L’inévitable révolte des peuples européens !
Au XIXe siècle, les cycles économiques se passaient toujours en quatre
étapes.
• D’abord venait la période d’expansion, engendrée par un phénomène tout
simple : la rentabilité du capital investi était supérieure au coût du
capital et donc tout le monde investissait. L’expansion était très forte,
tirée par un fort accroissement du crédit bancaire. Ces périodes d’expansion
duraient en général cinq à sept ans, comme dans la Bible (les vaches
grasses)
• Tous ces investissements déclenchaient, avec le passage du temps, une
baisse de la rentabilité marginale du capital, ce qui est inévitable. Un
jour les marchés se rendaient compte que la rentabilité était en train de
passer en dessous du coût du capital. A ce moment-là, se déclenchait
la phase dite de « panique » ou le prix des actifs s’écroulait à toute
allure. Pour faire simple, les prix des actions et de l’immobilier tombaient
en chute libre. Comme beaucoup de gens avaient emprunté pour acheter des
actions, des machines ou de l’immobilier, des appels sur marge avaient lieu,
ce qui entretenait la baisse qui s’accélérait. Bien des banques faisaient
faillite, ce qui réduisait la masse monétaire et déclenchait des phénomènes
déflationnistes qui rendaient l’ajustement encore plus difficile … En
général, ces baisses duraient 9 à 12 mois et l’on perdait facilement la
moitié de son argent…
• Quand tous les gens en position spéculative avaient été soigneusement
essorés, comme plus personne ne voulait emprunter, les taux d’intérêt courts
s’écroulaient et une forte hausse se produisait dans les marchés financiers,
sur l’idée que le pire était passé. Cette hausse durait en général entre
neuf et dix huit mois et était suivie par le vrai désastre que les
spécialistes de l’époque appelaient « la dépression secondaire », qui
elle pouvait durer entre trois et cinq ans. A l’origine de cette dépression
secondaire, une réalité toute simple. Le coût du capital était certes très
bas, mais la rentabilité du capital était souvent devenue négative compte
tenu des surcapacités créées pendant la période d’expansion, chacun
produisant à perte en espérant tenir plus longtemps que les concurrents, ce
qui prenait pas mal de temps comme chacun peut s’en douter.
Ce cycle, « 1 euphorie, 2 panique, 3 soulagement, 4 dépression » a
marqué l’histoire économique durant tous le début du capitalisme, le cycle
dans son ensemble prenant entre 10 et 12 ans pour se dérouler.
Cette mécanique infernale, résultat tout à fait logique de l’étalon or, fut
cassée après la deuxième guerre mondiale par l’arrivée du « dollar
exchange standard » (Bretton Woods), puis ensuite par l’acceptation par
tout un chacun des taux de changes flottants.
En cas de crise, les USA qui disposaient et disposent toujours de la
monnaie de réserve, étaient toujours d’accord pour imprimer de l’argent et
vivre au dessus de leurs moyens, et qui plus est, ceux qui avaient exagéré
pouvaient toujours dévaluer (en cas de change fixe avec le dollar, France
août 1971) ou laisser leurs monnaies se casser la figure (Asie 1998) pour
rétablir leurs équilibres. Le prix à payer (Il n’y a pas de repas gratuit,
disait Milton Friedman) fut un accroissement du rôle de l’Etat et une dérive
inflationniste, variable mais toujours présente de 1946 à nos jours.
Ce que je veux décrire aujourd’hui, ce ne sont pas les vicissitudes du
système des paiements internationaux depuis 50 ans, mais comment les génies
qui ont présidé à la création de l’euro nous ont reconstruit un système
similaire à celui de l’étalon or et comment cette ânerie gigantesque, dont
les peuples d’Europe payent tous les jours le prix, nous a ramené les «
dépressions secondaires » qui avaient disparu de l’histoire économique
depuis un peu moins d’un siècle.
L’euro, de fait n’est rien d’autre qu’un « DM exchange standard », le rôle
de l’Allemagne étant pour la zone euro celui qu’avait le dollar dans le
vieux système de Bretton Woods.
