Ces vérités premières que nous réapprenons
dans la douleur !
La plupart des commentateurs expliquent à qui veut l’entendre que nous
vivons dans un monde très compliqué. Je ne suis pas du tout d’accord. A mon
avis, il n’a jamais été aussi simple, tant nous sommes en train de
réapprendre dans la douleur un certain nombre de vérités premières.
Tout le monde sait aujourd’hui, sauf M. Hollande bien sûr, que la taille
excessive de l’Etat est le vrai problème de nos sociétés et que le défaut de
paiement guette un certain nombre de grands pays. Que plus de 50 % des
citoyens reçoivent des subventions diverses et variées, et que réformer ces
Etats de façon démocratique sera donc très difficile, ne change rien au fait
que les citoyens ne peuvent se voter des augmentations de leur niveau de
vie. L’augmentation du niveau de vie, il faut la gagner et non pas la voler.
Tout le monde, sauf bien sûr Krugman et Stiglitz (prix Nobel d’économie
tous les deux), a compris que la hausse du poids de l’Etat dans l’économie
déclenchait une hausse du chômage, une baisse de la croissance, un
appauvrissement généralisé à terme, un creusement de l’écart des salaires
entre les riches et les pauvres et que, comme le disait Hayek, la recherche
de la prétendue « justice sociale » par le système politique avait causé au
XXe siècle plus de morts que toutes les guerres de religion additionnées
depuis le début des temps.
La plupart des gens, sauf bien sûr les syndicats de fonctionnaires, se
rendent bien compte que quand l’Etat se charge de produire quelque chose, en
général la qualité est abominable, la pénurie fréquente, tandis que les
listes d’attente s’allongent.
Par exemple, l’enseignement en France est devenu une « fabrique de
crétins ». (cf. « La fabrique du crétin : la mort programmée de l’école
», de Jean-Paul Brighelli et Bernard Lecherbonnier). L’école doit être
obligatoire et son coût doit bien sûr être supporté par la collectivité au
travers des impôts, mais rien ne dit que la fourniture du service éducatif
doive être assurée par des fonctionnaires syndiqués dont les résultats sont
abominables. Il faut passer de l’Etat producteur à l’Etat prescripteur (voir
la Suède).
Tout le monde a compris, sauf bien sûr les principaux banquiers centraux (Bernanke,
Draghi ou King), qui ont tous fait leurs études
ensemble, que manipuler les taux d’intérêts et les taux de change entraînait
une destruction massive de richesse, le capital ayant perdu tous ses repères
sur les directions à prendre et allant s’égarer dans l’or, l’immobilier, les
œuvres d’art ou que sais je encore… Il faut avoir fait de très longues
études et à un niveau très élevé (PHD au MIT ou à Cambridge) pour pouvoir
penser que le capitalisme pourrait fonctionner sans coût du capital …et l’on
voit aujourd’hui que cette croyance est fausse.
Tout le monde comprend, sauf les socialistes français bien sûr,
qu’augmenter les impôts va accroître le déficit budgétaire en créant une
récession. La hausse des impôts est cependant si violente dans notre pays
qu’il est très probable que nous allons rentrer dans ce qu’il est convenu
d’appeler une « dépression secondaire », qui va faire vraiment exploser le
déficit budgétaire dès 2013, ce qui rendra la situation ingérable très
rapidement.
Tout le monde comprend - même et surtout les Chinois, enfin, mais hélas pas
M. Montebourg - que le mercantilisme et le protectionnisme, ça ne marche pas
et que cela appauvrit surtout ceux qui le pratiquent.
Tout le monde comprend, sauf bien sûr MM. Trichet, Barnier ou Barroso, ainsi
que tous les autres membres moins connus de notre chère (oh combien!) et non
élue eurocratie, que maintenir des taux de change fixes entre pays ayant des
productivités différentes était impossible et que donc l’euro ne pourra
survivre, sauf à organiser de gigantesques transferts fiscaux entre le Nord
et le Sud de l’Europe, ce qui n’est ni possible, ni souhaitable, tant cela
créerait dans le Sud une culture de dépendance (voir l’exemple de l’Italie
du Nord et du Sud).
Tout le monde comprend (sauf les membres de leurs conseils d’administration)
qu’il est urgent de casser en plusieurs morceaux ces monstres que sont
devenus nos banques, devenues tellement gigantesques que leur taille met en
danger nos démocraties. Quand telle ou telle banque française a une taille
de bilan supérieure au PNB de notre pays, tout le monde sait au profit de
qui la politique monétaire va être exercée, et ce ne sera certainement pas
au profit des entrepreneurs.
Parallèlement, si une banque a fait de mauvaises affaires et doit déposer le
bilan, il faut la nationaliser (pas une si grosse affaire que ça, puisque
les banques sont de fait en association avec le gouvernement dans la gestion
de la monnaie), garantir tous les déposants, racheter tous les actionnaires
à zéro, tous les obligataires à zéro, mettre les dirigeants en prison si
nécessaire (toujours une idée très populaire) et réintroduire la banque en
bourse trois ou quatre ans plus tard avec un énorme profit. C’est ce qu’a
fait la Suède en1992 avec les succès que l’on sait. C’est ce qu’a refusé de
faire le Japon, qui suit depuis 1992 une politique visant à protéger les
banquiers au détriment de la population, politique dont l’échec est patent.
