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Il faut en finir avec l'impunité des magistrats |
29/5/04 | Claude Reichman |
Les Français découvrent avec effarement les comportements de leur
justice qui a été capable, dans l'affaire de pédophilie d'Outreau, d'envoyer et de
maintenir treize personnes en prison, sans la moindre preuve crédible de culpabilité à
leur encontre. Mais pas plus que l'effondrement du terminal de Roissy, l'affaire d'Outreau
n'est un simple accident. Elle est une illustration, particulièrement dramatique, du
comportement scandaleux de l'Etat à l'égard des citoyens. L'Etat a oublié qu'il est au
service de ces derniers. Il les considère comme des ennemis qu'il faut contraindre et
abattre. Tout prétexte lui est bon. Pendant longtemps, l'Etat s'est contenté de la
terreur fiscale. Elle ne suffit plus, maintenant qu'il a ruiné les Français et qu'ils
n'ont plus sur le dos la moindre laine à tondre. Alors, comme les citoyens restent
malgré tout dangereux parce qu'on ne sait pas quelle fureur pourrait tout à coup les
saisir, l'Etat s'est porté sur le terrain des murs afin d'y faire régner la peur.
La pédophilie est devenue son terrain d'élection. La raison en est simple. Ces actes
odieux ont pendant trop longtemps fait l'objet d'une véritable omerta, notamment dans le
monde scolaire où ils avaient trouvé un terrain d'élection, en raison du fait que
l'école est par définition le lieu où l'on trouve le plus d'enfants. Le milieu
enseignant a beaucoup trop tardé à réagir face à des pratiques qu'il ne pouvait
ignorer mais qu'il préférait taire par solidarité professionnelle et pour ne pas nuire
à l'institution. Il a fini par écouter et entendre la plainte des enfants, qui ne
s'exprimait parfois qu'au moment où ils étaient devenus adultes et saisissaient la
justice. Il a fallu que des procès fussent intentés et des coupables punis pour que la
pédophilie ne fût plus considérée comme un secret honteux mais comme un crime à
dénoncer et à sanctionner. C'est là que le délire a commencé et loin de se borner à l'école, il a investi le milieu familial. La moindre plainte d'enfant est devenue parole d'évangile, la plus invraisemblable dénonciation a suffi à déclencher la machine policière et judiciaire. C'est ce qui s'est passé à Outreau. Et l'on découvre à l'occasion de ce procès que les mensonges éhontés d'une perverse déséquilibrée, ainsi que les affabulations d'enfants psychologiquement perturbés ont pu conduire des policiers et des magistrats à jeter et maintenir pendant des années des innocents en prison et à briser leur vie. Le peuple va crier vengeance Jamais ces représentants de l'Etat ne se seraient ainsi conduits s'ils n'avaient eu la certitude qu'ils agissaient dans le sens voulu par le pouvoir et qu'ils seraient couverts quoi qu'il arrive. Chaque élection, en France, démontre que celui-ci n'est plus légitime. Songeons que les deux principaux partis qui gouvernent alternativement le pays ne représentent, tous suffrages additionnés, qu'un peu plus du tiers des Français. Dans de telles conditions, le pouvoir n'a plus d'autre choix que de modifier les modalités de l'expression populaire afin de permettre à celle-ci de se traduire fidèlement dans les institutions républicaines ou de se maintenir par la force et la violence. C'est cette dernière option qu'il a retenue. On en voit les résultats. Quand des bâtiments de l'Etat s'effondrent à peine inaugurés, quand la police et la justice s'attaquent à des innocents, on est face à une crise majeure. Sans la certitude de l'impunité, qui habite tous ceux qui, de près ou de loin, participent des pompes et des uvres de l'Etat, jamais de tels évènements ne pourraient se produire. Mais jamais non plus l'Etat n'aurait laissé se développer un tel sentiment chez ses desservants s'il ne s'était senti illégitime et si les politiciens qui le dirigent n'avaient eu la volonté de se maintenir au pouvoir coûte que coûte. La guerre civile française, dont nous vivons les premiers affrontements publics, n'est pas un conflit entre les citoyens mais entre ceux-ci et l'Etat. Dans cet affrontement, les personnels de l'Etat qui, ne l'oublions pas, sont aussi des citoyens, sont pris entre le marteau et l'enclume. Beaucoup d'entre eux ont pris le parti de leur employeur. Ils ont fait le pire des choix. Leur devoir, au contraire, eût consisté à respecter et faire respecter, partout où ils sont amenés à agir au nom de la collectivité, les règles de neutralité politique et d'honnêteté républicaine qui sont le fondement même de leur existence professionnelle. Qu'on songe aux agents des impôts qui, pour faire du chiffre, infligent des redressements insensés à d'honnêtes contribuables perdus dans les arcanes d'une fiscalité moyenâgeuse. Qu'on songe aux magistrats qui piétinent la présomption d'innocence et le secret de l'instruction pour se mettre en valeur et se parer d'une auréole de justicier quand ils ne sont que des fonctionnaires appointés au mois et qu'ils n'ont jamais de comptes à rendre au peuple. C'est tout cela qui doit changer. Et vite. Car il y va de la paix civile. Il faut mettre un terme à l'impunité des fonctionnaires et en premier lieu de ceux d'entre eux qui sont les plus protégés, les magistrats. Dans l'affaire d'Outreau, on ne comprendrait pas qu'il n'y ait pas de révocations avec privation des droits à la retraite. Et dans l'affaire du monopole de la Sécurité sociale, dont trop de magistrats ont voulu, sur ordre du pouvoir politique, nier pendant dix ans l'abrogation, croit-on que les centaines de milliers d'entrepreneurs qui ont fait faillite à cause des charges sociales insensées dues au monopole, que les millions de salariés jetés de ce fait au chômage ne vont pas crier vengeance, maintenant qu'ils connaissent la vérité ? La plupart des emprisonnements préventifs ont pour explication officielle le risque de trouble à l'ordre public. Concernant la responsabilité des magistrats coupables d'avoir trahi leurs devoirs, c'est exactement de cela qu'il s'agit. Et ce trouble ne cessera qu'avec leur châtiment ! Claude Reichman
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