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28/12/12 | Charles Gave |
Prix du pétrole et prix du
poireau, même combat ! A plusieurs reprises dans les échanges que j’ai eus avec les lecteurs sur les matières premières en général et leurs prix en particulier, j’ai mentionné dans une phrase un peu cryptique que « les prix des matières premières étaient faits à la marge » , comme tous les autres prix dans les marchés libres d’ailleurs. De nombreux lecteurs du coup m’ont demandé ce que je pouvais bien vouloir dire par là. Je vais donc essayer d’expliquer cette notion absolument centrale, pour tous ceux qui cherchent à comprendre l’évolution des marchés financiers (et de l’économie), aussi simplement que je le peux. Prenons le pétrole. La consommation, c’est-à-dire la demande de pétrole, est d’environ 85 millions de barils / jour en ce moment. Si la capacité de production, l’offre, est de 87 millions de barils par jour, et que donc il existe une capacité excédentaire d’environ 2 millions de barils par jour, personne ne se fait trop de souci et les prix sont stables, voire en légère baisse. Imaginons que des évènements politiques interviennent au Moyen Orient ou au Nigeria, qui réduisent l’offre de façon temporaire de 3 millions de barils par jour. La demande devient supérieure à l’offre de 1 million de barils par jour ce qui représente un déficit de 1,1% entre la demande et l’offre. Le lecteur conviendra que 1,1% ne représente pas grand chose et pourtant, sur ce déficit, les prix du pétrole vont s’envoler et passer de 90 dollars par baril à 120 ou 130, c’est-à-dire une hausse de 40% ou 50 %ce qui paraît excessif. Pourquoi ? La demande de pétrole est inélastique dans le court terme (autre notion économique importante), ce qui veut dire que si vous avez besoin de pétrole pour faire tourner votre usine, dans le court terme vous serez prêt à payer n’importe quel prix pour y arriver. Il va donc falloir que le prix monte jusqu’à ce que la demande baisse de 1 million de barils par jour, les plus faibles ou les moins capables de payer se décourageant les premiers. C’est-à-dire que le prix total que le monde entier va payer pour son pétrole va être déterminé par la demande marginale du dernier million de barils et non pas par la demande moyenne. Qui plus est si l’offre et la demande sont très proches, tout le monde sait qu’une dislocation entraînerait le prix à la hausse et tout le monde fait des stocks, ce qui contribue à faire monter les prix encore plus. Ce phénomène fonctionne dans les deux sens. Imaginons maintenant que compte tenu du prix élevé atteint par l’or noir, les Chinois décident de bâtir une trentaine de centrales nucléaires et de cesser de brûler du pétrole pour fabriquer de l’électricité (c’est le cas). La demande mondiale baisse à 84 millions de barils par jour, tandis que l’offre augmente en raison de nouveaux gisements mis en exploitation, disons de 3 millions de barils. Nous avons maintenant 4 millions de barils excédentaires. Les acheteurs vont se mettre à faire du « shopping », allant d’un producteur à un autre en disant : « Votre baril, vous, vous le vendez à combien ? », un peu comme sur la place du marché pour une botte de poireaux quand les étals sont en train de fermer. Du coup, plus personne ne fait de stocks, les stocks existants sont liquides, et les prix s’écroulent de 30% ou 40 %…Le même phénomène existe dans tous les systèmes de prix libres, tels que les marchés financiers. La capitalisation boursière d’Apple est égale au nombre d’actions multiplié par le dernier cours, lui-même étant le résultat de l’interaction entre le dernier acheteur et le dernier vendeur. Ce qui compte pour déterminer le prix, c’est donc les variations de l’offre et de la demande sur la plus récente période, qu’il est convenu d’appeler l’offre marginale et la demande marginale (ie : dérivée première pour les matheux). Allons plus loin et introduisons les attentes des opérateurs dans les marchés. Imaginons que ces braves gens pensent que la demande de pétrole chinoise va monter jusqu’à la fin des temps de 5 % par an. Ils intégreront cela dans leurs calculs et achèteront du pétrole « à terme » pour se couvrir contre l’inévitable hausse. Les prix aujourd’hui refléteront cette demande future, les arbitragistes étant là pour ça. Cependant, ils font une légère erreur. Au lieu de monter de 5 % par an, la demande chinoise augmente de 2 % par an. Les prix s’effondrent…Et c’est ce point que les gens ont beaucoup de mal à comprendre. Si la demande passe de très forte à simplement forte, les prix s’effondrent, puisque les prix sur les marchés à terme intègrent la demande très forte. Voilà pour quoi on a coutume de dire que dans les marchés, les prix sont faits à la marge.
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