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22/11/11 David Howden
     C’est l’Etat-providence qui génère l’économie
                                  souterraine !

Comme le dit l’adage, plus cher coûte votre licenciement, plus difficile sera votre réembauche. Cela n'est nulle part plus vrai que sur le continent européen.

Même aux États-Unis, où l’allongement des prestations d'assurance-chômage a été mis en place après la crise de 2008, les avantages de notre système font pâle figure en comparaison de ceux des Européens. Dès la cessation d'emploi, le Français moyen peut s'attendre à voir plus de la moitié de son salaire prolongée sous la forme d'allocations de chômage. De nombreux travailleurs européens voient ces prestations prolongées pour deux à trois ans après leur cessation d'emploi, et dans certains pays les prestations se prolongent indéfiniment.

Des périodes de chômage se sont donc prolongées sur le continent européen. Des lois strictes régissant la séparation des salariés des entreprises (une belle façon de dire : «Vous êtes viré ») réduisent artificiellement la destruction d'emplois dans ces pays. Malheureusement, ces lois diminuent aussi la chance de trouver un emploi, ce qui entraîne l’augmentation de la durée du chômage bien évidemment. (1)

Ce problème de chômage de masse n’était qu’une conséquence malheureuse d’un système de protection sociale très développé pendant les années fastes. Les caisses des gouvernements étaient suffisamment remplies pour payer ces lourdes prestations. (2) Alors que la crise perdure, cet effet secondaire malheureux se transforme en boulet pour l’État-providence plombé par les déficits publics.

Diminuer les prestations peut être malheureux pour ceux qui comptent sur elles, mais de telles réductions sont inévitables. Certains pays ont adopté des mesures pour essayer d'amener ces prestations insoutenables à un niveau plus réaliste. L'âge de la retraite a été reporté et les allocations de chômage ont été réduites. Les gens ont répondu par des protestations pour maintenir leur niveau de vie. Malheureusement, toutes ces choses désirables ne sont pas réalistes d’un point de vue économique et l’État-providence en Europe en est un bon exemple.

Heureusement il y a un bon côté des choses. Dans la plupart des pays européens, et surtout dans la périphérie en crise, une économie souterraine importante existe. Alors que le taux de chômage officiel en Espagne est arrimé à 20%, une partie importante de ses travailleurs sont en dehors des statistiques officielles. Comme je l'ai indiqué dans une nouvelle collection que j'ai éditée, « Les institutions en crise : perspectives européennes sur la récession », les économies souterraines de la périphérie de l'Europe fournissent amplement (si ce n'est pas toujours souhaitable) des possibilités d'emploi. Alors que la Grèce a la plus grande économie souterraine avec un taux estimé à 25,2 % de son P.I.B., les PIGS (Portugal, Italie, Grèce et Espagne) ont, pour leur part, une activité économique cachée des statistiques officielles de l’ordre de 21,7%. A titre de comparaison, ce taux est de 14,7 % en Allemagne et de 7,8 % seulement aux États-Unis. (3)

Si des masses considérables de travailleurs au chômage se consolent en sachant qu'ils peuvent retrouver un emploi hors du secteur officiel, nous pouvons avancer les raisons pour lesquelles une économie souterraine prospère. Hans Sennholz, dans son ouvrage « L'économie souterraine », énumère les raisons de l'économie souterraine : l’évasion fiscale, un code du travail trop rigide, un chômage partiel qui interdit aux bénéficiaires d’exercer une autre activité et l’interdiction d’embaucher des clandestins.

Alors que beaucoup de gens croient que l'économie souterraine se compose uniquement de fraudeurs et de trafiquants de drogue, nous voyons que cela ne concerne que deux motifs sur quatre. Cela ne veut pas dire que certains travailleurs clandestins veulent échapper à l'impôt ou vendre des substances illicites mais que leur principale raison est motivée par la rigidité du code du travail.

Les économies souterraines en Europe ont connu une croissance beaucoup plus forte au cours des trente dernières années, surtout depuis que cette crise a commencé. À certains égards, la croissance de l'emploi informel est une réponse entrepreneuriale aux marchés du travail inutilement rigides et à l'excès de réglementations. L'industrie a bénéficié de l'expansion de l'économie souterraine. Cela a permis aux entreprises italiennes et espagnoles de s’adapter plus facilement à la demande du marché.

Il ya une volonté accrue de détruire l'économie souterraine à mesure que la crise progresse. La méthode la plus courante implique des contrôles fiscaux plus fréquents et des amendes plus lourdes pour inciter les entrepreneurs à déclarer leurs revenus pleinement aux autorités officielles. Le problème avec une telle solution, c’est qu'elle ignore les raisons fondamentales pour lesquelles l'économie souterraine existe.

Les entrepreneurs opèrent dans l'économie informelle pour deux raisons principales : les taxes rendent les transactions officielles non rentables et les règlements les empêchent de travailler. Les menaces d’augmenter les amendes aggravent le problème, alors que seule une réduction de l'écheveau des règlements et des taxations permettrait de réduire l’économie souterraine.

L'augmentation des amendes et des audits réduira la taille de l'économie souterraine. Mais cette réduction ne se traduira pas par une augmentation corrélative de l'activité du marché du travail officiel. C'est seulement en allégeant le fardeau réglementaire et fiscal que les entrepreneurs seront plus nombreux à vouloir travailler dans l'économie officielle.

Au lieu de voir l’économie souterraine comme une mauvaise chose, les décideurs politiques feraient bien de commencer à la considérer pour ce qu'elle est : un signal fort que les anciennes politiques interventionnistes ont échoué. Si l'on considère que l’économie souterraine est intrinsèquement mauvaise, alors il faut aussi juger que les politiques qui conduisent à leur existence sont également mauvaises. (4)

David Howden

Notes du traducteur :

(1) Cette nuisance est aggravée en France par la jurisprudence des juges fonctionnaires qui sont très majoritairement syndiqués et socialistes.
(2) En réalité, les prestations sociales ont été financées en grande partie par l’emprunt.
(3) Plus le droit du travail est renforcé, plus la part de l’économie souterraine augmente, comme le démontre cette étude comparative.
(4) Le gouvernement français ne s’interrogera jamais sur les causes de l’économie souterraine. C’est compréhensible lorsqu’on tient notre grand économiste libéral Frédéric Bastiat pour un paria dans notre pays alors qu’il est révéré en Amérique pour son extraordinaire vision de la société.


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