42
économistes vont se parachuter sur l’Elysée
pour sauver Hollande !
D’après ce que je crois comprendre, le président Hollande ne semble pas
donner satisfaction aux Français qui l’ont élu. Jamais un président de la
Vème République n’a été aussi impopulaire, et les socialistes du coup se
ramassent raclée électorale après raclée électorale. Voilà qui n’est guère
surprenant quand on sait que le président Mitterrand avait toujours refusé
de faire de monsieur Hollande un ministre, tant il le jugeait incompétent.
Après tout, et comme le disait Chateaubriand, « l’ambition dont on n’a
pas les talents est criminelle. » A l’évidence, monsieur Hollande n’a
pas les capacités requises pour être président, et cela, tout le monde au
parti socialiste le savait.
Voilà qui n’a cependant pas empêché une série tout à fait remarquable
d’Oints du Seigneur, tous compagnons de route du PS ou du PC depuis toujours
(voir la liste ci-dessous), de nous adjurer de voter pour un homme dont ils
savaient tous qu’il était incompétent, et je veux parler bien sûr du fameux
appel des « Economistes pour François Hollande », paru dans Le Monde
en avril 2012.
Cet appel commençait par « Nous sommes économistes », ce qui était déjà un
abus sémantique. Un professeur d’économie n’est pas un économiste. Ils
étaient en fait tous professeurs d’économie, payés par nos impôts, et
aucun d’entre eux n’a jamais travaillé dans le secteur privé.
Un professeur d’économie n’est pas plus un économiste qu’un professeur de
philosophie n’est automatiquement un philosophe. Il y a la même différence
entre un professeur de musique au lycée et un concertiste qu’entre un
professeur d’économie et un économiste. Le premier vit d’une rente, le
deuxième de ses prises de risque.
Ensuite, affirmer d’emblée que « nous sommes économistes », c’est faire
appel à l’argument d’autorité : « Croyez moi, disent ils au bon peuple,
parce que moi je sais puisque j’ai fait des études », dont Thomas d’Aquin
disait qu’il était irrecevable dans un débat. Il revient en effet à dire au
peuple: « Faites-nous confiance parce que nous, nous savons, et que vous,
vous ne savez pas », ce qui veut dire que la démocratie n’est pas une
solution et que seule la technocratie fonctionne, comme l’URSS l’a amplement
démontré.
C’est ce genre de raisonnement qui donne envie aux Français de voter Front
national.
Dès le départ donc, le texte était profondément vicié. La fin de la lettre
n’était guère meilleure, et je ne peux pas m’empêcher de citer in extenso la
conclusion de cette pétition, tant elle était remarquable. La voici :
« Pour toutes ces raisons, nous appelons à voter pour François Hollande.
François Hollande a présenté un agenda de réformes qui dessinent à nos yeux
la voie souhaitable. La crédibilité, l’ambition et la cohérence sont de son
côté.»
Deux ans après, on ne peut s’empêcher de sourire, voire de rire aux éclats
devant tant de prescience et d’intelligence.
