J’abjure ! Je n’ai cessé de 
	me tromper ! Seul l’Etat  
	                      
	peut créer de la richesse ! 
	 
	L’une des choses les plus difficiles, pour un intellectuel, a toujours été 
	de reconnaître ses erreurs. Mais quand il le faut, il le faut, c’est une 
	question de principe. Ma compréhension de l’économie était fausse, je viens 
	de m’en rendre compte et il me faut donc reconnaitre mes torts.
	Je soumets donc au lecteur ce papier dans lequel je confesse mes fautes, 
	en espérant contribuer ainsi à l’édification des jeunes générations. Voici 
	la liste des leçons que j’ai apprises, durement, au cours des cinq dernières 
	années. 
	 
	Leçon # 1: Le gouvernement sait bien mieux que le secteur privé comment 
	allouer ce bien rare entre tous qu’est le capital. 
	 
	Nous sommes- enfin!- dans un monde où le marché ne décide plus du 
	niveau des taux d’intérêts courts ou longs ou des taux de change. Cette 
	nouvelle situation a commencé en 2000 avec l’arrivée de l’euro (qui nous 
	protège tous, comme on le voit à Chypre) et s’est renforcée avec l’arrivée 
	des taux d’intérêts négatifs aux USA à partir de 2002.  
	Compte tenu des succès gigantesques enregistrés par cette politique, les 
	gouvernements ont décidé de l’étendre à d’autres prix, en commençant par les 
	salaires (salaire minimum, maximum mis aux bonus etc.), en taxant les 
	rémunérations excessives (tout ce qui est supérieur au salaire minimum, sauf 
	les émoluments des fonctionnaires bien sûr) et en faisant passer des 
	réglementations qui forcent l’épargne à être investie en priorité en 
	obligations d’Etat (Bâle 3, Solvency 2).  
	De ce fait, les obligations d’Etat, depuis 12 ans, font beaucoup mieux 
	qu’un portefeuille d’actions et cela devrait continuer dans le futur, 
	surtout si les autorités interdisent, comme elles devraient le faire, 
	l’achat d’or qui est un investissement stérile entre tous. Déjà, le contrôle 
	des changes a été rétabli à Chypre et il faut s’attendre à ce que cette 
	mesure soit prise dans notre beau pays le plus vite possible, accompagnée si 
	possible d’un contrôle généralisé des prix. Ces mesures nécessiteront 
	d’embaucher de multiples fonctionnaires, ce qui bien sûr fera baisser le 
	chômage. 
	 
	Leçon # 2 : Les banques centrales devraient empêcher le prix des actifs 
	de baisser 
	 
	Le problème du capitalisme, qui comme chacun le sait ne marche pas puisqu’il 
	va de crise en crise, est que le prix des actifs gigote dans tous les sens 
	en fonction de ce que les spécialistes appellent la rentabilité escomptée du 
	capital. Les banques centrales devraient arrêter une fois pour toute cette 
	anarchie afin que les gens sérieux puissent enfin prendre des décisions sans 
	aucune incertitude.  
	Les banques centrales doivent donc garantir que les prix des actifs ne 
	baisseront jamais et qu’ils ne feront donc que monter. Ce phénomène 
	déclenchera un heureux « effet de richesse », ce qui relancera la 
	consommation et l’emprunt. Comme le risque disparaîtra des marchés, cela 
	permettra de taxer le capital plus que le travail, ce qui contribuera à la 
	disparition des déficits budgétaires chroniques dont la France souffre 
	depuis trop longtemps. La France, comme toujours à l’avant garde des progrès 
	sociaux, s’est déjà vigoureusement engagée dans cette voie, ce dont on ne 
	peut que se féliciter. 
	 
	Leçon # 3 : Darwin et Schumpeter ont tort, les créationnistes ont raison 
	et les repas gratuits, ça existe. 
	 
	J’ai longtemps pensé que la croissance économique était créée par le 
	processus de « création destructrice », tel qu’il a été décrit par un 
	charlatan, Schumpeter, mais bien sûr, je me rends compte maintenant de mon 
	erreur. Richesse, emploi et croissance économique sont de fait créés ex 
	nihilo par un Dieu tutélaire et bon qui s’appelle l’Etat et dont le rôle 
	consiste à créer à partir de rien des biens et des services dont personne 
	n’a besoin avec de l’argent qui n’existe pas. Ce processus enclenche bien 
	sûr une hausse perpétuelle du niveau de vie, en particulier de ceux qui 
	travaillent à l’intérieur de l’Etat. Cette réalité a été révélée aux anciens 
	élèves de l’ENA par un prophète, Keynes, ce qui a permis le développement 
	foudroyant d’une nouvelle Eglise et d’un nouveau clergé (sous le nom 
	incompréhensible de Parti socialiste), dont le coût, fort important, est 
	amplement justifié par le soin qu’il porte à nos intérêts. 
	 
