Euro 
	: il va falloir trancher le nœud gordien ! 
	 
	L’euro ne peut pas survivre si les taux longs sont substantiellement au 
	dessus du taux de croissance des économies sous jacentes (trappe à 
	dettes) et si la structure institutionnelle actuelle, c’est-à-dire 
	l’interdiction par les traités d’une mutualisation de la dette et 
	l’interdiction similaire d’un achat direct d’obligations par la BCE, se 
	maintient.
	De ce fait, il ne peut y avoir survie de l’euro que si la dette est 
	mutualisée (et à mon avis cela ne suffira pas) ou si la BCE est autorisée à 
	acheter massivement des obligations de ces Etats de façon à ramener 
	les taux d’intérêts « manu militari » en dessous du taux de croissance, à 
	des niveaux comparables à ceux que l’on voit sur la dette allemande, 
	anglaise ou américaine. 
	 
	Si cela pouvait être fait, il est probable que cela donnerait du temps pour 
	effectuer les réformes. 
	 
	Cette solution devrait être accompagnée d’une mise sous tutelle par la BCE 
	des banques européennes et par une garantie européenne donnée à tous 
	les déposants où qu’ils soient, avec le risque de hasard moral que cela 
	comporte. Cela veut dire passer dans un système financier où la concurrence 
	entre banquiers n’existera plus… et où l’intervention politique dans le 
	système financier ne cessera de croître. 
	 
	Il ne faut pas se cacher cependant que cette solution a été expressément 
	interdite par les traités et qu’elle se heurterait peut-être à un veto de la 
	Cour constitutionnelle allemande. 
	Qui plus est, cela reviendrait pour chacun des Etats à abandonner à peu prés 
	complètement sa souveraineté dans le domaine budgétaire, qui serait exercée 
	par une espèce de commission qui serait de fait et de droit sous contrôle 
	allemand, ce qui ne manquerait pas de créer des problèmes politiques partout 
	en Europe. 
	 
	Au cas où l’Allemagne refuserait cette solution, certains pensent que les 
	pays du Sud pourraient essayer, au travers d’un vote au conseil de la BCE, 
	de forcer celle-ci à acheter ces obligations, les Allemands n’ayant que 
	trois voix se trouvant mis en minorité. Il leur faudrait donc soit se 
	soumettre soit se démettre. La démission reviendrait à ce que l’Allemagne 
	sorte purement et simplement de l’euro, et dans ce cas on peut penser que 
	l’euro croupion verrait son cours s’effondrer contre toutes les monnaies. Un 
	tel effondrement rendrait à nouveau des pays comme l’Italie la France et 
	l’Espagne compétitifs, ce qui leur permettrait de procéder aux réformes de 
	structure dont ils ont besoin. Cependant si l’Italie (par exemple) procédait 
	à ces réformes et pas la France, nous nous retrouverions très rapidement 
	ramenés au problème précédent… 
	 
	Nous avons donc deux « solutions » pour que l’euro survive : la solution 
	fédérale, couplée à une monétisation de la dette et à une garantie des 
	dépôts par la BCE, ou la sortie de l’Allemagne de l’euro. 
	 
	De loin la plus probable et la moins dangereuse politiquement des deux me 
	semble être la sortie de l’Allemagne. 
	 
	Mais l’euro survivrait et de toutes les solutions c’est certainement celle 
	qui coûterait le moins. Elle implique cependant une nationalisation et une 
	recapitalisation des banques allemandes ainsi que de la Bundesbank, qui 
	n’ont pas les fonds propres pour accepter une perte de plus de 30 % sur 
	leurs actifs étrangers. 
	 
	En ce qui concerne le coût de la rupture, certains le comparent à la 
	faillite de Lehmann et calculent les pertes gigantesques qui s’en 
	suivraient. L’autre point de vue est que les pertes actuelles sont déjà 
	inimaginables (chômage, faillite des systèmes bancaires, faillite de 5 Etats 
	souverains en Europe) et que la plupart des institutions ont déjà pris leurs 
	précautions. Qui plus est, je n’ai jamais vu que dans l’histoire, si l’on 
	mettait à mort un système qui ne marche pas, comme l’URSS ou l’étalon or, 
	cela ait jamais été une mauvaise nouvelle. 
	 
	En ce qui concerne les réformes structurelles qui doivent être faites, je 
	n’en connais pas qui aient réussi sans qu’au préalable nous n’ayons eu une 
	immense dévaluation qui permet de remplacer la demande interne, détruite par 
	les réformes, par une demande externe. Il s’agit en effet de transférer des 
	sommes gigantesques du rentier vers l’entrepreneur, et cela peut se faire 
	sans trop de douleur et sans faillite obligataire si le taux de change 
	s’écroule et recrée les conditions de la croissance. Laval et Rueff avaient 
	essayé dans le cadre de l’étalon or en 1934 et avaient aussi piteusement 
	échoué que la Grèce l’Espagne ou l’Italie sont en train de le faire en ce 
	moment. Une sortie de l’Allemagne de l’euro serait la bonne solution dans ce 
	cadre-là. Il est à peu près certain que dans ce cas la Finlande et le 
	Danemark sortiraient immédiatement de l’euro pour se rapprocher de 
	l’Allemagne, et que la Hollande, l’Autriche, la Slovénie et la Slovaquie ne 
	seraient pas loin derrière. Nous aurions créé un euro du Nord et un euro du 
	Sud… ce qui après tout serait peut être une solution. 
  
	Nous arrivons au moment où il va falloir trancher le nœud gordien. Je 
	préférerais, et de loin, que cela se passe de façon rationnelle plutôt que 
	dans le désordre le plus total, dans la mesure où une solution raisonnée, 
	sinon raisonnable, permettrait de conserver intact le Marché commun, ce qui 
	est l’essentiel.  
	Charles Gave 
	 
	 
	
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