Le problème en France, c’est la droite !
Churchill avait coutume de dire que les Anglais n’avaient pas de problème
avec les faits, mais beaucoup de difficultés avec les idées. En France, par
contre, on a l’impression que nous n’avons aucun problème avec les idées,
mais beaucoup de difficultés à intégrer les faits…
Nous en avons eu un exemple presque parfait lors de la dernière conférence
de presse de notre président, où pendant quatre heures (!), il nous a
expliqué qu’il avait eu raison d’avoir tort, et qu’il avait toujours été un
social-démocrate.
Apparemment, il est tombé de son cheval et a entendu une grande voix qui
lui disait : « Francois, Francois, pourquoi me persécutes-tu ? ». C’est déjà
quelque chose.
Pendant que notre président, tout à son mal être, se tortillait sur sa
chaise, je me disais qu’il fallait que je mette à jour mes travaux sur la
Grande-Bretagne.
La Grande-Bretagne, comme le disait Churchill, est un pays de gens à
l’esprit simple. Et donc au moment des élections, le citoyen a le choix
entre deux philosophies politiques, représentées par deux équipes.
La première équipe est formée par de brillants sujets (mes oints du
Seigneur), ayant été dans les meilleures universités (Cambridge, Edinburg,
LSE), et en général cette troupe est financée par les syndicats de la
fonction publique. Les joueurs dans cette équipe ont tous une conviction
profonde : le « marché libre » ne fonctionne pas et il leur appartient en
tant qu’esprits supérieurs de corriger ses dysfonctionnements. En termes
simples, pour ces gens-là, l’Etat est la solution.
De l’autre côté nous trouvons des personnes à l’esprit très limité (un
Anglais bien élevé fera tout pour cacher qu’il est intelligent), qui le
savent et qui s’en font gloire (parfois ils ont été à Oxford, où ils ont
beaucoup fait la fête). Ils sont en en général issus de la petite
bourgeoisie campagnarde ou commerciale et sont fanatiquement attachés à leur
liberté individuelle. Depuis toujours ils se méfient profondément de l’Etat
qui pour eux, en bon « burkiens », est un mal nécessaire, mais un mal. Une
nation de boutiquiers, disait Napoléon, mais ce sont ces boutiquiers qui
l’ont défait.
Au moment des élections, l’électeur anglais a donc le choix entre deux
propositions : Si vous pensez que l’Etat est la solution, votez Labor. Si
vous pensez que l’Etat est le problème, votez Conservateur.
Et le plus admirable est que ceux qui sont élus font ce pour quoi ils ont
été élus, une fois élus. On croit rêver. En France, il est de bon ton de
faire campagne sur des promesses qui ne seront jamais tenues. Comme l’a dit
de façon immortelle M. Chirac, « mes promesses électorales n’engagent que
ceux qui y ont cru ». Et donc, quand le parti travailliste est au pouvoir,
le poids de l’Etat dans l’économie augmente, et quand le parti conservateur
est au pouvoir, le poids de l’Etat dans l’économie diminue
Quand les conservateurs arrivent au pouvoir, ils ne font pas dans la
dentelle, ils taillent à la hache. Depuis son élection, M. Cameron a viré
600 000 fonctionnaires, ce qui a permis l’embauche de plus de 2 millions de
personnes par le secteur privé. Une fois de plus, je retrouve mon ratio
habituel: la création d’un job de fonctionnaire détruit trois jobs dans le
secteur privé, et la suppression d’un poste de fonctionnaire amène à trois
nouveaux emplois marchands.
Et M. Cameron l’a fait sans trembler et sans essayer de ne remplacer qu’un
fonctionnaire sur deux et sans demander l’avis d’une commission bidon
présidée par un économiste qui a toujours eu tort sur tout et qui a toujours
pensé faux ou autres foutaises.
Il l’a fait, c’est tout.
Et immédiatement les multiples cours-bénéfices se sont mis à monter à
Londres, comme ils le font toujours et dans tous les pays quand le poids du
gouvernement recule, tandis que la croissance économique accélérait de façon
notable, à la stupéfaction de tous les oints du Seigneur.
Et la livre sterling, en moyenne pondérée, s’est mise à grimper
allègrement.
Donc faire reculer l’Etat quand son poids est devenu excessif, ca marche !
Pourquoi raconter tout cela, va se demander le lecteur ?
Pour une raison toute simple.
Je suis très content que M. Hollande soit en train d’essayer de changer de
cap pour le pédalo dont il a la charge, maintenant que le pédalo est échoué
sur le sable.
Mais où est la droite dans cet aggiornamento ? Où
sont messieurs Juppé, Copé, Sarkozy, Fillon, Raffarin, et où sont les
think tanks que financent ces puissants esprits?
Silence assourdissant.
On a presque l’impression que les caciques de l’UMP en veulent à M. Hollande
de dire que le socialisme et l’étatisme ne marchent pas, et que ce sont les
entrepreneurs qui créent les emplois et personne d’autre.
Eux, à l’évidence, ils sont convaincus et ils le restent que l’étatisme, ça
marche !
Dans le fond, j’arrive toujours à la même conclusion : la France ne crève
pas de sa gauche.
La gauche française est nulle, comme à peu prés toutes les gauches depuis
toujours, mais il est bon qu’un pays soit dirigé de temps en temps par des
gens nuls. Cela éduque l’électorat et donne aux autres le temps de recharger
leurs batteries et d’essayer de comprendre pourquoi ils ont été battus aux
élections précédentes.
Mais il n’est pas bon qu’un pays soit gouverné sans arrêt par des gens nuls,
ce qui est le cas de la France depuis la mort de Pompidou.
En fait, la France crève non pas à cause de sa gauche mais bien à cause de
sa droite, étatiste, bonapartiste, interventionniste, corrompue, qui hait
viscéralement la liberté individuelle et qui donc n’offre pas d’alternance
au peuple.
Rien de nouveau et aucun progrès à l’horizon de ce côté-là.
Il y a un danger cependant: si la droite française continue à être encore
plus nulle que la gauche, les Français vont finir par croire que le FN a les
solutions et là nous aurons vraiment un problème.
Et donc, une fois de plus, j’en arrive à la même conclusion : ou la gauche
réforme, ce qui est l’hypothèse optimiste, ou nous sommes mal partis car la
droite française dans sa structure actuelle est irréformable.
Le problème en France, ce n’est pas la gauche, c’est la droite.
Espérons, contre tout espoir.
Charles Gave
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