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8/10/11 Michael Hasenstab
         Et si la zone euros faisait comme l’Irlande
                              pour s'en sortir ?

Récemment, les mauvaises nouvelles en provenance de l'Europe ont conduit les investisseurs sur un vertigineux tour de montagnes russes. Les marchés ont oscillé sauvagement aux dernières rumeurs et craintes. Le scepticisme concernant la capacité de la Grèce à rembourser sa dette semble avoir grandi. Cependant, perdue dans tout ce tumulte, il y a la réforme en cours d'un des pays membres de la zone euro. L’exemple de l'Irlande pourrait offrir à d'autres pays endettés une inspiration pour résoudre leurs propres crises.

L'Irlande a été terrassée par l’effet de levier de son système bancaire qui a induit une expansion sans précédent du crédit et conduit à une bulle immobilière. Mais l’écume financière masquait des fondamentaux économiques solides et deux principaux avantages concurrentiels de ce pays : une main-d'œuvre qualifiée et un environnement fiscal et législatif favorable aux entreprises. Par ailleurs, la politique budgétaire menée avant la crise fut prudente. En 2007, la dette publique de l'Irlande n'était que de 25% de son PIB et son budget était équilibré, grâce, en partie, aux recettes fiscales engendrées par une croissance forte alimentée par le crédit.

La crise bancaire et le ralentissement économique mondial ont porté un coup dur à ce pays. Mais les citoyens et les politiciens irlandais ont retroussé leurs manches et se sont mis rapidement au travail pour réparer leur économie. Les premiers résultats sont prometteurs pour retrouver la compétitivité.

Comme il lui était impossible d’ajuster le taux de change, l'Irlande a conçu une baisse de plus de 20% du coût du travail unitaire depuis 2008 ; ce qui a accru sa compétitivité comme l’aurait fait une dévaluation de 20% de la monnaie si ce pays n’appartenait pas à la zone euro. Les réductions de salaire ont été douloureuses mais elles ont donné des résultats. Depuis janvier 2008, l'excédent de la balance commerciale a doublé, et il représente maintenant plus de 20% de son PIB.

Cette performance à l’exportation compense largement l'ajustement en cours de son appareil productif. En conséquence, l'Irlande a renoué avec une forte croissance au deuxième trimestre de cette année, progressant à un rythme annuel de 2,3%. La reprise de la croissance a non seulement permis à l’Irlande de réduire son déficit budgétaire mais de dépasser largement l’objectif qui lui a été fixé par l’Union européenne et par le Fonds monétaire international.

L'année dernière, l'Irlande a également été le premier membre de la périphérie de la zone euro à revenir à un excédent de sa balance commerciale, même si elle devrait engendrer un déficit cette année. Le F.M.I envisage maintenant un excédent de sa balance commerciale de l’ordre de 2,3% par rapport à son P.I.B d'ici la fin de l'année prochaine. C’est un contraste frappant avec la Grèce et le Portugal, qui tous deux ont des déficits autour de 10% de leur PIB.

En attendant, le gouvernement irlandais a résisté à la pression de ses partenaires de l'UE d'augmenter son taux d'imposition des sociétés qui est resté à 12,5%. La réglementation de Dublin demeure légère. Ce bon climat des affaires, avec une force de travail éduquée, a servi d’aimant aux investissements directs étrangers qui ont progressé de 19% au premier semestre de cette année, menés par la technologie et par les sociétés de services.

Les politiciens irlandais ont également sauvé leurs banques qui étaient au bord du gouffre. Le pays a recapitalisé son système bancaire qui continue de se désendetter de façon agressive. Les stress-tests des banques irlandaises ont été les plus exigeants et les plus crédibles en Europe, parce que ce sont les seuls à avoir été menés par un organisme externe indépendant au lieu d’être faits ; comme partout ailleurs en Europe, par les gouvernements en place.

Au-delà des fondamentaux économiques solides du pays, un large consensus social et politique met l’Irlande à part du reste de la vielle Europe. L'austérité est la potion amère à avaler mais les citoyens irlandais ont compris qu'il n'y avait pas de solution facile et que leurs sacrifices à court terme seraient la base pour renouer avec une croissance durable. Grâce à ce consensus social qui contraste avec les émeutes et les protestations au sud de l’Europe, et malgré un changement de gouvernement, les réformes de l'Irlande restent sur la bonne voie.

Tant que les décideurs politiques dans la zone euro différeront les mesures difficiles qui s’imposent pour assurer la survie de la monnaie unique, les marchés resteront volatiles et tentés de mettre tous les pays européens dans le même sac. Mais cela ne ferait que répéter une vieille erreur. Pendant les dix premières années d'existence de l'euro, les marchés ont ignoré que certains pays membres ont accumulé des déséquilibres commerciaux insoutenables. Ils ont été pris au dépourvu quand les credit defaut swaft (C.D.S) ont grimpé en flèche.

La voie irlandaise sera longue et exigeante pour les autres pays tentés de la suivre. Mais il offre aussi une feuille de route crédible pour les pays lourdement endettés. Si les investisseurs sont encore myopes à l’égard des progrès réalisés par l'Irlande pour réduire sa dette et pour renouer avec une croissance forte, les gouvernements continentaux ferment les yeux pour ignorer comment Dublin est en train de réussir à s’en sortir.

Michael Hasenstab

 



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