La France est une ineptocratie !
(expression savante signifiant « pays de cons »)
Il y a quelques mois, j’ai écrit un article dans lequel je
rappelais les trois justifications intellectuelles qui pouvaient être
apportées au prélèvement de l’impôt.
L’impôt peut être levé pour payer des dépenses nécessaires :
1. Pour le défraiement des services régaliens que l’Etat offre et qu’il peut
seul offrir (Défense, Justice, Police, Diplomatie…), ce qui
correspond peu ou prou aux recommandations des Lumières à la fin du XVIII
ème siècle. Pas de discussion possible, si ce n’est sur la façon la plus
efficace de prélever ces impôts, c’est-à-dire sur celle qui gênera le moins
possible le processus productif.
2. Pour investir dans des domaines où le secteur privé ne peut ou ne veut
pas aller. Ici l’on peut penser à des choses comme la construction
d’infrastructures diverses et variées, pas immédiatement rentables au niveau
de l’infrastructure elle même mais très rentables au niveau de la communauté
en raison des externalités qu’elles comportent. On peut penser aussi à des
usines d’armement qui serviront à la Défense nationale ou à l’Ecole
polytechnique. Voilà qui est déjà beaucoup plus discutable comme concept,
mais enfin on peut en discuter entre gens de bonne compagnie.
3. Pour faire régner la « justice fiscale » et « l’égalité » (voir le grand
discours à ce sujet de notre nouveau président), et là, on ne peut
s’empêcher d’être inquiet, très inquiet. Hayek avait coutume de dire que
plus de gens avaient été ruinés ou massacrés par des hommes politiques qui
cherchaient cette « justice sociale » que par n’importe quoi d’autre dans
l’histoire ( Savonarole à Florence, Robespierre, l’URSS, la Chine de Mao, le
Vietnam, le Cambodge, l’Ethiopie etc.), tant ce concept est fumeux,
antiéconomique et s’appuie exclusivement sur le pire des sept péchés
capitaux, l’envie. Tous les sociologues savent en effet qu’une
société où l’envie se donne libre cours ne peut qu’exploser, et en cela ils
rejoignent l’un des dix commandements : « Tu n’envieras ni la femme ni la
maison de ton voisin ».
Comme on faisait remarquer au président Obama qu’une augmentation
d’impôts qu’il préconisait allait amener à des recettes fiscales en baisse,
il avait répondu : « Je le sais, mais c’est une
question de justice sociale. Plutôt le chômage que l’injustice sociale telle
que je la définis ». Telle est la pensée dominante des gens qui
croient à cette calembredaine. On passe là, comme chacun peut le voir, d’une
conception de l’impôt qui sert à payer les fonctionnaires ou des
investissements à une conception qui cherche à punir les ennemis politiques,
ou le fait que l’on soit né laid et bête, ou les deux à la fois, et l’on
quitte donc la démocratie pour rentrer dans la démagogie.
La France, qui hésitait depuis bien longtemps entre la deuxième et la
troisième conception, vient de faire un pas décisif vers la troisième, et
cela va être lourd de conséquences fort douloureuses tant pour notre
démocratie que pour notre économie.
L’un des signaux forts qui vient de nous être donné de ce passage est le
débat sur l’impôt sur les plus values.
Je m’explique.
Les « plus values » étant moins imposées que le « revenu », cette différence
est apparue comme une insulte à la réalisation de l‘égalité ex post,
principe philosophique essentiel qui unit Pol Pot, Castro, notre cher
président et bien d’autres bienfaiteurs de l’humanité.
Il faut dans leur esprit que tout soit taxé de la même façon… A revenu
égal, impôt similaire. Et pourtant cette égale taxation est une insulte à
l’économie, à l’intelligence et en fin de parcours à …la justice elle-même.
Prenons trois contribuables qui tous les trois gagnent 200 000 euros par
an.
• Le premier, M. Jospin par exemple (ou M. Juppé), ont fait don de leur
personne à la France et ont exercé avec honneur les responsabilités les plus
importantes : Premier ministre, ministre , inspecteur des finances, maire de
telle ou telle grande ville, député, président de parti politique …Comme
récompense, la République leur octroie à tous les deux une série de pensions
de retraite dont j’imagine assez facilement que la somme cumulée, ajoutée
aux avantages en nature (voiture de fonction, appartement de fonction etc.),
doit bien se monter à 200.000 euros par an . Mentionnons de plus qu’en tant
que président de nombreuses commissions « Théodule », du style de la
commission sur l’éthique créée par M.Hollande , ils peuvent faire nommer des
membres de leur famille à tel ou tel poste rémunéré par la République,
c’est-à-dire par nos impôts, ou bien faire attribuer un appartement à des
conditions tout à fait intéressantes à l’un de leurs proches . Ces braves
gens n’ont besoin de faire aucune épargne, puisque tous ces
traitements sont garantis par l’Etat et indexés sur l’inflation. Leurs
200.000 euros correspondent donc à une rente à vie, dont leur
conjoint continuera à toucher une partie si par hasard ils viennent à mourir
avant leur compagne, qui étant souvent la deuxième, tend à être beaucoup
plus jeune qu’eux.
