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13/2/15 | Charles Gave |
La situation en Grèce m’inquiète ! Je ne peux pas m’empêcher d’avoir une certaine tendresse pour Syriza, le nouveau parti au pouvoir en Grèce, et pour une raison toute simple. Le nouveau premier ministre dit tout simplement la vérité. Ce qu’il dit est simple : vous pouvez faire tourner n’importe quel modèle (Excel ou n’importe quel autre) en introduisant les hypothèses raisonnables que vous souhaitez sur des choses telles que les taux d’intérêts, le taux de croissance du pays, la pression fiscale, et en aucun cas le pays ne sera capable de rembourser sa dette ou même de la servir. Tsipras, qui est en charge maintenant, fait donc l’analyse qu’il faut partir de la réalité et ramener la dette grecque à un niveau où cette dette pourrait être servie et remboursée tandis que l’économie pourrait à nouveau croître. En cela, il rejoint la parabole de l’intendant malhonnête des Evangiles, qui va voir chacun des débiteurs de son maître pour leur demander combien chacun pouvait rembourser, et une fois que cette somme a été payée, toutes les dettes anciennes furent annulées. Ce que dit le Christ est tout simple : il vaut mieux avoir 50 % de quelque chose que 100 % de rien du tout, et il vaut mieux procéder ainsi que de transformer ses débiteurs en esclaves. Après tout, la productivité des esclaves est notoirement faible… et ils aiment rarement ceux qui les ont mis en esclavage. C’est ce que les USA ont fait avec l’Allemagne en 1953, remettant 50 % de la dette allemande. Ce que dit Tsipras est donc assez simple. La dette grecque a été accumulée de façon frauduleuse par des bandits de grand chemin, avec la complicité de toutes les autorités européennes. Par exemple, jamais la Grèce n’aurait dû rentrer dans l’euro et tout le monde savait que les chiffres étaient manipulés avec l’aide de la plus grande banque d’affaires américaine. Remarquons que cette même banque a rendu le même service au gouvernement italien à la même époque, ce qui n’était pas un service à rendre à l’Italie. Une fois la Grèce dans l’euro, avec leur flair habituel, les grandes banques françaises ou allemandes se précipitèrent pour développer là-bas leurs activités de prêts. Lorsque la catastrophe se produisit en 2011, les pertes potentielles de ces banques étaient tellement gigantesques que leur survie était en jeu. Une opération de sauvetage fut montée à la hâte, non pas pour sauver la Grèce, mais bien pour sauver les banques. La perte potentielle de ces banques fut transférée aux autres Etats européens ou à la BCE, ce qui libéra ces chères, très chères banques du boulet qu’elles s’étaient elles mêmes attaché à la cheville. Et un plan type FMI fut mis en place pour contrôler l’économie grecque. Or ces plans ont toujours les mêmes caractéristiques: -Hausse des impôts; -Baisse des dépenses publiques ; -Privatisations. Il manquait un léger élément à ce plan fort habituel, présenté par notre DSK national : une dévaluation. Dans tous les autres plans précédents, imposés à l’Indonésie, à la Corée ou à l’Argentine, comme le but était de faire baisser la demande intérieure jugée excessive, la contrepartie normale était toujours de stimuler les exportations en dévaluant massivement la monnaie locale. Mais voilà, quand vous faites partie de l’euro, toute dévaluation devient impossible. Contraction interne et contraction externe s’additionnèrent. Et l’inévitable se produisit : l’économie grecque entra en dépression et le PIB grec se contracta massivement. Et la dette en pourcentage du PIB explosa. La Grèce est dans une trappe à dette d’anthologie, où dans tous les cas de figure la dette augmente plus vite que la richesse créée. Monnaie surévaluée, demande interne en effondrement constant, la situation rappelait fâcheusement celle de la France en1934 (déflation Laval), qui se termina comme chacun le sait par l’arrivée du Front populaire et une solide dévaluation. Et c’est ce que dit Tsipras. Ce qui nous amène à la situation actuelle. Puisque la dévaluation est impossible, puisque la baisse de la demande interne a atteint ses limites humaines, le plus simple serait de se mettre autour d’une table et de procéder à un coup de rabot considérable sur la dette grecque. Oui mais voilà : si on le fait, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande vont demander la même chose, et là, à nouveau, les banques allemandes et françaises seraient en grande difficulté, et nombre d’institutions publiques, dont la BCE, devraient prendre des pertes gigantesques. La situation est donc bloquée. D’un côté, la Grèce, le débiteur qui ne peut pas payer. De l’autre, l’Allemagne, le créditeur qui ne peut pas remettre sa dette à un petit débiteur parce qu’il serait obligé de la remettre à tout le monde, ce qui mettrait en danger tout son système financier. Il n’y a que deux possibilité de sortie de ce système binaire. Ou le gouvernement grec se couche Ou la Grèce quitte l’euro. Les nouveaux politiciens grecs ont fait le tour de toutes les capitales en expliquant la situation. La BCE vient de leur répondre en suspendant partiellement les lignes de crédit aux banques grecques, signifiant qu’il n’y avait rien à négocier. Il reste au nouveau gouvernement grec à se coucher. Je ne sais pas pourquoi, je n’y crois pas trop. Charles Gave
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