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L'imprécateur et le chanoine

20/9/03 Claude Reichman
Stupéfiant ! Ce que Philippe Tesson écrit - dans Le Figaro - du dernier livre de Nicolas Baverez * est stupéfiant. Et terriblement révélateur. Car si l'ouvrage de Baverez affirme avec force et lucidité nombre de vérités sur l'état réel de la France, l'article de Tesson révèle enfin au grand jour les secrets - qui n'en sont plus depuis longtemps pour les personnes informées - du politiquement correct et la façon dont il règne sur notre pays. Editorialiste au Monde et au Point, Nicolas Baverez fait partie du sérail. Mais il y est plutôt toléré qu'admis. C'est qu'on sent bien, chez les grands inquisiteurs, qu'il a conservé sa liberté de pensée. Ses articles d'ailleurs ne visent pas, comme ceux des hérauts patentés de la pensée unique, à désinformer l'opinion pour lui faire prendre des vessies pour des lanternes. Ils se contentent d'analyser les errements économiques et politiques des gouvernements du pays. Il y a quelques mois, pourtant, il a frappé plus fort en baptisant, dans un de ses articles du Point, l'actuel premier ministre du nom de Jean-Pierre Fera Rien. En expliquant bien sûr les raisons de cette appellation. Avec son dernier livre, il va beaucoup plus loin. Et dit enfin ce qu'il est rigoureusement interdit de dire dans les " bons médias " et que voici : " Le blocage de l'Etat et de la sphère publique est en relation directe avec le noyau dur de la classe dirigeante de la Ve République, qui repose sur une osmose entre les dirigeants politiques, les hauts fonctionnaires et les leaders syndicaux. D'où un consensus, qui dépasse les clivages politiques, en faveur du maintien du modèle social-étatiste. " Lequel peut être caractérisé par la formule suivante :
" Appauvrissez-vous par la fin du travail et par l'impôt ".
Le cri de Baverez, somme toute, n'est jamais que celui de l'enfant qui révélait à tous ce qu'ils pouvaient voir par eux-mêmes : " Le roi est nu ! " Oui, le roi est nu. Et il se trouve que beaucoup de citoyens le savent, qui refusent de voter pour un personnage aussi peu respectable. C'est tout le sens du 21 avril 2002. Depuis, quelque chose a-t-il changé ? Non. " Jean-Pierre Fera Rien " et ses amis non plus.

" Le 21 avril n'est pas un accident "

Alors la conséquence de tout cela est facile à prévoir : " Puisque la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour des élections présidentielles, puisqu'un score de 82 % des voix pour le président élu, puisqu'une majorité de 399 députés sur 577, une domination totale du Sénat, une maîtrise de la quasi-totalité des collectivités territoriales ne permettent pas d'engager les réformes que chacun sait indispensables, alors s'ouvre l'alternative de la révolution. Et le 21 avril n'est pas un accident. "
On comprend, à la lecture de ces lignes, pourquoi Philippe Tesson peut écrire que Nicolas Baverez a franchi " avec fracas un seuil symbolique dans la caractérisation de la crise française ". Assurément. Mais en réalité Baverez n'a rien fait d'autre que de dire la vérité. Une vérité que des millions de Français disent eux-mêmes tous les jours chez eux ou au bistrot du coin. Sans jamais être entendus des politiciens de la vraie gauche et de la fausse droite qui gouvernent ensemble la France depuis près de trente ans. Et si ces derniers n'entendent rien, c'est parce qu'ils veulent ne rien entendre. Avec leurs complices des médias, ils font taire toute voix discordante, aussitôt qualifiée de " réactionnaire " et de " marginale " : les mots mêmes qu'emploie Tesson pour regretter qu'avec son livre
" Nicolas Baverez s'expose à un double écueil, sur lequel se sont brisées dans le passé tant d'intelligences : celui de la dérive réactionnaire et celui de la marginalisation ". Et le chanoine Tesson d'essuyer un pleur : " On pourra lui en vouloir de mettre en péril sa contribution au débat public par un manque de modération, qui n'est sans doute que le reflet d'une âme passionnée et généreuse. "
Ne faisons pas de mauvais procès à Philippe Tesson. Il a payé pour savoir. Pendant des années, à la tête du Quotidien de Paris, il a mené un combat sans concession contre la gauche qui avait pris le pouvoir en 1981. Un combat qui lui a coûté cher en termes financiers puisqu'il n'a pu le mener qu'en amputant les bénéfices d'autres publications de son groupe de presse. Un jour, il m'a dit - sans amertume, car c'est un sentiment que cet éternel et flamboyant jeune homme n'éprouve jamais - que la droite ne l'avait guère aidé dans cette bataille. Le malheureux n'avait pas compris qu'elle ne pouvait en aucun cas le soutenir, puisqu'il luttait contre l'organisation collectiviste de la société que la fausse droite n'entendait surtout pas remettre en cause de peur de saper les fondements mêmes de son pouvoir, le jour où elle reprendrait les leviers de commande. Depuis, Le Quotidien de Paris, où se sont affûtées les plumes des meilleurs journalistes français, a disparu. Et Philippe Tesson est, lui, devenu une plume ambulante, qu'accueillent quelques grands magazines et quotidiens, qu'il fait bénéficier de son talent intact.
Sachons gré à Nicolas Baverez de son cri. Remercions Philippe Tesson d'avoir révélé publiquement le mécanisme pervers de la pensée unique. Et disons simplement aux uns et aux autres que les prétendus réactionnaires ne sont que des Français exaspérés et que ceux qui s'expriment en leur nom, loin d'être marginaux, sont en fait majoritaires. On n'aura pas longtemps à attendre pour le vérifier.

Claude Reichman

* Nicolas Baverez, La France qui tombe, 135 p., 12,50 €, (Perrin).

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