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6/7/16  Charles Gave
     
        Crise européenne : prochain arrêt, l’Italie !

Les Britanniques ont fait savoir que la construction européenne telle qu’elle se développait à Bruxelles ne leur convenait pas, et j’imagine mal comment les Oints du Seigneur (ODS) pourraient renverser ce vote.

Il est donc urgent de penser à l’étape suivante, tant il devient de plus en plus évident que les peuples européens sont en révolte. Déjà, les Autrichiens vont devoir voter à nouveau pour le deuxième tour de leur élection présidentielle car il semble que nos chers ODS aient eu la main légère en comptant les voix du candidat qu’ils n’aimaient pas. Et donc la question se pose : où donc va avoir lieu le prochain tremblement de terre ?

A mon avis, mais je peux me tromper, le séisme suivant va se passer en Italie et voici pourquoi.

Commençons par regarder l’évolution de la production industrielle italienne depuis 1975 en parallèle avec le taux de change Lire/DM, la lire étant la monnaie italienne et le DM la monnaie allemande.

De 1978 à 2000, la lire italienne dévalue vis-à-vis du DM de façon constante, passant de 400 lires par DM à 1000 lires par DM entre 1978 et 2000.

Pendant cette première période, la production industrielle italienne passe de 65 à 100, soit une hausse de plus de 50 %, dont il faut souligner qu’elle est supérieure à la hausse qu’a connue l’Allemagne pendant ces années… Eh oui, pendant 25 ans les entrepreneurs italiens ont taillé des croupières à leurs concurrents allemands ( la production allemande est passée de 100 en 2000 à 115 en 2016).

En 2000 arrive l’euro qui bloque le taux de change entre les monnaies des deux pays et qui donc expose les entreprises italiennes à la concurrence germanique sans que celles-ci puissent compenser les faiblesses de la gouvernance italienne.

Depuis cette date, la production industrielle italienne a baissé en termes absolus de plus d’un cinquième et est de retour là où elle était en …1987.

De fait, l’Italie est en dépression depuis au moins 2007, si ce n’est 2000, et du coup la situation économique y apparaît comme absolument catastrophique. Le chômage est à 11,1 % tandis que le chômage des moins de 25 ans s’établit à prés de 40 %. La dette en pourcentage du PIB est à plus de 130 %, ce qui serait proprement insupportable si les taux d’intérêts italiens étaient à un prix de marché.

Les banques italiennes, qui avaient fort normalement prêté à des entreprises dont elles ne s’attendaient pas à ce qu’un taux de change inadapté amène leurs clients à la faillite, sont littéralement à la veille de sauter puisqu’elles ont dans leurs bilans des prêts non performants équivalant à plus de 20 %, non pas de leurs fonds propres, ce qui serait déjà très préoccupant, mais du PIB. Il se murmure que ces prêts seraient supérieurs à 330 milliards d’euros, ce qui est incroyable. Mais où était donc la banque centrale italienne il y a 10 ans ? Chacun se souviendra cependant qu’elle était présidée par un certain monsieur Draghi. Tout s’explique.

Le cours des banques italiennes s’effondrent les uns après les autres, la dernière en date étant Uni Crédit, l’une de plus importantes. Or toute baisse sévère de cours des banques dans un pays, dans mon vécu personnel en tout cas, a toujours été suivie d’une récession trois à six mois après. L’Italie ne peut pas se permettre une nouvelle récession.

L’indice boursier italien, dont le rôle est de mesurer la rentabilité du capital investi en Italie, a baissé de 66 % depuis l’arrivée de l’euro et se retrouve à ses plus bas de 2003 et de 2009. S’il casse ces plus bas, le pire est à craindre.

La situation est donc tout simplement catastrophique et le peuple italien doit être ivre de rage contre ses ODS. En comparaison, les ODS britanniques ont fait un superbe travail…

Or, monsieur Renzi, le Premier ministre en exercice, qui plaît beaucoup à tous les ODS des autres pays, a décidé de proposer un référendum en Italie en octobre de cette année portant sur des questions constitutionnelles, et il a précisé que si le vote était négatif, il se retirerait. Voilà qui ouvrirait une crise politique en Italie amenant à de nouvelles élections législatives qui, si elles avaient lieu, conduiraient certainement à un débat sur la sortie ou non de l’Italie de l’euro.

Je ne doute pas du mérite des réformes que propose monsieur Renzi, mais le référendum est une chose dangereuse et il est à craindre que les Italiens n’expriment leurs votes que pour manifester leur mécontentement et pas du tout pour répondre a la question posée.
Et dans ce cas, ce référendum risque de tourner à un référendum sur l’Europe et sur l’euro. Et tant le mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo que la Ligue du Nord sont opposés à l’euro. Quant à ce qui reste des troupes de Berlusconi, qui avait été viré comme un malpropre par Mme Merkel et M. Sarkozy, on les voit assez mal soutenir ceux qui ont défait leur chef.

Une défaite de monsieur Renzi est donc tout à fait possible, et si elle se produisait, la boite de Pandore de la construction européenne serait vraiment ouverte.

Certes, il n’y a peut être pas une majorité d’Italiens pour quitter l’Europe, mais je pense qu’il existe sans doute une majorité pour quitter l’euro…

L’ennui est que les demeurés qui ont créé l’euro ont stipulé que si quelqu’un quittait l’euro, il quittait ipso facto l’Union européenne.

Donc les électeurs italiens vont se retrouver devant un choix fort difficile, mais je pense que le simple fait que les Britanniques aient décidé de quitter l’Union européenne va les aider à se sentir un peu moins seuls.

Et derrière les Italiens vont se précipiter les Grecs et sans doute les Portugais, voire les Espagnols toujours sans gouvernement, tandis que les électeurs hollandais vont certainement réclamer à leur tour d’être consultés.

Tout cela est fort inquiétant, me dira le lecteur, et c’est vrai.

Mais encore une fois, il vaut mieux la fin de l’horreur qu’une horreur sans fin et ceux qui n’ont plus rien à perdre ont souvent tendance à aller vers des positions extrêmes.
Comment surveiller la situation au jour le jour va me demander le lecteur ?

La réponse est simple.

Si vous le pouvez, chaque jour ou chaque semaine, ou de temps en temps, vérifiez l’écart des taux entre les obligations allemandes et italiennes à 10 ans. Si cet écart se creuse, aux abris…Or il se creuse…Il était à 1 % il y a quelques mois, ce qui revient à dire que le 10 ans italiens rapportaient 1 % de plus que le 10 ans allemand à l’époque. Il est à 1,34 % aujourd’hui.

Aux abris donc.

Charles Gave



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