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28/5/11 | Charles Gave |
Vers la chute de l’euro ! Nous venons d’avoir, dans les pays arabes, une série de révoltes et de révolutions qui ont amené à des changements politiques que la plupart des experts considéraient il y a encore quelques mois comme inenvisageables. A l’origine de ces bouleversements, une réalité toute simple : les pays en question étaient gérés en dépit du bon sens, au profit exclusif d’une caste de profiteurs toujours très proches du pouvoir, les élections étaient une farce, les jeunes, malgré des études parfois fort longues, ne trouvaient aucun travail, l’économie était écrasée par le poids des fonctionnaires (45 % en Egypte par exemple), le niveau de vie s’écroulait avec le prix des matières premières qui s’envolait, l’endettement tant intérieur qu’extérieur ne faisait que monter, non pas pour payer des dépenses d’investissement mais pour régler les dépenses de fonctionnements … Bref, pour tous ceux qui ont vingt ans aujourd’hui dans ces pays-là, le futur apparaissait quelque peu bouché, et la solution était de se retrouver dans la rue pour organiser un énorme monôme et demander le départ des dirigeants incompétents. Ici ou là, ils y réussirent et il reste bien sûr à espérer que les nouveaux dirigeants ne vont pas être pires que ceux qui viennent d’être chassés du pouvoir, ce que le futur nous dira. Place à l’Europe de l’Euroland. Qu’y voyons-nous ? A Madrid, à Athènes, à Lisbonne, des foules gigantesques défilent dans les rues pour manifester contre la baisse de leur niveau de vie. En Espagne, le taux de chômage des moins de trente ans dépasse 40 %. En Irlande, en Espagne, en Grèce, les jeunes s’exilent et de ce fait les populations baissent. L’endettement des Etats atteint des niveaux cataclysmiques et trois pays européens sont en faillite déclarée, le FMI ou l’Allemagne leur dictant la politique économique qu’ils doivent suivre. Ils ont donc perdu toute souveraineté. Nous voyons des systèmes bancaires à la dérive dans ces mêmes pays, mais aussi dans d’autres qui essaient de faire croire qu’ils sont à l’abri. Si l’Allemagne a accumulé mille milliards d’euros d’excédents commerciaux en suivant depuis dix ans une politique stupidement mercantiliste, eh bien cela veut dire que les banques allemandes ont mille milliards de papiers émis par les Grecs, les Irlandais, les Espagnols, les Français ou les Italiens dans leur bilan. Qui préféreriez-vous être ? Le Grec qui a la Mercedes, ou la banque qui détient la promesse de payer du Grec ? Le système bancaire allemand a 450 milliards de fonds propres pour 10 000 milliards de prêts bancaires, soit un coefficient de réserves de 4,5 %, alors que le minimum d’après Bâle 2 devrait être de 8 % Et ainsi de suite… Nous voyons une banque centrale européenne en quasi faillite puisque son bilan est chargé de papiers qui ne valent pas grand-chose. Un exemple entre mille : la BCE détient 70 milliards d’obligations grecques achetées à l’émission (c’est-à-dire à 100) et qui valent au mieux 50, ce qui se traduit par une perte de 35 milliards d’euros alors que son capital n’est que de 10 milliards Nous voyons les déficits extérieurs de la France se creuser régulièrement sous l’effet de la perte de compétitivité que subit notre pays tant pour des raisons internes qu’externes Nous voyons l’Italie n’avoir aucune croissance depuis plus de 10 ans A l’origine de tous ces désastres, un élément et un seul : ce monstre financier qu’est l’euro, dernière grande construction technocratique du XXème siècle finissant, après le communisme, le fascisme, le nazisme, le programme commun… ultime manifestation de ce qu’Hayek appelait la « présomption fatale », c’est-à-dire la croyance qu’une idée qui a germé dans la tête d’un technocrate et qui n’a aucun rapport avec la réalité pourrait marcher. Mais ce que je trouve le plus atterrant, c’est la réaction de la classe politique ou financière dans son ensemble. On a l’impression que tout ce petit monde est un peu comme un lapin pris dans la lumière de phares de voitures. Ils ont bâti un système qui ne peut pas marcher (ce que chacun peut voir) et dont on ne peut pas sortir (ce que chacun commence à déplorer), et ils se sentent faits comme des rats, tout politiciens, banquiers centraux, ministres des finances qu’ils soient. L’euro, qui était censé amener à la convergence des économies, à la résorption des déficits budgétaires, à une harmonie européenne parfaite, nous a amenés exactement aux résultats inverses de ceux qui étaient annoncés par ses thuriféraires. Et pour comble d’embarras, ce sont eux, les responsables du désastre, qui doivent le régler… et ça, ça me fait plutôt sourire. Dans un livre paru en 2003 (Des lions menés par des ânes), j’avais expliqué pourquoi l’euro allait échouer, et j’avais décrit les mécanismes qui allaient amener à son échec. Je tiens à assurer le lecteur que je ne tire aucune satisfaction de ce que mes analyses se soient révélées convenable, tant les souffrances créées par ce désastre ont été immenses et vont continuer à l’être pendant encore quelques temps. Mais par contre, je suis très satisfait de voir que cette imbécillité économique va disparaître, tant elle était une machine à fabriquer de la croissance étatique (c’est- à-dire de la stagnation économique) et à favoriser les mauvais investissements. Dans un système de prix libres, les investissements se font en fonction de la rentabilité marginale du capital investi. Dans le monde de l’euro, comme l’idée de base était que la productivité en Allemagne était la même qu’en Grèce, ce qui n’était pas vrai dans les secteurs concurrentiels, les investissements se faisaient dans les secteurs concurrentiels en Allemagne et dans l’immobilier en Espagne. Comme je l’avais écrit à l’époque, tout cela va nous amener à trop de maisons en Espagne, trop d’usines en Allemagne et trop de fonctionnaires en France… La fin de l’euro qui se profile est donc une extraordinairement bonne nouvelle. Chaque fois que disparaît une institution dont le but annoncé est de réduire ma liberté, je me réjouis et j’achète des actions. Je prends donc un pari : si l’euro venait à disparaître, ce qui paraît de plus en plus probable, les marchés d’actions baisseraient pendant 15 jours et monteraient pendant 15 ans, ce qui n’aurait rien d’étonnant puisque les actions sous performent les obligations depuis la création de l’euro. Un point pour conclure : je refuse depuis des années d’acheter des financières européennes et tout ce qui de prés ou de loin dépend des Etats en Europe, car nous arrivons à la fin non seulement de l’euro mais de ce que j’ai appelé le social clientélisme. Aujourd’hui les banques sont devenues des machines à financer les déficits budgétaires et donc je n y touche pas. Et si quelqu’un a du cash il peut le garder en obligations courtes allemandes ou suédoises, ou en dollars US s’il partage ma conviction que là- bas aussi le social clientélisme touche à sa fin. Une chose est sûre : quand le mur de Berlin est tombé, je me suis réjoui. Vivement que ce nouveau mur tombe également ! Charles Gave
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