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29/5/12 | Charles Gave |
Rumeurs inquiétantes sur Dexia ! Comme le lecteur le sait, je m’attendais à ce que le marché obligataire français « dévisse » après les élections du 6 mai et que nous ayons une baisse du marché des actions accompagnée d’une hausse du dollar et d’une intensification de la crise européenne. Tout se passe comme prévu, si ce n’est que le marché obligataire français, au lieu de baisser a fortement monté, ce qui est d’autant plus bizarre que les CDS (credit default swaps) sur la France ont fortement monté depuis le 6 mai, ce qui ne se passe que quand la défiance augmente sur la France. Dans mon expérience, quand quelque chose d’incongru se produit dans les marchés financiers, cela veut dire en général qu’une banque , une banque centrale ou les deux à la fois sont en train de faire quelque chose de pas très catholique et que les prix en sont affectés de façon anormale. Nous sommes peut être dans une telle situation. J’hésite à écrire ces lignes tant pour l’instant il ne s’agit que de rumeurs et il faut que le lecteur prenne ce qui suit avec une solide dose de scepticisme, mais enfin, il n’y a pas de fumée sans feu. Le monde financier à Paris bruisse de rumeurs selon lesquelles Dexia connaîtrait de grandes difficultés. Dexia, c’est cette grande banque spécialisée dans les prêts aux communautés locales, créée par Pierre Richard, ancien haut fonctionnaire français très marqué à gauche, et qui est conjointement détenue par la Belgique, la France et le Luxembourg (3 % pour le petit pays) Selon les rumeurs que j’ai mentionnées plus haut, cette banque aurait massivement assuré à ses clients qu’en cas de baisse des taux longs français, ils prendraient la perte que cela pourrait entraîner à ces clients à leur compte. En termes clairs pour le lecteur non spécialiste, cela veut dire que Dexia s’est mise massivement à découvert sur les obligations de l’Etat français et il semble qu’elle n’ait pas couvert ce risque. Comme les obligations françaises ont monté plutôt que baissé, Dexia serait en train d’encourir une perte gigantesque et aurait déjà consommé les 55 milliards de recapitalisation accordés en automne dernier. Perdre 55 milliards en 6 mois n’est pas à la portée du premier banquier venu, fût-il sorti de nos grandes écoles. Je n’ai aucune idée de ce que Dexia a vendu ou acheté pour perdre autant d’argent, mais la perte est là… Pour mettre les choses en perspective, la première page des journaux il y a quelques semaines était remplie d’articles sur les pertes encourues dans ses opérations de trading par JP Morgan et qui se montaient à 2 milliards de dollars. Les pertes de Dexia seraient de 35 fois supérieures à ce montant et devront être couvertes in fine par les Etats actionnaires. La Banque de France, la Banque centrale de Belgique seraient en train de dénouer les positions et seraient donc forcées de racheter les positions à découvert de Dexia, ce qui expliquerait la hausse du marché obligataire français. Encore une fois, il ne s’agit que de rumeurs et tout cela n’est peut être que de la finance fiction. Je dis toujours que les crises financières ont des similarités avec la pêche à la dynamite. Quand une explosion se produit à grande profondeur, les petits poissons remontent les premiers le ventre à l’air, les baleines beaucoup, beaucoup plus tard… Si ces rumeurs sont vraies, alors je peux assurer le lecteur que c’est là l’une des plus belles baleines que j’aurai vues en quarante ans de carrière et que nous n’avons pas fini d’entendre parler de Dexia… Charles Gave Avant de publier ma petite note technique sur Dexia j’ai beaucoup hésité. Le lecteur averti aura remarqué que le style de cette note était fort diffèrent de mes productions habituelles, sur la forme. Renseignements pris aux meilleures sources, il semble qu’il y ait eu confusion chez mon informateur (les pages saumon du Figaro) entre garanties de financement et garanties de passif ainsi que sur la politique actuelle de prises de risque de Dexia. Les Etats français ou belge
garantissent les financements de Dexia à hauteur de 55 milliards mais ne
garantissent en rien les pertes. Et entre le lecteur et moi, je préfère de loin avoir eu tort dans mon analyse à cause de sources erronées plutôt que d’assister passif à cette situation qui eût vraiment été catastrophique. " Errare humanum est, perseverare diabolicum", comme le disait un des mes vieux maîtres. CG
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