L’inévitable crise de la dette gauloise ne
saurait tarder !
Depuis mi-octobre, mon positionnement dans les marchés financiers n’a guère
varié : être investi en actions, telle était l’idée principale, favoriser
les actions US ou à défaut les actions exportatrices en Europe ou en France,
telle était la tactique.
La bourse de New-York (S&P 500) est montée depuis cet automne de 25 % et le
marché français d’environ 20 %, le dollar US passant de 1,38 à 1,31 par
euro, ce qui rajoute quelques points à ceux qui ont pris le risque
américain. Les conseils que j’avais donnés en septembre d’être investi à 100
% le 15 octobre, après avoir dit de tout vendre fin juin, ont donc été
pertinents.
J’en suis à la fois surpris et heureux, tant le « timing » n’a jamais été
mon fort…
Hélas, le problème est que nous parlons du passé et que se congratuler des
bonnes décisions prises il y a longtemps déjà est en général une façon assez
rapide de se ruiner…
Je vais donc m’essayer à faire un petit « tour de piste intellectuel » pour
savoir s’il est nécessaire de se repositionner, compte tenu des événements
considérables qui ont eu lieu depuis 6 mois …
Comme toujours, il va nous falloir partir de ce que je sais et non pas de ce
que j’espère (autre façon de se ruiner).
Voici ce que je sais.
La première évidence est que la crise actuelle n’est qu’une crise de
certains Etats qui ont été gérés en dépit du bon sens depuis longtemps (USA,
Grande Bretagne, France, Italie, etc.), et en aucun cas une crise
économique. Nous ne sommes pas dans les années 30. La croissance mondiale
est au-dessus de 4 %. Un certain nombre de pays se sont placés dans une
situation où ils ne sont plus concurrentiels et donc ne connaissent aucune
croissance en dépit de ce qui se passe à l’extérieur de leurs frontières.
Ces problèmes politiques devront donc trouver une solution politique,
toujours la même : il va falloir que ces Etats se réforment, pour rendre ces
pays à nouveau nouveau compétitifs. C’est ce qu’ont déjà fait récemment la
Suède, le Canada ou l’Allemagne, où les gens, à ma connaissance, ne meurent
pas de faim dans la rue. Cela veut dire en termes clairs que le poids de
l’Etat dans l’économie va devoir diminuer, ce qui dans le passé a toujours
amené à des marchés haussiers.
La bonne nouvelle est donc que nous avons une hausse structurelle des
bourses devant nous, en particulier dans les pays mal gérés.
Structurellement, nous allons donc rentrer dans une hausse durable et
profonde.
La question subsidiaire est bien sûr : quand et après quelles épreuves ?
Car, cycliquement, nous avons encore quelques mauvais moments à passer.
- Les problèmes européens sont loin, très loin d’être réglés et l’euro
reste une machine à détruire les économies locales, dont on mesure encore
mal la totale nocivité. Devant ce désastre, les responsables n’offrent rien
d’autre que la solution grecque dont tout le monde a pu constater
l’efficacité. Il faudra que l’euro disparaisse.
- Compte tenu de ces politiques aberrantes, il semble de plus en plus
certain que tout ou partie de la zone euro soit rentrée dans une récession
dont tout le monde me dit qu’elle devrait être «faible » (voir la Grèce, le
Portugal et l’Irlande pour ceux qui voudraient se conforter dans cette
opinion)
- Un certain nombre de pays, dont le nôtre, sont dans une situation
d’endettement absolument catastrophique, et je connais très peu d’exemples
d’une situation d’endettement réglée par une augmentation des impôts,
puisqu’une augmentation des impôts déclenche en général une récession, qui
fait baisser les recettes fiscales…
- En France, nous avons eu une campagne électorale absolument surréaliste où
les politiques s’indignaient bruyamment parce que certains hommes d’affaires
touchaient quelques millions d’euros par an alors même que la dette
française s’alourdit d’un multiple de ce chiffre par jour. On aurait aimé
que les candidats parlent plus du deuxième sujet et moins du premier. Apres
tout, gérer l’Etat est de leur responsabilité alors que fixer les salaires
dans le secteur privé ne l’est pas.
La bonne nouvelle en Europe et en France est que les sociétés qui n’ont rien
à voir avec les Etats (type Essilor, Air Liquide, Schneider, LVMH, Hermès,
SAP, Linde etc.) vont bien, voire très bien, ce qui est normal puisqu’il n’y
a pas de crise économique, sauf pour ceux qui ont comme client l’Etat.
Nous sommes donc dans un monde schizophrène où les sociétés vont bien et les
Etats (certains Etats, pas tous, seulement ceux qui ont été mal gérés) vont
mal.
La stratégie à suivre était et reste donc d’une simplicité biblique : il ne
faut rien acheter de ce que les Etats mal gérés voudraient vous faire
acheter, c’est-à-dire leur propre papier ou celui émis par leurs « clients
», au sens romain du terme. Ils vous donneront des avantages fiscaux,
manipuleront les réglementations, essaieront de vous empêcher d’acheter ce
que vous devriez acheter en instituant des contrôles dans tous les sens.
Surtout ne cédez pas à la tentation. Achetez ce qu’ils ne veulent pas que
vous achetiez.
La règle numéro un dans un portefeuille est toujours de favoriser la qualité
et jamais d’acheter des saloperies au prétexte qu’elles ne sont pas chères
ou que l’on vous donne un avantage fiscal pour le faire.
Comme nous sommes dans une période de transition, ceux qui s’en sentent
capables (pas moi), peuvent se livrer à un peu de « trading » (activité
nuisible socialement et moralement d’après les gens qui n’ont jamais rien
compris ni à l’économie ni aux marchés, mais qui peut être assez rentable
pour ceux qui ont ce talent. Je ne l’ai pas)
Quand la crise politique bat son plein et que les marchés sont massivement
survendus, il n’est pas stupide d’acheter les belles valeurs mentionnées
plus haut et dont j’ai déjà parlé souvent par le passé
Quand la crise politique somnole en raison de l’abondance de liquidités
créées par telle ou telle banque centrale en état d’incontinence prolongée,
prendre quelques profits pour rebâtir des réserves de cash à réinvestir dans
la prochaine crise me paraîtrait raisonnable.
Le fait que je ne sache pas faire ne doit pas décourager ceux qui ont envie
de s’y essayer.
Nous sommes plutôt dans le deuxième cas de figure. Faire un peu de cash en
ce moment, pourquoi pas mon Dieu ?
Le mettre en dollars US, certainement
Et ne pas oublier de n’investir que dans des sociétés qui n’ont pas besoin
des Etats, et en particulier de l’Etat Français.
Ce qui veut sans doute dire maximiser les positions en dehors de France en
attendant l’inévitable crise de la dette gauloise qui ne saurait tarder et
qui sera une bonne nouvelle puisqu’elle marquera le point haut du poids de
l’Etat français dans notre économie.
Un point de tactique pour conclure : imaginons que monsieur Hollande soit
élu.
Nous allons avoir des élections législatives juste après.
Si le marché obligataire français est attaqué entre les deux élections (ce
qui est quasiment certain), monsieur Hollande devra se renier alors même que
la campagne législative battra son plein.
Voila qui fera un effet profond sur son électorat.
Charles Gave
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