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2/12/05

La véritable cause du désastre judiciaire d'Outreau

L'affaire d'Outreau n'est pas un simple et scandaleux dysfonctionnement d'une justice   "qui marche bien ", si l'on en croit le garde des sceaux, M. Pascal Clément. Elle est au contraire une manifestation emblématique de son mal profond. Car des affaires d'Outreau, chacun peut vous en décrire. Bien entendu, il ne s'agit généralement pas de faits aussi choquants, mais même quand l'offense à la vérité, la violence et le traitement inhumain infligés aux justiciables sont de moindre ampleur, ils n'en sont pas moins réels et provoquent chez ceux qui en sont victimes des blessures qui ne cicatrisent jamais.

Qu'a-t-on constaté dans l'affaire d'Outreau ? Le délire et la schizophrénie d'un juge d'instruction refusant d'entendre le moindre argument opposé à sa thèse, mais surtout l'absolution systématique de ses actes par tous les magistrats chargés de le contrôler, à savoir ceux du parquet et de la chambre de l'instruction. Si ces magistrats ont ainsi, tous ensemble, provoqué cette épouvantable méprise, c'est parce qu'ils sont tous imprégnés de la même culture, celle de l'administration et de sa toute puissance. La France est un pays où l'administration ne renonce jamais à imposer sa loi. Parce qu'ils sont fonctionnaires, les magistrats, à de très rares exceptions près, ne sont pas prêts à se remettre en cause dans leurs actes. Et encore moins à se désolidariser de leurs pairs. C'est ainsi que l'insécurité juridique se perpétue en France et que la société n'éprouve pas pour sa justice le sentiment de confiance légitime qu'elle devrait lui inspirer.

Par quelle aberration la France s'est-elle donné un corps de magistrats n'ayant aucune connaissance vécue de la société civile, du monde du travail et de l'entreprise ? L'explication est simple : la Sécurité sociale, l'Ena et l'Ecole nationale de la magistrature ont été créées dans le même esprit, celui du collectivisme ambiant qui poussait à une organisation autoritaire de la société. Parée de toutes les vertus, celle-ci était censée savoir mieux que l'individu ce qui était bon pour lui. On voit aujourd'hui le résultat : une faillite générale.

Dans la salle d'audiences de la cour d'assises de Paris, on a assisté à une scène extraordinaire. Le procureur général de Paris, M. Yves Bot, debout devant la barre des témoins, a donné, à l'issue du procès, une conférence de presse improvisée. Il voulait dire que finalement justice avait été faite. Concernant les fautes inexcusables des magistrats dans cette affaire et dans beaucoup d'autres, ce n'est pas du tout l'opinion des Français. C'est sans doute pour cela que M. Yves Bot n'avait pas du tout l'air d'un procureur général mais d'un accusé.

Claude Reichman


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