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15/5/21 Claude Reichman
     
       Nos gouvernants ne savent pas que pour eux
                               la fête est finie !

« Un soir, j’ai entendu une automobile bien réelle là-bas, et j’ai vu des phares s’éteindre devant les marches du perron. Je n’ai pas cherché à savoir. C’était sans doute l’ultime invité, qui revenait d’un voyage à l’autre bout de la terre et ignorait que la fête était finie. »
Ainsi se termine la folle histoire de Gatsby le Magnifique. Ainsi se terminent toutes les folles histoires humaines, où le héros s’est cru l’égal des dieux. Ainsi va se terminer la folle histoire de ces monstrueux édifices construit par des hommes pour en rendre d’autres esclaves.

C’est dans le doux pays de France, où l’harmonie des paysages le dispute à la fécondité des terroirs que l’on a bâti ces ignobles bâtisses, peuplées de tortionnaires indifférents à la souffrance d’autrui. « Jusqu’au dernier centime, répétaient-ils, jusqu’au dernier. Vous devrez tout nous donner. Pour que vive la solidarité qui fait la gloire de notre nation. »

Quelques individus révoltés ne comptaient pas face à la puissance de cette invincible armée. Cela durera, leur disait-on, cela durera jusqu’à la fin des temps, car nous sommes arrivés au sommet de l’histoire.

Or voilà qu’un être minuscule, un virus, a interrompu la marche de l’histoire. Tout ne s’est pas effondré, mais plus rien n’est debout. Plus rien ne fonctionne comme avant, et plus personne ne sait qu’il y a eu un avant. Voilà de nouveau l’homme nu face à son destin.

Grisante époque pour les âmes conquérantes. On va enfin pouvoir s’élever au dessus de la boue quotidienne et tracer de sublimes perspectives. Celle, par exemple, de gagner librement sa vie et de jouir des fruits de son travail. Celle du spectacle d’une famille épanouie, rassemblée pour fêter l’an neuf et la joie de l’avenir, dans la vaste demeure construite par l’aïeul après tant d’années d’efforts. Celle du coin de terre difficilement acquis et que personne ne viendra vous arracher.

Ainsi se termine, en France, le temps des voleurs. Ainsi commence la nouvelle aventure de l’homme libre.

Ni les gouvernants de notre pays, ni leurs sinistres exécutants ne savent vraiment que, pour eux, la fête est finie. On les voit continuer de parader aux étranges lucarnes, discourir à l’infini sur la perpétuation de leur nuisance, inaugurer en grande pompe des routes qui ne mènent nulle part. Et si j’avais fait un cauchemar, se disent-ils dans la barbe qu’ils ont laissé pousser pour faire jeune, eux si vieux dès la naissance, eux que plus rien ne rattache à nous sinon leurs griffes acérées plantées dans notre épiderme et que nous allons arracher dussions-nous le payer d’une ultime souffrance.

Les Français, tout occupés à fixer un masque sur leur nez dès qu’ils mettent le nez dehors, ne se rendent pas encore compte de la fantastique affaire qu’ils viennent de réaliser. Sans combattre, sans actions d’éclat, sans harangues enflammées, ils se sont débarrassés de la tyrannique armée d’envahisseurs qui les tenaient sous le joug. O, cela leur était déjà arrivé, au milieu du siècle dernier, quand ils avaient cru vaincre la horde des Germains qui se vautrait dans leurs demeures. « La France venait de passer de la défaite à la victoire, sans passer par la guerre », a dit un titi du 14e du nom d’Audiard.

Ne boudons pas notre plaisir. Tous ceux qui nous ont fait du mal, nous allons les voir souffrir. A chacun son tour, dit une devise qui n’a rien de chrétien mais dont on ne parvient pas à avoir honte.

« Bon, c’est pas tout, mais il va falloir s’y mettre ». C’est la phrase éternelle et universelle du bosseur, celui qui nous a fait passer du singe à l’homme. Bosseurs bosseuses, une fois encore chers vieux amis, tous ensemble on va s’y mettre. C’est autrement plus gai que de gémir !

Claude Reichman








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