Petite leçon d’économie appliquée à Chypre ! 
	 
	Une monnaie a deux prix, un prix extérieur (le taux de change) et un prix 
	intérieur (le taux d’intérêt). Si le pouvoir 
	politique bloque le taux de change avec un deuxième pays « plus productif », 
	alors le commerce extérieur du pays le moins productif va commencer à se 
	dégrader avec le temps et l’on assistera à une chute de ce qu’il est convenu 
	d’appeler le taux de couverture des importations par les exportations.
	Dans une situation « normale », où le premier pays aura conservé sa 
	souveraineté monétaire, on assiste à chaque fois à une lente montée des taux 
	d’intérêts dans le pays le moins efficace, cette hausse du taux de l’argent 
	anticipant en quelque sorte l’inévitable dévaluation qui clôt le processus 
	et remet les pendules à l’heure, ce qui se serait passé si Chypre avait 
	conservé sa souveraineté. 
	 
	Au lieu de cela, comme ce processus est impossible dans l’euro, le pays le 
	moins efficace voit son activité ralentir structurellement, mais ne peut 
	rien faire pour corriger les déséquilibres. 
	 
	Activité en baisse veut dire déficit budgétaire en hausse (plus de dépenses, 
	moins de rentrées, conséquences inéluctables de la perte de compétitivité). 
	Ces déficits toujours croissants se financent sans difficultés, au moins au 
	début, sur les marchés financiers. 
	Malheureusement, les déficits accumulés se transforment petit à petit en 
	dettes, et il arrive toujours un moment où les marchés commencent à prendre 
	peur sur la capacité de l’Etat du pays faible à rembourser sa dette dans ce 
	qui est en fait la monnaie du pays fort. De ce fait, l’ajustement nécessaire 
	ne se fait plus par la dévaluation, mais plus brutalement par la faillite de 
	l’Etat qui a collé son système économique dans une situation d’infériorité.
	 
	 
	En économie, comme le disait Bastiat, le meilleur économiste que la 
	France ait eu, il y a ce que vous voyez, la possibilité de se balader en 
	Europe et de payer partout avec les mêmes billets, et ce que vous ne voyez 
	pas, l’inéluctable faillite des Etats chypriote, italien, espagnol, 
	portugais que cette possibilité entraîne. 
	 
	L’étape suivante est très facile à décrire. Tout le monde va se rendre 
	compte qu’un euro dans une banque chypriote ne vaut pas un euro dans une 
	banque allemande, et tout un chacun va se précipiter pour transférer tous 
	ses euros des banques chypriotes vers les banques allemandes. En termes 
	techniques, cela s’appelle une crise bancaire ou en anglais, un « bank run 
	». Ce mouvement est marqué par une chute rapide des dépôts bancaires dans 
	les pays faibles et bien entendu par une hausse extravagante des taux 
	d’intérêts dans ces mêmes pays faibles, l’argent devenant rare devient fort 
	normalement hors de prix 
	 
	L’euro est donc un Frankenstein financier qui ne peut pas fonctionner dans 
	sa structure actuelle, ce que je ne cesse de répéter depuis des années. 
	Hélas, trois fois hélas, tout se passe comme dans une tragédie grecque, où 
	tout le monde sait ce qui va se passer et où personne ne peut rien faire 
	pour empêcher un dénouement dont tout le monde se doute qu’il sera tragique. 
	 
	Je suis donc profondément triste parce que je sais la masse des souffrances 
	que l’explosion inéluctable de ce monstre va créer. Une partie importante de 
	l’épargne européenne va être détruite, des établissements financiers de 
	renom vont se trouver en difficulté et leurs actionnaires seront ruinés 
	alors même que les dirigeants n’ont fait que suivre les directives et les 
	réglementations qui leur étaient imposées par les pouvoirs politiques à 
	l’origine de cette monstruosité économique, le chômage va exploser, comme 
	constaté encore cette semaine avec les chiffres les plus désastreux depuis 
	1997. 
	 
	Tout cela était parfaitement évitable et n’est le résultat que de 
	l’incompétence mâtinée d’arrogance d’une certaine classe politique ou 
	administrative que j’ai appelé les « ignoramus » et à qui le désastre ne 
	coûtera rien mais qui voulait voir son pouvoir s’accroître, un peu comme les 
	généraux pendant la guerre de 14 qui envoyaient les poilus se faire tuer à 
	Verdun pour « entretenir le moral des troupes ».  
	Charles Gave  
	
	 
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