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	    Pourquoi le 
	dollar monte, pourquoi il descend ! 
	 
	Pendant la plus grande partie des années 70, la gestion du dollar par les 
	autorités américaines fut tout simplement désastreuse. Toutes les erreurs 
	furent commises au cours de ces dix années : taux d’intérêts réels négatifs 
	presque sans interruption de 1971 à 1980 , blocage des prix et des salaires 
	(par le président Nixon), blocage des prix de l’énergie une fois que ces 
	derniers commencèrent à monter à cause de la dépréciation du dollar, crise 
	politique sans précédent (Watergate), élection d’un brave homme totalement 
	incompétent, Jimmy Carter, qui se fit rouler dans la farine par les 
	ayatollahs iraniens après que les diplomates US eurent été pris en otage, 
	envahissement de l’Afghanistan par les Russes, explosion de l’inflation et 
	du chômage, cours de l’or qui passent de 35 dollars l’once à plus de 800… 
	rien ne manquait à l’appel ! 
	 
	Du coup, le dollar passait de 4,3 francs suisses par dollar en 1971 à 1,5 
	franc suisse en 1978 (- 65%) et de 4deutschemark (DM) par dollar à 1,73 DM 
	par dollar (-56 %)…. Après dix ans de gestion calamiteuse (traduire 
	keynésienne), le consensus absolument universel était que le dollar ne 
	pouvait que continuer à baisser, et pendant longtemps. 
	 
	Et pourtant…. De 1978 à 1985, le taux de change du dollar allait doubler 
	vis-à-vis du franc suisse et du DM, ce que personne, mais personne 
	n’attendait en 1978.  
	 
	L’explication « classique » de ce rebond extraordinaire a toujours été que 
	les arrivées de Volker puis de Reagan avaient « modifié les psychologies », 
	et le rebond du dollar s’expliquait donc par les changements que ces deux 
	hommes allaient amener. Explication fort paresseuse à mon humble avis, bien 
	qu’elle ne soit pas complètement sans mérite. En effet, je ne crois pas trop 
	aux explications « psychologiques » que beaucoup de gens utilisent pour 
	expliquer des mouvements auxquels ils ne comprennent rien. Pour moi, 
	l’explication, que j’ai d’ailleurs fournie en temps réel à l’époque, n’avait 
	rien à voir avec un freudisme de bon aloi et tout à voir avec une réalité 
	beaucoup plus simple : si le dollar montait, c’était tout simplement parce 
	que la demande de dollars était très supérieure à son offre, ce qui est bien 
	sûr une notion que beaucoup d’économistes ont du mal à comprendre. 
	 
	Explication. 
	 Si la croyance commence à se répandre dans le marché qu’un actif 
	financier va baisser jusqu’à la fin des temps, alors la tentation devient 
	presque irrésistible de l’emprunter (c’est-à-dire de le vendre à découvert) 
	et d’utiliser cet argent ainsi emprunté pour acheter quelque chose qui « ne 
	pourra pas baisser». 
	 
	Le « trade » classique pendant ces années-là fut donc d’emprunter du dollar 
	pour acheter de l’or, de l’argent métal ou de l’immobilier, par exemple. Si, 
	contrairement à toutes les attentes, l’or se met à baisser et le dollar à 
	monter, panique générale, appels sur marges, liquidations forcées, faillites 
	(des frères Hunt au Texas sur l’argent, et de quelques banques d’affaires à 
	Londres sur l’immobilier local) … 
	 
	Tout le monde comprend ce mécanisme qui nourrit la hausse du dollar et la 
	baisse de l’or et de l’immobilier, et qui durera jusqu’ à ce que toutes les 
	positions spéculatives aient été liquidées. Eh bien, c’est un phénomène de 
	cette nature, mais à la puissance 10, qui a propulsé le dollar à la hausse 
	de 1978 à 1985. La baisse du dollar, comme je l’ai déjà dit, avait fait 
	monter dans des proportions extraordinaires les prix du pétrole (de moins de 
	$2 par baril à plus de $ 30 par baril en moins de 10 ans). 
	 
	Du coup, un certain nombre de pays producteurs (Arabie Saoudite, Koweït 
	etc.) se retrouvèrent inondés de dollars et bien en peine de les utiliser. 
	Qu’à cela ne tienne : la grande banque française « Société Lyonnaise 
	Agricole » ou « SLA » offrit de les prendre en dépôts et de les rémunérer. 
	Nos Saoudiens transférèrent donc des milliards de dollars à la SLA, soumise 
	cependant à la forte concurrence de la banque de la Tamise et du Rhône et de 
	la banque des Bataves et des Teutons réunis, qui toutes voulaient leur part 
	du gâteau. La banque du Soleil Levant suivait avec retard, mais suivait 
	aussi. Une fois les dépôts reçus, notre SLA nationale devait les utiliser, 
	c’est-à-dire les prêter à quelqu’un qui en avait besoin. 
	 
