Il faut punir tous les génocides … et
pas seulement quelques-uns !
Des intellectuels de tous bords ont montré qu’il est dangereux que les
politiciens écrivent l’histoire. Ce qui n’a pas empêché l’Assemblée
nationale d’interdire la négation du génocide arménien par la Turquie. Le
vote correspondant a eu lieu à une large majorité et a transcendé les
frontières entre partis. La contestation du génocide arménien sera punie
d’une peine d’un an de prison et 45.000 euros d’amende, identique à celle
sanctionnant la négation du génocide des juifs par les nazis.
Les génocides des Arméniens et des Juifs ne sont pas, malheureusement, les
seuls qui aient ensanglanté l’histoire. Alors pourquoi légiférer sur ces
deux génocides-là et pas sur d’autres comme le génocide des Cambodgiens
perpétré par les Khmers rouges en 1974, ou celui plus récent du Soudan ou un
autre, plus ancien, celui des Vendéens massacrés par les colonnes infernales
de l’armée républicaine. Quels critères faut-il retenir pour différencier
les génocides dont la négation devrait être sanctionnée des autres dont la
négation resterait permise ? Le nombre de victimes ? La date des massacres ?
Les intentions des bourreaux ?
Pour y voir clair, prenons un cas concret : celui du génocide ukrainien. Au
cas où mes jeunes lecteurs n’en auraient pas entendu parler (les programmes
d’histoire ne sont pas ce qu’ils devraient être), voici de quoi il s’agit :
afin de forcer la collectivisation des terres et d’y briser toute velléité
de renaissance culturelle, Staline décida de punir sévèrement les paysans
ukrainiens. L’armée et les unités du NKVD, sous la conduite de dirigeants
communistes (Khrouchtchev est le plus connus d’entre eux), se mirent à
confisquer brutalement tous les grains qu’elles trouvaient dans les
campagnes ukrainiennes et interdirent aux paysans littéralement mourant de
faim de se déplacer en quête de nourriture. En 1932-1933 la famine inventée
et imposée par Staline fit entre cinq et dix millions de morts.
Quantitativement il s’agit donc bien d’un génocide. Ethniquement aussi car
les victimes, à l’exception de quelques centaines de milliers de Kazakhs,
étaient toutes ukrainiennes. Chronologiquement, le génocide ukrainien est
plus récent que l’arménien. Quant aux intentions, il est clair que Staline
voulait des morts par millions pour qu’ils servent d’exemple.
Alors pourquoi notre Assemblée nationale n’interdit-elle pas aussi la
négation du génocide ukrainien ? Parce qu’ils n’y a pas assez de Français
d’origine ukrainienne pour que nos politiciens veuillent s’attirer leurs
votes ? Ou parce qu’elle ne veut pas fâcher le gouvernement russe en lui
rappelant son devoir de mémoire ?
Florin Aftalion
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