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12/3/06

Le livre qui peut vous faire gagner des milliards

Douche froide pour les Français, les Allemands et les Japonais qui espéraient remporter en Chine le contrat du siècle : la construction de la ligne de TGV Pékin-Shanghaï. Le gouvernement chinois vient en effet d'annoncer que la Chine construirait elle-même cette liaison ferroviaire en utilisant une technologie nationale. Ainsi les marchés publics obtenus en Chine par les Européens et les Japonais au prix d'importants transferts de technologie au profit des Chinois n'auront finalement servi qu'à permettre à ces derniers de leur damer le pion. Les géniaux dirigeants des firmes occidentales auraient pu facilement faire l'économie des coûteux investissements réalisés en Chine et des cadeaux technologiques consentis dans l'espoir de remporter des marchés dans l'Empire du milieu. Un peu plus de connaissance de la mentalité et des pratiques chinoises les aurait mis à l'abri des cruelles déconvenues qu'ils y subissent, la perte de la ligne Pékin-Shanghaï n'étant que la dernière en date. C'est ce qu'expliquent parfaitement Jean-Marc et Ydir Plantade dans leur ouvrage " La face cachée de la Chine ". Avis à ceux qui pourraient être encore attirés par les mirages du marché chinois : Acheter ce livre vous coûtera certes 20 euros, mais vous éviterez d'en dépenser des milliards en pure perte. Et ce sera sans aucun doute la meilleure affaire que vous ferez en Chine !
Nous publions ci-après un extrait de ce livre annonçant aux industriels du chemin de fer comment ils allaient se faire doubler par les Chinois.


         Quand les Allemands regardent passer le train chinois

Le 31 décembre 2002, c'est un chancelier allemand satisfait qui serre chaleureusement la main de son homologue chinois, le Premier ministre Zhu Rongji. Les deux hommes viennent d'inaugurer l'unique Maglev en activité. De conception allemande, ce train à lévitation magnétique, le plus rapide du monde, relie le nouvel aéroport de Shanghai Pudong à la station de métro Long Yang, distante de 31 kilomètres. La rame atteint les 300 km/h deux minutes après le départ et fonce à travers champs à une vitesse de pointe frôlant les 430 km/h. Le trajet, embarquement et débarquement des passagers compris, s'effectue en dix minutes. Un vrai triomphe de l'industrie allemande : un consortium rassemblant les plus beaux fleurons industriels d'outre Rhin, Transrapid, Siemens, ThyssenKrupp, a réalisé cette performance technique en partenariat avec la régie locale Shanghai Maglev.

Pourtant, depuis la signature du contrat en 2001, des critiques de moins en moins feutrées dénoncent l'escalade des coûts générés par ce projet pharaonique. L'addition est plus que salée : 1 milliard d'euros pour 31 km de voie ferrée ! Et là où le bât blesse, c'est que, selon la presse allemande, notamment le Handelsblatt, la construction du Maglev de Shanghai a été fortement subventionnée par... le contribuable allemand ! La proportion de ces aides de l'État allemand au chantier chinois n'a pas été rendue publique, mais devant l'absence de démenti officiel, il semble que la Bundesrepublik ait généreusement financé la construction de ce RER de luxe. De plus, le Handelsblatt laisse entendre que des transferts de technologie dans le domaine des trains à lévitation magnétique ont eu lieu entre le consortium allemand et ses partenaires chinois. Les industriels allemands s'étranglent et jurent leurs grands dieux que jamais ils n'ont fait une chose pareille.

Pourtant, à sa sortie du train lors de l'inauguration, sans doute grisé par la vitesse, Gerhard Schröder annonce que des " transferts de technologie allemande seraient justes et bénéficieraient aux deux nations ". Là encore, si le chancelier allemand lui même s'avance aussi loin, il n'est pas hasardeux de penser que les Chinois ont pu avoir accès à certains pans de cette technologie de pointe.

Pourquoi les Allemands se sont ils montrés si généreux avec les Chinois au sujet de ce modeste chantier de 31 km ? C'est qu'au delà de cette ligne de prestige reliant le métro de Shanghai au nouvel aéroport, c'est un trophée nettement plus important qu'ils visaient : la construction de la future ligne à grande vitesse Pékin Shanghai. Longue de près de 1400 kilomètres, cette route s'annonce comme un des plus grands chantiers mondiaux à venir dans le secteur ferroviaire. Et les Allemands y voyaient l'occasion de relancer leur technologie de trains à lévitation magnétique (dits encore " sur coussin d'air ") qui, en raison de ses coûts élevés, peine à trouver des débouchés. Gerhard Schröder et le consortium Transrapid International ont donc joué au billard à deux bandes : l'aide apportée à la construction du Maglev de Shanghai devait servir à faire adopter cette technologie par l'État chinois et à faire finalement tomber le faramineux contrat du Pékin Shanghai dans l'escarcelle allemande.

Las, le 7 janvier 2004, un an après l'inauguration en fanfare du Maglev de l'aéroport shanghaien, à la sortie d'une réunion ordinaire du Conseil d'État (le gouvernement chinois), son porte parole annonce qu'un " plan de développement du réseau ferre à moyen et long terme " vient d'être adopté et qu'il donnera la priorité aux voies ferrées classiques. Cette simple déclaration technique porte un coup fatal aux espoirs des Allemands de voir leurs trains sur coussins d'air relier un jour la capitale économique chinoise à sa capitale politique. En d'autres termes, le contribuable allemand a financé à fonds perdus un projet coûteux en Chine sans que sa générosité soit payée de retour par l'État chinois. Aujourd'hui ce sont les trains à grande vitesse classiques, sur rails, qui tiennent la corde. Le japonais New Trunk Line et son Shinkansen, le français Alstom et son TGV et l'allemand Siemens avec son ICE sont toujours en compétition pour le mirifique contrat du Pékin Shanghai, estimé à plus de 10 milliards d'euros. Là encore, certaines couleuvres devront probablement être avalées par l'entreprise qui remportera le contrat: le Premier ministre Wen Jiabao n'a pas fait mystère de son intention d'utiliser l'importance de ce contrat pour exiger le plus possible de transferts de technologies de la part du consortium qui se verra accorder le chantier. Comme d'habitude, les Chinois cherchent à obtenir le maximum de transferts de technologies étrangères afin de construire leur propre industrie de pointe. Les trains à grande vitesse chinois atteignent à l'heure actuelle les 250 km/h. Gageons que quelques mois après le début des travaux de la ligne Pékin Shanghai, ils parviendront à dépasser comme par magie les 300 km/h.

Jean-Marc et Ydir Plantade (Extrait de " La face cachée de la Chine " (Bourin éditeur), 284 pages, 20 euros.



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