma compréhension de l’économie était fausse, je viens de m’en rendre compte et il me faut donc reconnaitre mes torts.

Je soumets donc au lecteur ce papier dans lequel je confesse mes fautes, en espérant contribuer ainsi à l’édification des jeunes générations. Voici la liste des leçons que j’ai apprises, durement, au cours des cinq dernières années.

Leçon # 1: Le gouvernement sait bien mieux que le secteur privé comment allouer ce bien rare entre tous qu’est le capital.

Nous sommes- enfin!- dans un monde où le marché ne décide plus du niveau des taux d’intérêts courts ou longs ou des taux de change. Cette nouvelle situation a commencé en 2000 avec l’arrivée de l’euro (qui nous protège tous, comme on le voit à Chypre) et s’est renforcée avec l’arrivée des taux d’intérêts négatifs aux USA à partir de 2002.

Compte tenu des succès gigantesques enregistrés par cette politique, les gouvernements ont décidé de l’étendre à d’autres prix, en commençant par les salaires (salaire minimum, maximum mis aux bonus etc.), en taxant les rémunérations excessives (tout ce qui est supérieur au salaire minimum, sauf les émoluments des fonctionnaires bien sûr) et en faisant passer des réglementations qui forcent l’épargne à être investie en priorité en obligations d’Etat (Bâle 3, Solvency 2).

De ce fait, les obligations d’Etat, depuis 12 ans, font beaucoup mieux qu’un portefeuille d’actions et cela devrait continuer dans le futur, surtout si les autorités interdisent, comme elles devraient le faire, l’achat d’or qui est un investissement stérile entre tous. Déjà, le contrôle des changes a été rétabli à Chypre et il faut s’attendre à ce que cette mesure soit prise dans notre beau pays le plus vite possible, accompagnée si possible d’un contrôle généralisé des prix. Ces mesures nécessiteront d’embaucher de multiples fonctionnaires, ce qui bien sûr fera baisser le chômage.

Leçon # 2 : Les banques centrales devraient empêcher le prix des actifs de baisser

Le problème du capitalisme, qui comme chacun le sait ne marche pas puisqu’il va de crise en crise, est que le prix des actifs gigote dans tous les sens en fonction de ce que les spécialistes appellent la rentabilité escomptée du capital. Les banques centrales devraient arrêter une fois pour toute cette anarchie afin que les gens sérieux puissent enfin prendre des décisions sans aucune incertitude.

Les banques centrales doivent donc garantir que les prix des actifs ne baisseront jamais et qu’ils ne feront donc que monter. Ce phénomène déclenchera un heureux « effet de richesse », ce qui relancera la consommation et l’emprunt. Comme le risque disparaîtra des marchés, cela permettra de taxer le capital plus que le travail, ce qui contribuera à la disparition des déficits budgétaires chroniques dont la France souffre depuis trop longtemps. La France, comme toujours à l’avant garde des progrès sociaux, s’est déjà vigoureusement engagée dans cette voie, ce dont on ne peut que se féliciter.

Leçon # 3 : Darwin et Schumpeter ont tort, les créationnistes ont raison et les repas gratuits, ça existe.

J’ai longtemps pensé que la croissance économique était créée par le processus de « création destructrice », tel qu’il a été décrit par un charlatan, Schumpeter, mais bien sûr, je me rends compte maintenant de mon erreur. Richesse, emploi et croissance économique sont de fait créés ex nihilo par un Dieu tutélaire et bon qui s’appelle l’Etat et dont le rôle consiste à créer à partir de rien des biens et des services dont personne n’a besoin avec de l’argent qui n’existe pas. Ce processus enclenche bien sûr une hausse perpétuelle du niveau de vie, en particulier de ceux qui travaillent à l’intérieur de l’Etat. Cette réalité a été révélée aux anciens élèves de l’ENA par un prophète, Keynes, ce qui a permis le développement foudroyant d’une nouvelle Eglise et d’un nouveau clergé (sous le nom incompréhensible de Parti socialiste), dont le coût, fort important, est amplement justifié par le soin qu’il porte à nos intérêts.

