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21/2/13 | Charles Gave |
Comment prendre des décisions rationnelles dans un monde qui ne l’est guère ? Nous sommes dans une période compliquée. Il faut donc revenir à des idées simples. La première de ces idées simples est que dans ces moments-là, et plus que jamais, il faut être discipliné pour ne pas se laisser dominer par ses émotions. Prendre des décisions rationnelles pendant ces périodes de tensions extrêmes est si difficile qu’il faut avoir bâti des béquilles bien avant, qui aideront à avancer alors que la tendance normale serait d’être paralysé. En fait, la discipline choisie importe peu, ce qui compte c’est de s’y tenir. Chacun peut développer ses propres outils. Le tout est de ne pas en changer au milieu du gué. Avant d’investir dans un marché financier, en ce qui me concerne, je considère trois variables que j’essaie d’analyser séparément. 1- La première variable est ce que j’appelle la « liquidité ». Un système économique pour fonctionner a besoin d’argent, cela tout le monde le sait, mais a aussi besoin de « réserves d’argent ». Si à un moment donné, il y a trop d’argent par rapport aux besoins de l’économie réelle, une partie de cet argent « excédentaire » ira s’investir dans des actifs réels (or, immobilier par exemple) ou financiers (actions, obligations, monnaies étrangères etc..). Nous aurons alors sans doute des marchés « haussiers ». Si l’inverse se produit (pas assez d’argent, trop d’activité ou de hausses des prix) nous aurons alors des marchés « baissiers ». Les marchés financiers sont donc en quelque sorte d’énormes « réservoirs à liquidités », des « barrages de retenue » dont le niveau monte quand il y a trop de liquidités et baissent quand il n’y en a pas assez. Comprendre où l’on en est exactement dans ce cycle perpétuel « gonflement-dégonflement » est la première des tâches de tout gérant. 2- La deuxième variable concerne les valorisations. Si le gérant envisage d’acheter- ou de vendre - un actif, il doit se poser la question suivante : l’actif que j’envisage d’acheter ou de vendre est-il très cher, cher, à son prix, bon marché ou très bon marché ? Cela suppose à nouveau une dose considérable d’efforts, de recherche et bien sûr de jugement. 3- Enfin, la troisième variable va être la croissance économique. Si la croissance économique est en train ou à la veille d’accélérer, il va falloir privilégier les actions et sans doute raccourcir la durée des placements obligataires. Si par contre une récession ou un ralentissement s’annoncent, il faudra devenir de plus en plus défensif sur les actions tout en allongeant la durée des placements obligataires, en se reportant sur des obligations de très grande qualité et/ou sur du cash dans une bonne monnaie. Le moment idéal pour acheter les actions, c’est bien sûr quand la liquidité est abondante (les banques centrales écroulant les taux courts), les valorisations tout à fait attrayantes et l’économie en train de faire son plus bas, comme pendant le premier trimestre 2009. Le moment dangereux c’est bien sûr aussi quand les banques centrales commencent à monter leurs taux, que les actions sont chères ou très chères et que l’activité économique est en plein boom, comme pendant le premier semestre 2000. Reconnaître ces moments critiques quand on est en plein milieu du désespoir ou de l’euphorie est très difficile. En général, la pression médiatique est un bon indicateur puisqu’elle va à chaque fois exactement dans le sens opposé de celui qu’il faudrait suivre. D’ou la nécessitée d’être discipliné. Commençons par la liquidité. Comme je l’ai signalé dans quelques articles précédents, les banques centrales en Europe et aux USA sont en train de se livrer à des facéties monétaires qui rendent la lecture de la « liquidité » plus difficile qu’à l’accoutumée. Les valorisations quant à elles, en Europe et aux USA, sont plutôt raisonnables, un peu en dessous des moyennes historiques. Quant à l’activité enfin dans ces deux zones, c’est un peu la bouteille à l’encre dans la mesure où nous semblons rentrer dans un monde nouveau où faillites ou succès ne sont plus admis. Arriver à une décision y est donc plus difficile que d’habitude puisque l’une des trois composantes (au moins) de mon arbre de décision reste dans un brouillard épais. Par contre en Asie, les choses qui étaient assez compliquées vont peut être devenir plus simples. Depuis toujours la zone asiatique est une zone « dollar ». Si la
Thaïlande commerce avec la Chine ou la Corée, les factures sont en dollars
et les règlements aussi. Si donc les Etats-Unis « produisent » trop de
dollars, une partie de ces dollars se reporte en Asie, qui se retrouve dans
un boom, et si les USA n’en produisent pas assez, l’Asie se retrouve en
récession, comme on le vit fort bien au moment de la faillite de Lehman
Brothers. Du coup, les marchés financiers asiatiques (à l’exception du
Japon), depuis toujours, ne sont ni plus ni moins que des « warrants » sur
la liquidité dollar, ce qui est très agaçant. Charles Gave
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