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Tout s'est joué à Vitré |
3/2/03 | Claude Reichman |
De sinistres craquements se font entendre dans la maison France. Alors
que cent mille personnes de plus ont été mises au chômage en 2002, le début de
l'année 2003 est marqué par une impressionnante vague de plans sociaux, qui devraient se
poursuivre et s'amplifier au cours des prochains mois. La presse a pu écrire que le sol
se dérobe sous les pieds de Jean-Pierre Raffarin, au moment où, selon le programme qu'il
s'était fixé, il s'apprête à aborder le problème des retraites. L'avenir de la droite parlementaire s'est en vérité joué en 1991, aux états généraux sur la protection sociale qu'elle avait organisés à Vitré alors qu'elle était dans l'opposition. Le Mouvement pour la Liberté de la Protection Sociale (MLPS), que je préside, avait été invité à s'y exprimer. Tous les leaders du RPR et de l'UDF étaient présents dans la salle, de Jacques Chirac à Edouard Balladur, en passant par Alain Madelin, Pierre Méhaignerie, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy etc. Après que les rapporteurs de ces partis eurent développé un programme où était maintenu l'essentiel des dispositions sociales qui, par les charges excessives qu'elles impliquaient, pénalisaient l'entreprise et l'emploi et entretenaient une société d'assistance, le secrétaire général du MLPS, Jean-Pierre Pellan, fit une intervention dans laquelle il observait qu'il avait dû se tromper de salle, constatant qu'il était en train d'assister à une réunion du parti socialiste ! Un tonnerre d'applaudissements salua son propos. Manifestement, la salle, pourtant composée de militants des partis organisateurs, voulait une rupture avec le système et non pas son maintien. Je le constatai moi-même lorsque je pris la parole pour inviter l'opposition à libérer les forces vives du pays en supprimant résolument le monopole de la sécurité sociale et en redonnant à chacun le sens des responsabilités et la récompense de ses efforts. L'approbation chaleureuse de la salle nous fit comprendre que la voie que nous proposions était bien celle que souhaitait le peuple de droite. Mais telle n'était pas l'opinion de ses leaders politiques. Bien entendu, ils firent prévaloir leurs vues, ayant refusé notre proposition de faire voter la salle. Tout était joué. La droite parlementaire venait de décider de maintenir et de faire vivre le socialisme. Elle allait se diriger dans une impasse où elle perdrait sa raison d'être et par conséquent le pouvoir. Et c'est bien ce qui se passa. A trop charger la barque, on lui fait faire naufrage Victorieuse en 1993, elle procéda à une petite réforme du régime des retraites, en
allongeant la durée de cotisation, mais se garda bien de toucher aux régimes spéciaux
des fonctionnaires. Ce traitement par petites touches était voué à l'échec. Il fallait
au contraire présenter au pays un tableau complet du système de protection sociale,
expliquer qu'il était injuste en raison des énormes différences existant entre
Français, qu'il conduisait le pays à la faillite, proposer une réforme d'ensemble,
l'expliquer en déployant de grands efforts de pédagogie et la faire approuver par
référendum. Claude Reichman |