La liberté sauvera
l’homme !
Et voilà Macron à la tête d’un nouveau concept, celui de
« décivilisation ». C’est à Jérôme Fourquet, un sondeur, qu’il l’a
emprunté. Ce mot peu usité est une façon de tourner autour du pot. C’est
« ensauvagement » qu’il aurait fallu dire. Là, tout le monde comprend.
Il suffit d’ouvrir la télévision pour voir se dérouler la litanie des
horreurs commises par des hommes à l’égard d’autres hommes.
Cet ensauvagement – pour ne parler que de la France – a pour cause
première l’extinction progressive de la religion dominante. Il reste des
catholiques, mais ils n’ont plus guère d’influence sur la société, parce
que celle-ci a fini par faire sienne l’idée de l’évolution, qui rend
incroyable l’idée de la création de l’homme par acte divin. Certains y
croient encore, moins par conviction que par fidélité à leur religion.
Et l’on peut parier sans risque de se tromper qu’il en sera de même pour
les autres religions du Livre. L’humanité voit donc poindre devant elle
des décennies, ou même des siècles, de remise en cause d’un dogme sous
l’égide duquel s’est constituée la civilisation occidentale, la plus
évoluée du monde.
Dans un monde sans barrières morales et donc sans interdits, tout peut
arriver, surtout le pire. Car l’homme, tout civilisé qu’il soit, reste
un animal aux pulsions sauvages plus ou moins maîtrisées. On assiste en
ce moment à des tentatives de création de nouvelles religions à base
d’humanisme mal compris et de sectarisme affiché. Elles ont en commun le
fanatisme, qui est un dérivé pervers de toute croyance. Les individus
modérés vivent mal cette intrusion dans leur monde. Mais ils n’y peuvent
rien. Fouché, le ministre de la police de Napoléon, avait bien résumé le
problème. « N’attaquez pas les sots, disait-il, en période de crise, ils
sont tout puissants. »
L’enjeu de l’époque est donc bien l’évolution de notre civilisation,
voire son remplacement par une autre. Ce qui rend dérisoires les débats
des plateaux télévisés et même la plupart des articles plus ou moins
savants qui meublent les journaux. Je n’ai plus la moindre illusion sur
l’utilité des débats télévisés, mais j’avoue qu’il m’arrive encore
d’ouvrir une revue en espérant y trouver une pensée utile à notre
avenir. La déception est hélas fréquente.
L’attitude raisonnable est donc de désespérer de tout et de se replier
sur sa vie intime. Mais même celle-ci est en permanence agressée par la
folie du temps. Alors il ne reste plus qu’à se battre. Non pas avec des
armes, contre les fous, mais avec des arguments issus de la culture
qu’on a reçue et que les siècles ont forgés. Se référer aux anciens
Grecs est à cet égard une méthode recommandée, tout comme à nos
meilleurs penseurs français, dont le message n’a rien perdu de sa
fraîcheur intellectuelle et de sa vigueur.
Si l’on doit s’accrocher à un concept et à un seul, c’est celui de
liberté qu’il faut choisir. Il est consubstantiel au développement
humain. Nous n’avons pu dominer notre état d’australopithèque pour
devenir d’étapes en étapes homo sapiens que grâce à l’instinct de
liberté. Il ne s’agissait pas à l’époque - il y a donc plus de trois
millions d’années – d’une idée exprimée mais d’une attitude spontanée,
maintenue sans défaillance à l’égard d’autrui. Et elle a été
victorieuse. C’est le plus bel exemple de développement civilisationnel
qui soit. Qu’on imagine un pauvre petit australopithèque échappant à la
surveillance de la tribu pour aller voir ce qui se passe à l’horizon.
C’était l’ancêtre de Christophe Colomb, c’était le père de la
civilisation occidentale. Notre parent éloigné !
Ce concept de liberté doit nous permettre de juger notre civilisation et
de lui assigner des perspectives. Nous devons impitoyablement traquer
tout attentat à notre liberté. Ils sont légion en France, où sévit un
régime communiste qui ne dit pas son nom mais pratique la chose. Qu’on
songe aux méthodes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.
Elles voient se succéder mises en demeure, contraintes, saisies,
amendes, prison. Tout cela pour notre bien ! ll suffit de parcourir les
allées de la société pour tomber à chaque pas sur un viol de notre
liberté, et donc sur une atteinte à notre civilisation. J’ai écrit un
livre intitulé « Les sauvages », qui peignait notre société sous un œil
venu d’une autre civilisation.
La liberté sauvera l’homme. Car elle seule peut lui offrir des
perspectives. Et parce qu’elle est le seul concept qui peut s’opposer
victorieusement à tous les autres. Ce n’est pas pour rien qu’elle est le
premier droit naturel et imprescriptible que cite la Déclaration des
droits de l’homme. Qui est le faîte de notre Constitution. Face à lui,
chacun, en France, devrait s’incliner. Comme devant notre drapeau !
Claude Reichman