Le blocage
du système politique est une bonne
nouvelle pour les Etats-Unis !
Le deuxième mandat d’un président est presque toujours entaché par une série
de scandales et de révélations d’abus de pouvoir : citons Watergate pour
Nixon, l’affaire des « contras » pour Reagan, un « problème » sexuel pour
Clinton, suivi d’un parjure…
Il s’agit là d’un grand classique de la politique américaine.
Ces scandales, en général, rendent difficiles les dernières années au
pouvoir d’un président, tant il se trouve empêtré dans des procédures
juridiques ou judiciaires qui le ligotent.
La tradition semble être respectée et les commentateurs journalistiques ont
aujourd’hui le choix entre trois « scandales » qui sont sortis depuis
quelques semaines et dont on peut penser qu’ils vont empoisonner le climat à
Washington, au moins jusqu’aux prochaine élections au Sénat et à la Chambre
des représentants en novembre 2014, les républicains faisant de leur mieux
pour entretenir le feu sous la cendre.
Le premier scandale touche à l’affaire de Benghazi, en Lybie, où un
ambassadeur américain a été assassiné à
l’automne dernier, avec d’autres citoyens, dans un consulat des Etats-Unis à
Benghazi, par une attaque fort bien montée de terroristes affiliés à
Al-Qaïda.
Comme, à l’époque, les Etats-Unis étaient en pleine campagne présidentielle
et que le président sortant faisait campagne sur le thème « J’ai vaincu le
terrorisme », une tentative assez maladroite de mettre le massacre sur le
compte d’un mouvement spontané de foule trouvant son origine dans un libelle
contre Mahomet paru en Californie quelques jours avant fut rapidement
organisée, pour échouer piteusement.
Parallèlement, on ne comprend pas bien pourquoi des secours ne furent pas
envoyés et qui a donné l’ordre de ne pas les envoyer.
Nous avons donc un mensonge (tentative de cover-up, comme on dit en
anglais), ainsi que l’assassinat sur le territoire des USA (un consulat) de
citoyens du pays, et le maximum ne semble pas avoir été fait pour les tirer
d’affaires.
Derrière tout cela se profile l’ombre de Mme Clinton, qui sera sans doute
candidate aux élections présidentielles de 2016 et qui était en charge du
dossier.
A mon avis, et sauf révélation improbable mettant en cause le président
directement, les républicains vont garder le dossier bien au chaud en
attendant 2016, et je ne pense pas que l’opposition va beaucoup pousser les
feux sur ce dossier.
Le deuxième scandale touche à une affaire d’écoutes téléphoniques illégales
sur des journalistes.
La principale opposition à Obama dans les médias est exercée par des chaînes
de radio et de télévision du style Fox News.
Apparemment, des fuites ont eu lieu de l’administration vers ces médias, et
le ministre de la Justice a autorisé des écoutes au titre de la « sécurité
nationale », l’excuse habituelle dans ce cas de figure (en France, on
invoque le secret défense).
La liberté de la presse et le caractère sacro-saint des sources
d’information des journalistes ne sont pas une plaisanterie aux Etats-Unis.
Une enquête officielle a donc été déclenchée par le ministère de la Justice,
ce qui est un peu un gag puisque c’est ce même ministère qui avait donné
l’autorisation.
Le ministre a donc été obligé de se récuser et, pour être honnête,
l’administration accumule boulette sur boulette dans le traitement de cette
affaire et va de demi-vérité en demi-mensonge, ce qui laisse penser qu’il y
a encore beaucoup de choses à découvrir.
A suivre donc…
Le troisième scandale a à voir avec une utilisation à des fins politiques de
la redoutable administration fiscale (IRS).
L’IRS est seule compétente pour déterminer quelles organisations
politiques peuvent bénéficier de dégrèvements fiscaux ou pas.
Or il semble bien que des instructions aient été données (par qui?) pour que
les dossiers concernant des organisations républicaines soient traités avec
une très sage lenteur, de façon à ce qu’elles ne puissent pas être
opérationnelles pendant la campagne électorale.
