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5/9/11 Charles Gave
               Il faut casser les grandes banques !

Les nouvelles réglementations sur les banques (Bâle III) ou Mme Lagarde prévoient qu’il faut renforcer la solidité financière des banques européennes et que donc elles vont devoir procéder à des augmentations de capital massives pour éviter une répétition de la crise de 2008. Ces tentatives de « renforcer » les banques en les obligeant à effectuer des augmentations de capital m’amènent à deux remarques.

La première est qu’il n’est pas du tout prouvé que les banques aient été responsables ou uniquement à l’origine de cette crise, les Etats ayant une énorme part de responsabilité dans ce désastre (voir mon livre « Libéral mais non coupable », chez Francois Bourin éditeur)

La deuxième est encore plus ennuyeuse. Cette remarque indique que Mme Lagarde et les autorités de Bâle ne comprennent pas grand-chose à la façon dont fonctionne un système bancaire, ce qui est un peu …inquiétant. C’est ce point que je veux développer aujourd’hui. Je vais le faire de manière un peu caricaturale, mais je pense que ce que je vais dire est juste, quoique volontairement schématique.

Le métier d’une banque est de prêter l’argent que ses déposants lui ont confié mais aussi de l’argent qu’elle a elle-même emprunté à l’extérieur (à une autre banque par exemple). Ces dépôts et ces emprunts constituent son passif. A l’actif, elle aura les prêts qui ont été consentis, mais comme tous les prêts ne sont pas remboursés, certains emprunteurs faisant faillite, il faut que la banque ait un capital suffisant pour absorber ces pertes sans que les déposants aient à en souffrir. Bien sûr, il faut que les taux d’intérêts soient suffisamment élevés pour que la banque couvre ses frais de financement, plus une prime qui couvre les risques de faillites « normales ». Au cas où nous entrerions dans une période anormale (récessions, dépressions), il faut en plus que la dite banque ait un capital suffisant pour absorber ces pertes anormales

Imaginons que les autorités de contrôle, pour couvrir ce dernier risque, décident que les banques soient dans l’obligation de conserver à tout moment un capital égal à 10 % des prêts consentis. Cela veut donc dire que cette banque peut « porter » à 900 euros son volume de prêts (approximativement) et avoir une taille de bilan de 1000 euros (900 de prêts+100 de capital grosso modo). Comme de nos jours la plus grosse partie de la masse monétaire (M2 par exemple) a comme contrepartie des prêts bancaires, on peut donc avancer sans craindre de se tromper beaucoup qu’il existe une relation forcement assez stable entre la masse monétaire dans un pays et le capital du système bancaire. Si le capital des banques est équivalent à 100 euros, on voit bien que la masse monétaire doit être à peu prés de 1000 euros…

Imaginons encore que les génies qui nous gouvernent décident que les banques doivent avoir soudain un capital non plus équivalent à 10 % de leurs prêts, mais à 20 %. Les banques qui pouvaient porter une masse monétaire de 1000 euros, avec le capital dont elles disposent ne peuvent plus porter une masse monétaire « que » de 500 euros. Elles ont donc le choix soit de faire une augmentation de capital à 200 euros, pour pouvoir porter leurs prêts existants, soit de réduire leurs prêts de moitié (diviser leur bilan par deux). Dans le premier cas, on peut légitimement se demander qui va souscrire à une augmentation de capital dans un secteur dont la rentabilité va s’effondrer (fonds propres deux fois plus importants, même taille de volume de prêts= une rentabilité qui s’effondre), et dans le deuxième, comme l’a très bien montré Milton Friedman dans ses travaux, un effondrement de la masse monétaire entraîne toujours un effondrement de l’activité économique au travers d’une « déflation par la dette ».

Il est donc tout à fait évident que l’effondrement des bourses a comme « cause première » ces nouvelles règles établies à Bâle par des comptables qui ne comprennent rien à l’économie et qui cherchent à fixer des règles pour que le risque bancaire disparaisse à tout jamais, ce qui est proprement idiot puisqu’un monde sans risque est un monde en dépression.

Le plus foudroyant est que les hommes politiques ne cessent de réclamer aux banques qu’elles accordent plus de prêts alors qu’à l’évidence les mesures qu’ils prennent ou font prendre vont arriver exactement au résultat inverse…

Ce qu’il faut faire, c’est casser les grandes banques en une multitude de petites pour que des risques soient pris à nouveau et que la concurrence règne dans le monde bancaire comme partout, interdire aux banques d’acheter des obligations d’Etat avec leurs dépôts, pour que l’Etat emprunte à un coût normal et cesse d’être subventionné de façon éhontée, et bien sûr baisser les ratios entre capital et prêts pour que les banques puissent financer à nouveau le secteur privé.

La probabilité que cela se passe, à mon avis, est exactement égale à zéro, mais je peux toujours rêver…

Charles Gave

PS Petite règle à noter : dans une récession 4 % de clients font faillite, dans une dépression le double. Donc le capital doit être suffisant pour prendre une récession et une dépression à la suite, soit environ 12 %.


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