• Le deuxième, un cadre d’un niveau élevé, est arrivé à ce haut niveau de
rémunération à la force du poignet. Ce salaire lui est garanti tant qu’il
n’est pas viré, remplacé par un jeune Turc plus compétent et moins cher ou
que sa société ne fait pas faillite, auquel cas il aura droit aux indemnités
de chômage pendant assez peu de temps, ne pouvant retourner dans son « corps
d’origine » comme nos chers fonctionnaires lorsqu’ils sont battus aux
élections. D’où la nécessité de se constituer une épargne (un capital) pour
pouvoir faire face à des situations dans le futur dont chacun d’entre eux
sait pertinemment qu’elles peuvent être très dangereuses et survenir à tout
moment. Ce cadre, après avoir payé des impôts sur le revenu, devra payer des
impôts sur le capital, sur les revenus du capital et sur les plus values
éventuelles qu’il aura réalisées sur ses investissements, ce qui rend la
constitution de ce capital quasiment impossible.
• Le troisième est un entrepreneur qui a créé et dirige une entreprise.
Après avoir payé tous les salaires, couvert toutes les charges, réglé tous
les impôts (toutes dépenses certaines), à partir d’un chiffre
d’affaire qui, lui, est totalement incertain (les clients ne vont
chez lui que parce qu’ils le veulent bien, et il ne peut pas envoyer les
gendarmes pour les forcer à acheter ce qu’il cherche à vendre), il lui reste
à la fin de l’année, au titre des profits, 200 000 euros, qui pourront être
400 000 l’année suivante ou zéro , voire devenir une perte l’année d’après.
Il lui faut donc mettre en réserve la plus grosse partie de ces 200 000
euros pour pouvoir faire face à une ou plusieurs années déficitaires, au cas
ou cette éventualité se réaliserait.
Si M. Hollande, dans sa recherche de l’égalité, décide de taxer ces trois
hommes de la même façon, je soutiens que c’est à la fois injuste, idiot et
que cela va conduire notre économie à un désastre sans précédent.
• Injuste, parce que MM. Jospin et Juppé sont certains de toucher
leurs 200.000 euros jusqu’à la fin des temps, ce qui est loin d’être le cas
des deux autres.
• Dangereux, parce que si le cadre sait qu’il peut être viré à tout
moment et qu’il ne peut pas se constituer une épargne de précaution pour
faire face à cette éventualité, il va vouloir aller se faire taxer ailleurs,
sous des cieux plus cléments (à Londres ou à Hong-Kong), et cette épargne ne
sera plus recyclée en France. Comme sur le long terme, l’épargne est égale à
l’investissement (i=s), cette baisse du taux d’épargne va déclencher une
baisse du taux d’investissement et donc une baisse structurelle du taux de
croissance ainsi qu’une hausse tout aussi structurelle du chômage.
• Désastreux, parce que si notre entrepreneur ne peut mettre en réserve
que 100.000 euros (taux d’imposition à 50%) à la place des 200.000 qu’il
avait gagnés, lors de la prochaine récession son entreprise ne pourra peut
être pas faire face à la baisse du chiffre d’affaires et il devra déposer le
bilan, mettant à la porte non seulement notre cadre mentionné plus haut mais
aussi tous les autres employés.
Considérer donc que ces trois revenus doivent être imposés de façon
équivalente est à la fois, injuste, inefficace, dangereux et stupide.
Dans un pays normal, c’est-à-dire dans un pays non gouverné par des
fonctionnaires qui gèrent bien sûr à l’avantage exclusif des…
fonctionnaires, MM. Jospin et Juppé seraient taxés à 50 % au moins, notre
cadre à 25 % au plus, et notre entrepreneur pas du tout, surtout si et quand
il revend son entreprise dans laquelle il a investi tout son capital et tous
ses efforts depuis toujours.
Un système fiscal qui ne prend pas en compte pour la détermination du revenu
le risque pris par les agents économiques est à la fois monstrueux
économiquement et profondément immoral.
Un tel système ne peut qu’amener le pays qui le pratique à la ruine et à des
troubles sociaux gigantesques.
Voila ou nous emmène certainement la politique de M. Hollande.
Voila qui m’attriste énormément.
En fait la France est en train de devenir une ineptocracie, telle que
définie par une scientifique anglaise : « L’ineptocracie est un système
de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins
capables de produire, et où les autres membres de la société, les moins
aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et
des services qui ont été payés par la confiscation de la richesse et du
travail d’un nombre de producteurs en diminution continuelle. »
On en rit de peur d’en pleurer !
Charles Gave
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