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Il y a quelque chose de pourri au royaume de France |
19/2/05 | Claude Reichman |
L'affaire Gaymard n'est qu'une pustule sur le corps pourrissant de la Ve
République. Il y a en vérité des millions d'affaires Gaymard, à plus ou moins grande
échelle, dans une France qui, par la faute de son organisation collective, a oublié les
principes les plus élémentaires d'honnêteté, de responsabilité et de dignité. Tous
ceux qui sont payés par l'Etat à ne rien faire ou qui font semblant de faire quelque
chose, ou qui tout simplement travaillent mal parce qu'ils s'en foutent et qu'il n'y a pas
de sanctions, tous ceux qui reçoivent de l'argent public pour leurs associations bidon,
et, bien entendu, tous ceux qui s'en mettent plein les poches parce qu'ils ont libre
accès à l'argent public et que celui-ci coule à flots, tous ceux-là n'ont aucune
critique à formuler à l'endroit de M. Gaymard : ils sont comme lui, ils vivent comme
lui, ils ne méritent que l'opprobre comme lui. Et c'est bien en cela que l'affaire
Gaymard est grave pour la République. Elle ne condamne pas qu'un ministre qui a failli
mais tout un système. Le plus étonnant est qu'il ait fallu attendre aussi longtemps
pour qu'un tel scandale éclate. La dilapidation de l'argent public n'est ignorée de
personne dans notre pays, mais chacun avait l'impression d'être le seul à s'en indigner.
Pourquoi ? Parce que l'indignation générale ne trouvait pas d'expression collective en
raison du silence des médias. Une situation caractéristique des dictatures. Le pouvoir a
les mains libres parce que le peuple ne peut s'indigner qu'en silence de ses turpitudes.
Mais même dans les dictatures, il vient un moment où les satrapes assis de tout le poids
de leurs énormes fesses sur le couvercle de l'information ne peuvent plus empêcher
l'explosion de la marmite. C'est alors que le régime est emporté. L'affaire Gaymard,
c'est exactement cela. Bien entendu, le pouvoir et ses amis des médias vont tout faire
pour que les choses rentrent dans l'ordre, c'est-à-dire dans le silence. Il se peut
qu'ils y parviennent momentanément. Mais le compte à rebours est enclenché pour eux, ou
plus exactement contre eux. Il suffit de voir la réaction de panique de MM Chirac et Raffarin pour comprendre à quel point ils jugent grave la situation. En quelques heures, ils ont intimé l'ordre à M. Gaymard d'abandonner aussitôt son somptueux logement et édicté des règles ridicules accordant 20 mètres carrés d'appartement par enfant de ministre. La bonne règle aurait pourtant voulu qu'une loi de quelques lignes vînt édicter que l'Etat et l'administration ne logent personne et que tous les appartements qu'ils possèdent seront mis en vente. C'est ce qui avait été décidé par la ville de Paris après le scandale de l'appartement de M. Juppé et c'est ce qui doit se faire aussi au niveau de l'Etat après le scandale de l'appartement de M. Gaymard. Cela ne suffira évidemment pas. Le vrai scandale, celui qui pourrit la vie de la France, c'est la présence de l'Etat dans toutes les activités où il n'a que faire. Comment un pays lancé dans la compétition internationale peut-il imposer au secteur privé le poids d'un secteur public deux fois plus important que dans les pays concurrents ? Nous avons plus du quart de fonctionnaires dans la population active alors que les pays du G7 n'en ont que 13 % ! Et tout en découle, à commencer par la vie chère. Les prix sont grevés, en France, du poids insensé des dépenses publiques, qui représentent 54 % de la production nationale. Les journaux sont pleins de pages publicitaires des grandes surfaces vantant les baisses de prix qu'elles sont censées pratiquer ou se plaignant des lois qui les en empêchent. Elles feraient mieux de communiquer sur un thème plus réaliste, mais sans doute moins commercial, appelant l'Etat et les collectivités locales à réduire leurs dépenses. Le voilà, le vrai gisement de consommation que les pouvoirs publics appellent désespérément de leurs vux. Le problème est que de telles réformes appellent un changement radical de
l'organisation de l'Etat, donc une révolution. Et quoi qu'en disent les bons esprits qui
me font valoir que celle-ci n'aura jamais lieu tant le peuple est amorphe, elle est bel et
bien en marche. Il a suffi pour cela que les abus commencent par être dénoncés par la
presse. Et tout le reste va suivre. Claude Reichman
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