Toute l’Europe, sauf la Grande-Bretagne, suit avec beaucoup de constance la
politique japonaise et avec les mêmes résultats.
Tout le monde comprend (sauf quelques économistes bien sûr) que
déréglementer la monnaie, dont le coût marginal de production est de zéro,
est une imbécillité économique. La soi-disant révolution financière de la
fin des années 90 et de la première décennie de ce siècle n’a servi qu’à
nourrir une spéculation débridée qui a bien failli faire sauter tout notre
système économique et financier.
Tout le monde comprend donc enfin, sauf bien sûr Goldman Sachs, qu’autoriser
la fusion entre un casino (une banque d’affaires) avec un bureau de poste
(une banque de dépôts) fut une erreur gigantesque du président Clinton. Il
est urgent de les séparer à nouveau et d’interdire que les banques
d’affaires soient cotées. Que les banquiers d’affaires jouent avec leur
capital et pas avec celui des déposants paraît le début du retour à la
sagesse.
Dans le fond, tout cela se résume à quelque chose de fort simple : il faut
que les autorités cessent de manipuler taux d’intérêts, taux de change,
dépenses de l’Etat, recettes de l’Etat, protectionnisme, subventions,
politiques industrielles…toutes ces interventions ne marchent jamais
et pour une raison très simple : toutes ces politiques favorisent le
rentier, l’initié et le fonctionnaire au détriment de l’entrepreneur, ce qui
bien sûr tue toute croissance.
La solution? Laisser l’entrepreneur retrouver son rôle de créateur de
richesse en le libérant de tous les carcans que les Etats lui ont collés
dessus.
Il faut donc revenir aux marchés pour ce qui concerne la détermination des
prix, ramener la taille des Etats à un niveau raisonnable, ramener les
banques à une taille humaine pour que les entrepreneurs puissent à nouveau
prospérer.
A ce point du raisonnement, tout le monde me dit que c’est impossible parce
que ça ne sera pas supporté par la population, ou bien parce que nous sommes
trop vieux, ou bien parce qu’il y a des élections la semaine prochaine,
parce qu’il y a trop de dettes et que ces réformes déclencheraient sûrement
une récession et ensuite une dépression.
La réponse à ces arguments est très simple.
Si nous ne faisons rien, nous entrerons sûrement dans une dépression, donc
autant essayer.
Par contre, si nous retournons à des politiques rationnelles, peut-être
aurons-nous une dépression, mais l’histoire semble montrer que lorsqu’on
libère le système économique, ce qui suit est plus souvent la croissance que
la dépression.
Si par bonheur la croissance revient (comme en Suède après 1992), servir la
dette existante et la réduire dans le temps devient très facile, surtout si
l’on réduit le poids de l’Etat par ailleurs. Si la croissance ne revient
pas, et comme les taux d’intérêts sont au-dessus du taux de croissance, de
toute façon nous sommes foutus et nous aurons une faillite des rentiers...
Le problème n’est pas la dette mais l’absence de croissance. Il faut donc
agir sur la croissance et non pas sur la dette
Beaucoup de pays l’ont compris, d’autres sont en train de le réapprendre et
d’autres enfin sont sans espoir. Je peux donc me risquer à faire une petite
classification des pays en fonction de leur niveau de compréhension
économique.
D’abord on trouve les bons élèves, c’est-à-dire qui sont restés « bien gérés
»: Canada, Suède, Norvège, Danemark, Suisse, Singapour, Corée, Australie,
Nouvelle Zélande…
Viennent ensuite ceux qui recommencent à comprendre et qui vont, au moins
partiellement, dans la bonne direction: mentionnons la Grande-Bretagne et la
Chine. Nous saurons d’ici quelques jours si dans ce groupe je dois mettre
les Etats-Unis (Romney) ou pas (Obama). Si les Etats-Unis partent à nouveau
dans le bon sens (Romney), comme à l’époque de Reagan et Volker, voilà qui
va totalement transformer les équilibres mondiaux et rendre la vie
impossible à ceux qui voudront rester sur un système de manipulation.
Viennent en troisième lieu ceux qui aimeraient bien changer de système mais
ne le peuvent pas à cause de leurs taux de change fixes: Irlande, Espagne,
Portugal, Italie. Leur salut viendra de la disparition de l’euro
Enfin viennent ceux qui sont toujours à l’avant-garde des combats d’arrière-
garde, je veux parler en particulier de la France qui, au lieu d’alléger et
de réduire toutes les manipulations, les a alourdies massivement depuis
quelques mois. Si M. Romney est élu, comme je le pense et que je l’espère,
le choc sur la France va être immense.
La conclusion est simple : toute une série de gouvernements ont voulu faire
croire aux populations que le père Noël existait (politiques keynésiennes,
taux réels négatifs). Or le père Noel n’existe pas et nous arrivons en
janvier où les fournisseurs présentent les factures pour les fêtes de fin
d’année. Et le compte bancaire familial est déjà à découvert…
Il va donc falloir gérer les Etats et les monnaies non plus en fonction des
rêves mais de la réalité.
Voila qui me rend très optimiste
Charles Gave |