Leçon # 4 : Vers une nouvelle orthopraxie

L’orthopraxie consiste à suivre les règles édictées par les Eglises et à penser que ce conformisme va nous assurer le bonheur sur terre. Mais comment le nouveau clergé sait-il, lui, que Dieu l’a entendu ? En vérifiant que quelque chose qui s’appelle le PIB monte continuellement. C’est là le point central du keynésianisme. On additionne la valeur ajoutée créée par le secteur privé, au travers de transactions qui sont toutes volontaires, aux coûts encourus par le secteur public, toute embauche de fonctionnaires déclenchant une hausse du PIB, et bien sûr on ne prend pas en compte la détérioration du bilan du pays engendré par ces embauches. Rien de mal ne peut arriver à un pays si le PIB monte, tel est le signe de l’élection Divine.

Leçon # 5 : Les moyens d’assurer cette croissance du PIB.

Le nouveau clergé utilise deux instruments miraculeux pour créer cette croissance ininterrompue. Il imprime de l’argent, et cet argent est utilisé pour acheter ces biens et ces services dont personne ne veut. Ce qui veut dire que le pouvoir politique, (contre son gré bien sûr), a dû prendre le contrôle de la banque centrale, ce qui rend ivres de fureur les partisans de l’ancienne religion centrée autour d’un fondamentalisme désastreux, celui qui adore le veau d’or sous le nom de « marché libre ». Je pense ici à la Bundesbank qui fort heureusement a perdu tout pouvoir, ce que la situation chypriote montre amplement.

Leçon # 6 : Comment financer tout cela?

C’est bien sûr là que le miracle a lieu. Prenons l’exemple des USA. Le nouveau chef de cette religion Héli (copter) 1er, ex Ben Bernanke , demande à l’Etat d’émettre un montant illimité de dette pour « soutenir la demande et le prix des actifs » . Les politiques, enchantés, obtempèrent. Et notre Héli 1er met alors les taux d’intérêts à zéro, ce qui veut dire que le coût du service de la dette tombe aussi à zéro ! La malédiction qui nous accompagne depuis que nous sommes sortis du jardin d’Eden est enfin brisée. Je me demande pourquoi personne n’y avait jamais pensé jusque là ! Héli 1er est vraiment un grand homme, et le fait que toutes les prévisions économiques qu’il a faites depuis des années se soient révélées erronées et que toutes les décisions qu’il a prises ont eu des effets désastreux ne doit en rien entamer l’admiration qu’on doit lui porter. Voilà enfin un banquier central qui fait preuve d’une vraie fibre sociale.

Pour me résumer, voici mes nouvelles convictions.

1. Le gouvernement est mieux à même d’allouer le capital que le secteur privé et doit donc manipuler les taux d’intérêts, les taux de change, les prix, les salaires les impôts etc. en fonction de l’intérêt général qu’il est seul à comprendre et à défendre.

2. Le rôle de la Banque centrale est de financer les déficits budgétaires.

3. La monnaie appartient au gouvernement et à personne d’autre et surtout pas aux déposants dans les banques, comme l’exemple de Chypre le prouve.

4. Le droit de propriété est une foutaise (voir Chypre à nouveau).

5. Les actifs vont continuer à monter jusqu’ à la fin des temps puisque les banques centrales impriment de l’argent (85 milliards de dollars par mois aux USA).

6. Imprimer de l’argent crée de la richesse.

7. Les biens et services achetés avec de l’argent qui n’existe pas vont faire monter le PNB, ce qui est la seule chose qui compte.

8. Les services ou les biens produits par l’Etat ont une valeur morale supérieure à ceux produits par le secteur privé, comme la comparaison entre une infirmière et un trader dans une banque le prouve. Seule la notion « d’utilité sociale », mise en lumière par Staline et Lénine et reprise avec enthousiasme par M. Mélenchon, doit être retenue dans les choix à effectuer. Le président, dans sa dernière allocution télévisée, a fortement rappelé ces principes essentiels qui tous guident son action et j’en suis très heureux.

Le moindre doute n’est plus permis. La croissance va repartir et le chômage baisser.

Envisager le contraire serait se mettre en position d’hérétique, et tout le monde sait ce qui arrive à ces malfaisants quand une pensée unique domine une société. Ils sont brûlés en place publique. Donc je suis un nouveau croyant et demande mon admission dans la nouvelle Eglise, en confessant bien sûr toutes mes fautes passées, tout en murmurant “e pur si muove”.

Charles Gave


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