	Leçon # 4 : Vers une nouvelle orthopraxie 
	 
	L’orthopraxie consiste à suivre les règles édictées par les Eglises et à 
	penser que ce conformisme va nous assurer le bonheur sur terre. Mais comment 
	le nouveau clergé sait-il, lui, que Dieu l’a entendu ? En vérifiant que 
	quelque chose qui s’appelle le PIB monte continuellement. C’est là le point 
	central du keynésianisme. On additionne la valeur ajoutée créée par le 
	secteur privé, au travers de transactions qui sont toutes volontaires, aux 
	coûts encourus par le secteur public, toute embauche de fonctionnaires 
	déclenchant une hausse du PIB, et bien sûr on ne prend pas en compte la 
	détérioration du bilan du pays engendré par ces embauches. Rien de mal ne 
	peut arriver à un pays si le PIB monte, tel est le signe de l’élection 
	Divine. 
	 
	Leçon # 5 : Les moyens d’assurer cette croissance du PIB. 
	 
	Le nouveau clergé utilise deux instruments miraculeux pour créer cette 
	croissance ininterrompue. Il imprime de l’argent, et cet argent est utilisé 
	pour acheter ces biens et ces services dont personne ne veut. Ce qui veut 
	dire que le pouvoir politique, (contre son gré bien sûr), a dû prendre le 
	contrôle de la banque centrale, ce qui rend ivres de fureur les partisans de 
	l’ancienne religion centrée autour d’un fondamentalisme désastreux, celui 
	qui adore le veau d’or sous le nom de « marché libre ». Je pense ici à la 
	Bundesbank qui fort heureusement a perdu tout pouvoir, ce que la situation 
	chypriote montre amplement. 
	 
	Leçon # 6 : Comment financer tout cela? 
	 
	C’est bien sûr là que le miracle a lieu. Prenons l’exemple des USA. Le 
	nouveau chef de cette religion Héli (copter) 1er, ex Ben Bernanke , demande 
	à l’Etat d’émettre un montant illimité de dette pour « soutenir la demande 
	et le prix des actifs » . Les politiques, enchantés, obtempèrent. Et notre 
	Héli 1er met alors les taux d’intérêts à zéro, ce qui veut dire que le coût 
	du service de la dette tombe aussi à zéro ! La malédiction qui nous 
	accompagne depuis que nous sommes sortis du jardin d’Eden est enfin brisée. 
	Je me demande pourquoi personne n’y avait jamais pensé jusque là ! Héli 1er 
	est vraiment un grand homme, et le fait que toutes les prévisions 
	économiques qu’il a faites depuis des années se soient révélées erronées et 
	que toutes les décisions qu’il a prises ont eu des effets désastreux ne doit 
	en rien entamer l’admiration qu’on doit lui porter. Voilà enfin un banquier 
	central qui fait preuve d’une vraie fibre sociale. 
	 
	Pour me résumer, voici mes nouvelles convictions. 
	 
	1. Le gouvernement est mieux à même d’allouer le capital que le secteur 
	privé et doit donc manipuler les taux d’intérêts, les taux de change, les 
	prix, les salaires les impôts etc. en fonction de l’intérêt général qu’il 
	est seul à comprendre et à défendre. 
	 
	2. Le rôle de la Banque centrale est de financer les déficits budgétaires. 
	 
	3. La monnaie appartient au gouvernement et à personne d’autre et surtout 
	pas aux déposants dans les banques, comme l’exemple de Chypre le prouve. 
	 
	4. Le droit de propriété est une foutaise (voir Chypre à nouveau). 
	 
	5. Les actifs vont continuer à monter jusqu’ à la fin des temps puisque les 
	banques centrales impriment de l’argent (85 milliards de dollars par mois 
	aux USA). 
	 
	6. Imprimer de l’argent crée de la richesse. 
	 
	7. Les biens et services achetés avec de l’argent qui n’existe pas vont 
	faire monter le PNB, ce qui est la seule chose qui compte. 
	 
	8. Les services ou les biens produits par l’Etat ont une valeur morale 
	supérieure à ceux produits par le secteur privé, comme la comparaison entre 
	une infirmière et un trader dans une banque le prouve. Seule la notion « 
	d’utilité sociale », mise en lumière par Staline et Lénine et reprise avec 
	enthousiasme par M. Mélenchon, doit être retenue dans les choix à effectuer. 
	Le président, dans sa dernière allocution télévisée, a fortement rappelé ces 
	principes essentiels qui tous guident son action et j’en suis très heureux. 
	 
	Le moindre doute n’est plus permis. La croissance va repartir et le chômage 
	baisser. 
	 
	Envisager le contraire serait se mettre en position d’hérétique, et tout le 
	monde sait ce qui arrive à ces malfaisants quand une pensée unique domine 
	une société. Ils sont brûlés en place publique. Donc je suis un nouveau 
	croyant et demande mon admission dans la nouvelle Eglise, en confessant bien 
	sûr toutes mes fautes passées, tout en murmurant “e pur si muove”. 
	 
	Charles Gave 
	 
	
	
	 
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