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4/1/09 Ph. Even,
B. Debré

Le gouffre : l’assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP)

État dans l’État, diamant noir des hôpitaux publics, l'AP HP, qui a en mains les cartes de tous les succès, a su écrire l'histoire de tous les échecs. Elle est aujourd'hui emblématique de tous les défauts de l'hôpital public. Elle est l'institution à abattre. C'est de libérer, au service des malades, les forces créatrices qu'elle enferme depuis trop longtemps qu'il s'agit.

Dans un livre récent (1), l'un de nous a décrit tous les dangers d'une institution irresponsable, pour qui, objectivement du moins, ne comptent ni les malades ni les progrès de la médecine, qu'elle a pour mission de servir. Ce livre n'a suscité ni controverse ni réponses, et moins encore les plaintes annoncées.

L'AP HP, un colosse unique au monde, où pas un hôpital autonome ne dépasse
2 500 lits. Elle associe 40 hôpitaux, 25 000 lits, dont 15 000 d'aigus et 4 000 de soins de suite, plus de 500 000 admissions (plus 400 000 de moins de 24 heures), plus de 5 millions de consultations, près de 30 % de l'offre de soins aigus de toute l'Ile de France (42 % de la médecine et 21 % de la chirurgie et de l'obstétrique) et les trois quarts de celle de Paris et de sa première couronne, avec 90 000 salariés, 700 services, 8 000 médecins plein temps et 50 000 soignants, dont 16 000 infirmières, 10 000 administratifs, dont 1200 au Siège, quand 400 suffiraient selon la Direction elle-même, un par malade hospitalisé, plus que de médecins, autant que d'infirmières présentes, deux ou trois fois plus que dans les autres hôpitaux, un excès directement lié à sa taille, comme dans toutes les entreprises géantes. L'ensemble de très loin le plus lourd du monde. Et le plus cher.

Des hôpitaux de Paris chacun connaît les succès, entièrement dus aux médecins, aux infirmières et aux recherches qui y sont menées, exclusivement soutenues par les Universités qui recrutent les enseignants chercheurs, et l'INSERM et le CNRS qui créent et financent les laboratoires de recherche implantés pour moitié dans les locaux des hôpitaux et pour l'autre, dans les facultés de médecine. L'AP HP en tant qu'institution n'est pour rien dans ces succès.

Chacun connaît aussi les graves défaillances dont l'AP HP est, à l'inverse, l'unique responsable. Ce monstre, secoué de convulsions immobiles, court à la décomposition en une morne succession de velléités avortées ou de décisions contradictoires, ordres, contrordres, marches, contre marches, projets, contre projets, anti projets, perpétuelle procrastination, « bateau ivre », Monopoly incompréhensible, « voyage en absurdie », monde kafkaïen : urgences débordées, accueil inexistant, vieux et handicapés mal pris en charge, bâtiments délabrés, insécurité, rangées de lits vides ici, lits ou brancards dans les couloirs ailleurs, constructions pharaoniques et non prioritaires, équipements rationnés là où ils seraient nécessaires, mais inutilisés ailleurs, surcoûts abyssaux. J’en ai dit les causes : gigantisme centralisateur de l'ensemble, incompétence médicale de directions générales énarchiques ignorant tout de l'hôpital où jamais elles n'ont mis ni ne mettront jamais le pied, pseudo concertation et exclusion des soignants et des patients de tous les espaces de décisions, administration proliférante.

Pr Philippe Even, Pr Bernard Debré

1. Ph. Even, Les Scandales des hôpitaux de Paris et de l’hôpital Pompidou, le cherche-midi, 2001.


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