Une légère différence saute cependant aux yeux : les USA acceptaient et
acceptent toujours d’avoir des déficits de leurs comptes courants et donc
fournissent de la liquidité au monde. Vivre au dessus de leurs moyens n’a
jamais vraiment jamais gêné nos cousins d’Outre Atlantique
L’Allemagne, en revanche, est un pays profondément mercantiliste dont
l’économie est gérée pour engendrer sans fin des excédents extérieurs. Si
les autres pays ont un déficit, eh bien c’est de leur faute, ils n’ont qu’à
faire comme les Allemands, avoir un excédent extérieur. Chacun se rend bien
compte que tout le monde ne peut pas avoir des excédents en même temps, mais
voilà qui ne vient pas à l’esprit de Mme Merkel. Une autre solution serait
que l’Allemagne continue à prêter de l’argent aux autres peuples pour qu’ils
continuent à acheter des produits teutons, chacun se spécialisant dans ce
qu’il fait le mieux, les citoyens du sud consommant au soleil tandis que les
Allemands travaillent dans les brumes.
Pour des raisons de pur égoïsme, les Allemands ne veulent pas en entendre
parler.Ne reste donc pour les autres pays qu’à contracter leur demande
interne et à se payer récession sur récession, ce qui nous ramène à notre
sujet de la dépression secondaire qui commence à frapper l’Europe
Prenons l’Espagne par exemple et analysons ce qui s’y est passé dans le
domaine économique depuis un peu plus de 10 ans
1. Les taux très bas (conséquence de l’euro) créent un boom immobilier qui
dure de 2002 à 2008 (nos 7 ans de vaches grasses).
2. La phase de panique se déclenche en 2008 après la faillite de Lehmann
Brothers et dure à peu prés 9 mois. Le marché des actions baisse de plus de
50 % sur ses plus hauts.
3. Les banques centrales écroulent les taux courts. Avec l’effondrement des
taux courts, nous avons un solide rebond sur le marché des actions qui
remonte de 66% (ce qui le laisse quand même beaucoup plus bas qu’en
2007…merveille de l’arithmétique !)
4. Mais horreur, les prix de l’immobilier continuent de baisser tant la
construction passée a été excessive. Le pays rentre à l’évidence dans une
«dépression secondaire», déjà fort visible en Grèce, ou au Portugal
Dans le passé, la peseta aurait dévaluée et les Allemands se seraient
précipités pour acheter la partie des Baléares qu’ils ne possèdent pas
encore, mais cette voie de sortie est bloquée par l’euro. Comme le coût du
travail est trop élevé, les exportations ne se développent guère et les
investissements venant de l’extérieur se tarissent. Le déficit budgétaire
explose.
Comme la faillite guette, plus personne ne veut prêter à nos voisins d’outre
Pyrénées (et surtout pas l’Allemagne), et donc, compte tenu de la taille des
déficits à financer, qui de plus s’aggravent, les taux espagnols montent, en
pleine dépression, plongeant le pays dans une trappe à dettes qui ne peut
avoir d’autre sortie que la faillite.
L’Espagne en pleine dépression secondaire a donc perdu tous les moyens de
s’ajuster. L’Espagne qui en est déjà à 25 % de chômeurs et 51 % de sans
travail chez les moins de 25 ans va donc continuer à s’enfoncer, comme la
Grèce, comme l’Italie et comme bientôt la France.
Voila qui est inévitable et qui n’est que la conséquence logique de
l’euro. Un mot d’espoir pour finir : les dépressions secondaires sont
souvent marquées par des révolutions ou des émeutes qui sont rarement
favorables à la paix civile ou au remboursement de la dette mais qui
permettent de virer les incompétents qui sont à l’origine de la situation et
donc de redresser la situation. A quel moment va-t-il y avoir - enfin - une
révolte contre la tyrannie eurocratique, bien malin qui pourrait le dire.
Par contre, il est tout à fait certain que la révolte des peuples européens
contre cette soi disant élite que personne n’a jamais élue et qui nous impose
un projet dont personne ne veut plus, n’est plus très loin.
Les élections française et grecque en sont un signe annonciateur …
Reste donc à attendre l’arme au pied (c’est-à-dire avec son argent en dehors
d’Europe), que les peuples du vieux continent reprennent le contrôle de
leurs destinées, pour le meilleur ou pour le pire, et que ce faisant ils
enlèvent le pouvoir aux technocrates incompétents pour le redonner aux
citoyens
Voila qui ne saurait tarder. Le plus tôt sera le mieux.
Charles Gave
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