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30/4/12 Charles Gave
 Quand les "oints du Seigneur' utilisent l'argument
                                   d'autorité ! 

Un certain nombre d’économistes français, « mondialement connus à Paris », viennent de signer une pétition pour appeler à voter François Hollande, ce qui est bien leur droit. Ce qui est un peu plus gênant, c’est qu’ils commencent leur déclaration de principe en disant (je paraphrase) : « Nous qui avons consacré nos vies à la recherche de l’efficacité la plus grande pour l’économie de notre pays sommes arrivés à la conclusion que le candidat le plus à même de le diriger est le candidat socialiste », ce qu’ils ont encore une fois tout à fait le droit de dire en tant que citoyens.

Une rapide recherche, en utilisant Google ou Wikipedia, sur les noms des «économistes» signataires de cette pétition, recherche rendue nécessaire parce que je n’en connaissais aucun alors que j’ai passé ma vie à lire les œuvres d’autres économistes pour mieux me former, a amené à des résultats fort intéressants, mais hélas guère surprenants.

• A une exception près, ils sont tous fonctionnaires de l’Etat français. La seule exception est que l’un d’entre eux est professeur à Harvard.

• Toujours à une seule exception prés (la même), ils ont tous participé à tous les comités Théodule organisés par le Parti socialiste français et ont toujours été politiquement des supporters de ce même parti, voire des participants à des cabinets ministériels pendant la grande époque où la gauche dominait la vie politique de notre pays. Certains sont passés de ces cabinets ministériels à des positions importantes dans des grandes banques, françaises bien entendu, (qui d’autre en voudrait ?) ou leurs compétences sont enfin payées à leur vraie valeur.

• Aucun d’entre eux (à ma connaissance, car je n’ai rien trouvé dans Google ou Wikipedia qui infirme ce point) n’a jamais pris le risque de créer une entreprise indépendante à laquelle le secteur privé n’aurait pas manqué d’avoir recours, compte tenu de leur remarquable professionnalisme. Comme le disent les Américains, aucun d’entre eux n’a jamais eu à payer des salaires à la fin du mois en se demandant d’où allait bien pouvoir venir le fric, ce qui leur a laissé sans nul doute l’esprit libre pour réfléchir aux problèmes de fond de la société française.

• En fait, ils ont toujours été payés par les impôts que l’Etat français prélevait, mais il n’y a jamais eu la moindre relation établie entre la qualité de leurs conseils et les rémunérations qu’ils touchent, ce qui est quand même bizarre pour des gens qui se disent à même de juger de l’efficacité d’une politique.

• Ils sont tous sortis des mêmes écoles, Normale Sup, Polytechnique, ENA, et surprise, surprise, répétant les schémas de Bourdieu, beaucoup se retrouvent professeurs dans ces mêmes écoles. Et l’on s’étonne que la France soit mal gérée devant tant de diversité culturelle ! Car ils sont en effet presque tous professeurs, métier admirable s’il en fut, mais à mon sens il y a une distinction essentielle à respecter ici : il ya une grande différence entre un économiste et un professeur d’économie.

Je m’explique. Quand j’étais jeune, je jouais au tennis convenablement et j’essayais de gagner ma vie en courant les tournois pour y toucher des prix. Si je perdais au premier tour, eh bien je bouffais des beignets pendant une semaine en attendant le prochain tournoi. Souvent je rencontrais des professeurs de tennis qui gagnaient leur vie en donnant des cours et qui disaient que, comme nous, ils étaient des professionnels, ce qui nous faisait bien rire. Entre eux et nous il y avait la différence entre un chien et un loup. Comme me l’avait dit l’un de mes professeurs aux USA : « Si vous ne pouvez pas gagner votre vie avec ce que vous avez appris à l’Université, enseignez-le »

Tous ces braves gens font bien entendu partie de ce que Thomas Sowell appelle avec beaucoup d’humour les « oints du Seigneur », et ils utilisent avec allégresse l’argument d’autorité. Pour le bénéfice des lecteurs, je reviens donc sur ces deux notions essentielles à la bonne marche de toute démocratie et que curieusement «ils» ne mentionnent jamais.
Les « oints du Seigneur » sont une race à part repérée par le grand économiste américain Sowell (noir du Sud profond, libéral, patriote et ancien «marine»), et qui savent mieux que le peuple ce qui est bon pour lui.

1. Les «oints du Seigneur » commencent par diagnostiquer un problème qui existe dans leur esprit, ou qui en général n’existe pas.

2. Ils proposent leur solution, que l’Etat doit mettre en œuvre pour des raisons de justice sociale, concept fumeux s’il en fut.

3. Cette solution accroît comme par hasard le pouvoir de ceux qui les payent.

4. Quand la solution qu’ils ont apportée à un problème qui en général n’existait pas crée d’autres problèmes beaucoup plus graves, ils expliquent que la situation aurait été bien pire s’ils n’étaient pas intervenus avant, mais que grâce à Dieu, ils ont fait le nécessaire en amont. De plus, ils ont miraculeusement une solution aux nouveaux problèmes, et ainsi de suite

5. Nous en avons un exemple parfait avec l’euro, dont ils tous été de chauds partisans et qui est en train de foutre en l’air l’Europe que nous aimions.

Nous devons la découverte du concept d’argument d’autorité à Saint Thomas d’Aquin, le docteur angélique. Saint Thomas disait qu’utiliser l’argument d’autorité - j’ai raison parce que je suis le chef ou (version moderne) parce que j’ai fait de meilleures études que vous - ne pouvait jamais être accepté dans une discussion. Chaque argument se mesure a sa validité interne et non pas en fonction de la place hiérarchique de celui qui l’avance. Le lecteur remarquera que la pétition de nos chers socialistes/fonctionnaires/professeurs n’utilise que l’argument d’autorité (nous sommes «économistes » et donc nous savons mieux que vous ! Tiens donc et pourquoi ?). Bien entendu, ils n’expliquent en rien pourquoi le programme de François Hollande serait une telle chance pour la France. Bref, nous sommes en face de socialistes irréductibles, donc fonctionnaires, et qui essayent d’utiliser l’argument d’autorité pour faire triompher leurs idées politiques passant par un accroissement du rôle de l’Etat, lesquelles ont échoué partout et toujours là où elles ont été appliquées.

Mais après tout, je me demande pourquoi je m’énerve : ces braves gens sont avant tout socialistes, et comme chacun le sait, on ne peut être à la fois intelligent, socialiste et de bonne foi. Il faut choisir deux possibilités sur trois. Ces « socialistes qui se croient intelligents » réclament donc fort normalement plus de pouvoir pour l’Etat, par lequel ils sont payés, c’est-à-dire pour eux.

Rien de vraiment surprenant là dedans ! Ce qui me gêne, c’est qu’ils se targuent du beau nom d’économistes, c’est-à-dire de scientifiques, alors qu’ils ne sont que des fonctionnaires à l’esprit étroit, inféodés à ce qui est en fait une Eglise …

Charles Gave



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