Mais qui étaient ces génies profonds ? En voici la liste :
Philippe Aghion (Harvard), Michel Aglietta (Paris-X Nanterre), Yann
Algan(Sciences Po Paris), Rémi Bazillier (université d’Orleans), Maya
Beauvallet(Telecom Paristech), François Bélorgey (Irest), Françoise Benhamou
(Paris-XIII), Eric Brousseau (Paris-Dauphine, Institut universitaire
européen), Julia Cagé(Harvard), André Cartapanis (IEP Aix-en-Provence),
Gilbert Cette (Université de la Méditerranée), Thomas Chalumeau (Sciences Po
Paris), Mireille Chiroleu Assouline (Paris-I), Daniel Cohen (Ecole normale
supérieure), Elie Cohen(Sciences Po Paris), Brigitte Dormont
(Paris-Dauphine), Bernard Gazier(Paris-I), Jean Imbs (Ecole d’économie de
Paris, CNRS), Marc Fleurbaey(Princeton, Collège d’études mondiales), Samuel
Fraiberger (New York University), André Gauron, Jérôme Gautié (Paris-I),
Patrice Geoffron (Paris-Dauphine), Tristan Klein, Jacques Le Cacheux
(université de Pau et des Pays de l’Adour), Jean-Hervé Lorenzi
(Paris-Dauphine), Philippe Martin (Sciences Po Paris), Jacques Mistral
(Harvard Kennedy School), El Mouhoub Mouhoud(Paris-Dauphine), Pierre-Alain
Muet (fondateur du Conseil d’analyse économique, député socialiste, et
membre de l’équipe de campagne de François Hollande), Fabrice Murtin
(Sciences Po Paris), Dominique Namur (Paris-XIII),Romain Perez (Paris-I),
Thomas Philippon (New York University), Thomas Piketty (EEP et EHESS),
Michel Rainelli (université Nice-Sophia-Antipolis) Lionel Ragot,(Université
d’Evry-Val-d’Essonne), Romain Rancière (EEP),Katheline Schubert (Paris-I),
Laurence Tubiana (Sciences Po Paris, Columbia), Joëlle Toledano (Supélec),
Dominique Villemot.
Comme le lecteur peut le remarquer, et comme je l’ai déjà dit, il n’y a que
des professeurs, et aucun de ces « économistes » n’a jamais travaillé dans
le secteur privé ni exercé la moindre responsabilité opérationnelle. Je
conseille au lecteur de lire cette liste attentivement, tant il est rare de
voir une telle assemblée de gens soi-disant éminents qui se sont trompés
aussi lourdement. Voilà qui devrait les vacciner contre toute tentation
technocratique.
En fait, il est très utile dans la vie de repérer les gens qui se trompent
sur tout et tout le temps. Mais il est rare de voir une liste toute faite
fournie par les incompétents eux mêmes.
A conserver donc.
Aucun de ces oints du Seigneur n’a jamais vu une entreprise de près
ou de loin, et cela est assez typique d’une certaine classe intellectuelle.
Quand j’étais jeune, l’une des grandes maisons de Wall Street spécialisée
dans la gestion obligataire avait fait passer une annonce pour embaucher un
économiste, et elle reçut de nombreuses réponses de candidats ayant fait les
plus brillantes études à Harvard, au MIT à Princeton.
Réflexion faite, tous les candidats refusèrent le poste car il
fallait gérer un portefeuille obligataire en s’appuyant sur les résultats de
sa propre recherche. Tous ces « économistes » fuirent en courant, aucun ne
voulut prendre le risque de se coltiner au marché et à la réalité. Les
économistes français, signataires de cette lettre, font partie, à mon humble
avis, de cette même catégorie de gens qui ont fait de bonnes études, ce qui
leur donne droit à une rente de situation qu’ils n’ont aucune envie de
mettre en danger.
La concurrence ce n’est pas pour eux. Eux ils ont droit à une chaire, d’où
ils peuvent s’exprimer pour enseigner au peuple le Beau, le Vrai et surtout
le Moral. Et bien sûr, ils comptent sur le pouvoir politique pour maximiser
leur rente…et soutenir le Pouvoir est un faible prix à payer pour s’assurer
de la pérennité de la rente. La vieille alliance du Trône et de l’Autel.
Cela s’appelle une cléricature et non pas une élite.
Mais la vraie question que je me pose est la suivante. Leur grand homme est
attaqué comme peu d’hommes politiques l’ont été depuis cinquante ans, et
aucun d’entre eux ne vient à son secours. Où sont ils ?
La Légion sauta sur Dien Bien Phu pour prêter main forte à ses amis, alors
même qu’ils savaient tous que la bataille était perdue et qu’ils allaient y
laisser leur peau, et ils étaient tous volontaires. Apparemment, la notion
d’honneur chez les intellectuels de gauche et à la Légion n’est pas la même,
ce qui ne surprendra personne.
Pour moi, qu’ils se soient trompés n’est pas très grave. Je me suis souvent
trompé moi même et je n’en suis pas mort. En revanche, qu’ils abandonnent
leur champion alors qu’il est en danger, voilà qui est impardonnable.
Charles Gave
|