	Aucun problème : le Mexique, l’Argentine, le Brésil, et bien d’autres 
	avaient tous besoin de dollars pour acheter… du pétrole. Notre SLA leur 
	prêta donc à 10 % par exemple, tout en empruntant aux Saoudiens à 8,5%. Que 
	voilà de l’argent facilement gagné, et comme la banque est un beau métier… 
	 
	Pendant que tout cela se produisait, les journalistes et les économistes 
	appelaient ce mécanisme « le recyclage des petro dollars » en essayant de 
	dissimuler du mieux qu’ils le pouvaient l’extrême satisfaction qu’ils 
	ressentaient à l’idée qu’ils étaient capables de comprendre une notion aussi 
	complexe. Arrive 1979 et M. Volker commence à faire monter les taux. Du 
	coup, le Mexique, l’Argentine, le Brésil ne peuvent plus servir leurs dettes 
	et font faillite, c’est-à-dire appellent le FMI à la rescousse, qui comme 
	d’habitude suit une politique visant à appauvrir les populations locales, ce 
	qui rend le remboursement des dettes encore plus improbables. Et donc le 
	Brésil cesse non seulement de payer des intérêts à notre SLA mais aussi 
	cesse aussi de lui rembourser le capital… 
	 
	Mais le problème est que la SLA, elle, devait toujours payer 8,5 % aux 
	Saoudiens et leur rembourser le principal et que notre vaillant champion 
	national n’avait pas le moindre dollar en caisse. En fait, la SLA était « 
	short » sur le dollar pour un montant équivalent au principal et aux 
	intérêts à payer aux Saoudiens. Et la SLA de se précipiter sébile à la main 
	pour demander des dollars à la Banque de France, qui n’en avait plus guère 
	après quelques années de mitterrandisme et qui donc dut les acheter sur le 
	marché. Or les USA avaient à l’époque des comptes courants excédentaires et 
	qui s’amélioraient, à cause de la formidable dévaluation précédente, et 
	offraient donc de moins en moins de dollars aux marchés. 
	 
	La demande explosa tandis que l’offre baissait et donc le dollar « passa au 
	travers du toit ». Et tout cela se termina en février 1985 avec les accords 
	du Plaza, où la Fed accepta de donner des « swaps » à toutes les autres 
	grandes banques centrales, c’est-à-dire accepta de leur prêter des dollars, 
	ce qui n’était rien d’autre qu’un massif QE pour sortir les banques 
	européennes et japonaises du trou dans lequel elles s’étaient collées. 
	Immédiatement le dollar s’écroule… 
	 
	Pourquoi raconter cette vieille histoire ? Parce que depuis dix ans le 
	dollar a été géré n’importe comment et que donc tout le monde croyait qu’il 
	allait s’effondrer jusqu’à la fin des temps. Et à l’évidence, tout un tas de 
	gros malins ont dû emprunter massivement des dollars depuis dix ans pour 
	acheter je ne sais quoi, du style j’emprunte des dollars et j’achète des 
	obligations pourries en euros. Si ces « je ne sais quoi » se mettent à 
	baisser tandis que le dollar se met à monter, nous nous retrouverons dans un 
	monde tout à fait similaire à celui de 1982 -1985.  
	Bien évidemment, je ne suis sûr de rien. Je n’ai aucun chiffre sur 
	les positions à découvert qui pourraient exister sur la monnaie US. Je n’ai
	aucune information sur les intermédiaires financiers qui risquent de 
	se faire attraper cette fois-ci. Je peux donc être en train de me tromper, 
	ce qui m’est déjà arrivé souvent. Mais enfin, chat échaudé craint l’eau 
	froide… 
	 
	Mon conseil reste donc de ne rien avoir dans les portefeuilles qui soit 
	endetté en dollars ou qui ait un cash flow négatif en dollars. Et ma 
	recommandation est de n’avoir que des actifs qui aient un cash flow positif 
	en dollar, du style des obligations du trésor américain ou de certaines très 
	grandes multinationales européennes ou américaines. 
	 
	La vieille malédiction chinoise dit : « Puissiez vous vivre dans des temps 
	intéressants.» Je crains que nous ne soyons dans des temps intéressants… Qui 
	plus est, je crains qu’ils ne deviennent de plus en plus intéressants. 
	 
	Charles Gave 
	 
	
	 
	 
	 
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