L’utilisation de l’administration à des fins politiques, quoique largement
répandue, est cependant strictement prohibée et les républicains, dans leur
rôle d’opposants, s’étranglent de rage.
Le président Obama a immédiatement fait part de sa profonde indignation et
un lampiste a sauté, mais là encore, le traitement de ce dossier par les
démocrates laisse à désirer et on peut s’attendre à de nouvelles
révélations.
Tout cela s’inscrit dans une vieille tradition.
Quand un président est réélu aux USA, la grande question est immédiatement :
quand va-t-il cesser d’avoir le moindre pouvoir, quand va-t-il devenir un
président « lame duck », c’est-à-dire un président qui ne fait plus
grand chose sauf expédier les affaires courantes et jouer au golf.
D’habitude, cela se passe après les élections au Sénat et à la Chambre des
représentants qui marquent le début de la deuxième moitié de son dernier
mandat.
Sauf si les démocrates venaient à garder le Sénat et à retrouver la majorité
à la Chambre des représentants, le président actuel devrait donc devenir un
« lame duck » à partir de l’automne 2016.
Mais rien n’interdit d’essayer d’avancer la date si vous êtes républicain…
ou de tout faire pour que le président sortant n’ait aucune majorité pour
ses deux dernières années, ce que les démocrates ont très bien fait avec
George W. Bush… assurant de ce fait le triomphe démocrate de 2008.
Quels sont donc les calculs (probables) des républicains aujourd’hui ?
En ce qui concerne le Sénat, beaucoup plus de sièges démocrates sont à
risque lors de cette élection que de sièges républicains.
Pour la Chambre des représentants, il paraît très peu probable que les
démocrates puissent en prendre le contrôle en 2016, tant cette assemblée
représente l’Amérique profonde, celle de l’intérieur. La carte électorale
américaine est en effet très simple : les deux côtes et la région des grands
lacs, où vit une majorité de la population, votent démocrate et le reste du
pays vote républicain. Or le vote à la Chambre des représentants est
organisé plus selon des critères géographiques que démographiques.
Donc la Chambre des représentants devrait rester républicaine.
Gagner le Sénat n’est pas impossible pour les républicains, ce qui
garantirait leur mainmise sur la politique américaine, le président ayant
peu de pouvoir dans ce cas de figure.
Pour cela, il faut déconsidérer les démocrates… et là, rien de tel que la
révélation de quelques bons scandales en temps utile.
La révélation de « scandales » dans la première moitié du second mandat d’un
président fait donc partie d’une longue et honorable tradition de la
politique aux USA, le but étant de préparer la prochaine élection
présidentielle en se plaçant le mieux possible deux ans avant, en empêchant
le parti au pouvoir de pousser ses pions, en le forçant à la défensive.
Bref, il est à craindre que Washington ne reste paralysé pendant les trois
ans qui viennent, alors que le moins que l’on puisse dire c’est qu’il serait
peut être raisonnable de s’attaquer à certains problèmes structurels du type
déficit budgétaire et transferts sociaux.
Mais les pères fondateurs des USA ont rédigé une Constitution avec en vue un
but très précis: empêcher que le pouvoir exécutif au centre du système ne
devienne trop fort, et ils y ont parfaitement réussi.
Et c’est à cause de cette Constitution que les USA sont devenus ce qu’ils
sont, le pays dominant, puisque cette paralysie empêche toutes les grosses
erreurs.
Et donc je crois qu’il faut penser que le nouveau blocage du système
politique qui se profile à Washington est une bonne nouvelle de plus pour ce
pays.
Les citoyens aux USA ne connaissent pas leur chance d’avoir un pouvoir bridé
et inefficace.
Il m’arrive de rêver en pensant à ce que la France pourrait être si nous
pouvions bénéficier du même avantage.
Hélas, au lieu de cela, nous avons la Constitution de la Vème, ce monstre
juridique…
Charles Gave
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