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La glorieuse armée rouge |
11/5/05 | Florin Aftalion |
Le 9 mai dernier, la glorieuse armée rouge a défilé (sur la place de
la même couleur) devant la fine fleur des chefs des Etats de la planète. Les dirigeants
russes, j'allais dire soviétiques, voulaient ainsi nous rappeler la part prise par l'URSS
dans la défaite du régime nazi. Mais en un temps où, avec raison, l'on nous rappelle
sans cesse le devoir de mémoire, une mise au point paraît nécessaire. Quelques faits
oubliés dans la liesse des célébrations méritent d'être rappelés. Le 23 août 1939 était signé à Moscou par Molotov et Ribbentrop le pacte dit de non-agression germano-soviétique. Les chancelleries occidentales semblaient prises par surprise. Elles n'auraient pas dû l'être car Staline le préparait depuis longtemps. Il avait, six mois au préalable, limogé son ministre des affaires étrangères Litvinov qui, en tant que juif, ne pouvait négocier avec les nazis. Un transfuge soviétique, le général Krivitsky, en avait annoncé l'imminence dans la presse américaine, sans malheureusement être pris au sérieux. Le but du maître du Kremlin était de laisser les Etats dits bourgeois s'entredéchirer avant que l'URSS n'attaque un vainqueur affaibli. Le pacte de non agression germano-soviétique et le traité commercial qui l'accompagnait eurent des conséquences sérieuses sur le déroulement de la seconde guerre mondiale. La première fut, en assurant les Allemands qu'ils ne seraient pas attaqués à l'est, de leur permettre de jeter toutes leurs forces contre la France en mai 1940. Et au cours du blitzkrieg qu'ils déclenchèrent, les chars de la Wehrmacht roulèrent et les avions de la Luftwaffe volèrent grâce au carburant fourni par l'URSS. La patrie des travailleurs se comporta alors comme un allié fidèle de Hitler, les communistes français allant jusqu'à saboter l'effort de guerre national. En juin 1941, les divisions allemandes envahirent l'Union soviétique à la grande surprise de Staline. " Qu'avons-nous fait pour mériter d'être traités ainsi ? " se lamenta-t-il. Il n'avait pas compris qu'Hitler, croyant avoir gagné la guerre à l'ouest, voulait achever son allié-ennemi de l'est avant que celui-ci ait pu se renforcer. Qualifier l'accord entre Hitler et Staline, de pacte de " non agression " tient du langage orwellien. C'est, au contraire, d'un pacte d'agression envers des pays tiers qu'il s'agit. Après qu'Hitler eut envahi la Pologne, Staline ordonna à ses armées de prendre part au dépeçage de ce malheureux pays. Dans la foulée, elles se jetèrent également sur les pays baltes et sur la Bessarabie (une province roumaine) et attaquèrent la Finlande (qui se défendit vaillamment). Les communistes se conduisirent dans les régions qu'ils occupèrent aussi bestialement que les nazis. A Katyn, ils exécutèrent d'une balle dans la nuque 15.000 officiers polonais prisonniers, coupables d'être potentiellement des opposants à un futur régime communiste. Sur la ligne de démarcation entre leurs armées et les troupes allemandes, ils mitraillèrent tous les réfugiés, des juifs surtout, qui tentaient de fuir les persécutions nazies. Ils allèrent même jusqu'à livrer à leurs alliés les juifs allemands communistes qui avaient fui l'Allemagne après l'arrivée au pouvoir de Hitler. Une fois attaquée, l'Union soviétique se défendit et réussit à repousser l'envahisseur jusqu'à Berlin. Elle le fit au prix de quelques huit millions de morts dans ses propres rangs. Ce chiffre monstrueux révèle la difficulté de la tâche mais aussi la cruauté et l'inhumanité des méthodes staliniennes. A l'arrière des lignes rouges circulaient des commandos spéciaux du NKVD (le précurseur du KGB) qui exécutaient systématiquement tout militaire soupçonné de faiblesse ou d'incompétence. Lorsque le chef suprême voulait prendre une position ennemie, il envoyait des vagues humaines à la boucherie comme aux pires moments de la première guerre mondiale. Les Soviétiques durent aussi leur victoire à l'aide que leur prodigua Roosevelt sous forme de contrats de prêt-bail. Ils reçurent ainsi de leur allié américain 3.000 avions, 581 navires, 77.900 jeeps, 151.000 camions légers et plus de 200.000 camions militaires. Grâce à ces envois, ils motorisèrent leur armée. Staline obtint également 1,5 millions de kilomètres de câbles électriques, 35.000 stations radio, 380.000 téléphones de campagne et plusieurs usines clé en main. Le tout d'une valeur estimée au minimum à 9 milliards de dollars de l'époque et livré à Mourmansk, port de la mer de Behring, au prix de sérieuses pertes matérielles et humaines causées par les sous-marins allemands (et sans que les marins alliés soient autorisés ne serait-ce qu'à mettre pied à terre). La dette engendrée par ces livraisons colossales ne fut jamais réglée. Voilà quelques-uns des faits qui méritent d'être rappelés. La glorieuse armée rouge, les dirigeants russes et les communistes (français en particulier) ont un effort de mémoire à faire. Et pas mal d'excuses et de pardons à demander. Florin Aftalion
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